Historique
du
299e Régiment d'Infanterie
- CHAPITRE PRÉLIMINAIRE : MOBILISATION. — FORMATION
- CHAPITRE PREMIER : PREMIERS CHOCS. — PREMIERS SUCCÈS
- CHAPITRE II : LA FORÊt DE PARROY
- CHAPITRE III : EN SECTEUR CALME
- CHAPITRE IV : LA RUÉE ALLEMANDE SUR VERDUN
- CHAPITRE V : DE SECTEURS EN SECTEURS
- CHAPITRE VI : RECONNAISSANCES ET COUPS DE MAIN
- CHAPITRE VII : CROUY
- CHAPITRE VIII : L'OFFENSIVE FRANÇAISE DU 10 AOUT. - LASSIGNY
- CHAPITRE IX : L'OFFENSIVE DE CHAMPAGNE
- CHAPITRE X : L'OFFENSIVE FRANCO-AMÉRICAINE D'ARGONNE
- ÉPILOGUE : DE L'ARMISTICE A LA DISSOLUTION DU 299e
CHAPITRE PRÉLIMINAIRE : MOBILISATION. — FORMATION
Le 299
e Régiment d'Infanterie de réserve commença sa mobilisation le 3 août 1914
à Sainte-Colombe-lès-Vienne. Il était composé en grande partie d'hommes du Lyonnais et du
Dauphiné, et fut placé sous le commandement du Colonel Petitjean.
Le Régiment faisait partie de la 147
e Brigade commandé par le Général Durupt et de
la 74
e Division sous les ordres du Général Bigot.
Le plan de concentration l'affectait à la défense de la frontière Italienne (Armée des Alpes
commandée par le Général d'Amade). Le 7 août le 299
e embarqué en deux trains,
était dirigé sur la région de Chambéry et cantonnait le 9 et le 10 à
Montmélian, la Chavanne et Plaraise. Le 11, le Régiment remontait légèrement la
vallée de l'Isère et s'installait à Coise, Longemale, Chateauneuf, Maltaverne et Poncin.
Le séjour dans ces villages se prolongea jusqu'au 19 et fut consacré à l'entraînement et
à la reprise de l'instruction militaire des réservistes.
Mais lorsque l'Italie eut affirmé sa volonté de rester neutre dans le conflit, le haut Commandement retira les troupes
des Alpes pour les diriger sur le front Nord-Est où les appelait la bataille des frontières. Le 20 août le
299
e quittait la Savoie, embarqué à destination de Besançon.
CHAPITRE PREMIER : PREMIERS CHOCS. — PREMIERS SUCCÈS
(20 août -14 septembre 1914)
Défense de la Trouée de Charmes. — Bataille de la Mortagne.
Le convoi s'arrêta à Charmes et à Chatel-Mouxy.
Le 299
e dès lors, entrait dans la composition de la 148
e Brigade mixte (230
e 333
e 299
e) appartenant à la 2
e
Armée. La mission de cette Brigade était d'organiser la défense de Borville et d'interdire
à l'ennemi toute nouvelle avance dans la direction de Charmes.
Le Colonel reçoit le 22 août l'ordre d'organiser la défense de Bainville-aux-Miroirs. A partir de ce jour, le
Régiment participe à l'offensive du XIV
e Corps. Le 24 l'ennemi est signalé à lest de Bainville.
Le 20 l'action s'engage sur Rozelieure d'une part, sur la ferme de Naque d'autre part, le Régiment n'a pas à intervenir.
Le 26 au matin, la 148
e Brigade se porte sur Borville ; le 333
e et le 299
e s'engagent dans la direction de Remenonviile. Le
Régiment reçoit là le baptême du feu ; les premiers obus à
mélinite tombent, mais sans enrayer la progression et la brigade réussit à pénétrer dans le village.
Une accalmie permet de regrouper les éléments mélangés, puis le groupe du Commandant Colombani,
reprend la progression, mais se trouve bientôt arrêté par le feu. A la nuit tombante, l'assaut
est tenté avec l'aide de nouvelles unités, mais ne réussit pas. Les troupes stationnent à hauteur
de la cote 285 à l'est du chemin Remenonville-Gerbeviller.
Il est indispensable de reformer les éléments des trois régiments confondus au cours de l'action, mais cette
opération est rendue difficile par la pluie, la nuit et la proximité de l'ennemi.
Le lendemain, malgré la résistance des Allemands, le 299
e marche dans la direction de Gerbeviller, et le 28 il franchit
la Mortagne. Immédiatement après le passage, le 6
e Bataillon se déploie et gagne la cote 282. Le feu ennemi
est intense, la lutte est âpre contre les puissantes lignes organisées allemandes. Cependant nous réussissons
à nous établir fortement sur les pentes au nord de la rivière. L'avance a été
pénible et les pertes sensibles, mais l'enemi a subi un véritable échec.
Le 29 le brouillard est trop épais, pour qu'on puisse tenter quoi que ce soit : ce n'est que le 30, au lever du jour, que le
Régiment en liaison avec les autres unités de la 74
e D.I. attaque les tranchées du bois du Haut de la Paxe.
Au pied des pentes, face à l'objectif, les bataillons marchent dans le brouillard jusqu'à 300 mètres
environ des lignes ennemies. Là il faut s'arrêter. Une fusillade intense, à laquelle succède un feu
d'artillerie prend le régiment en écharpe.
Les pertes sont sérieuses, lu Commandant Romaini est blessé. Il faut se replier sur le Viaduc ; là,
les fractions se reconstituent et un combat acharné se poursuit jusqu'à la nuit.
Le but de l'ennemi était de rejeter nos troupes au-delà da la Mortagne. Mais la défence tenace de la division
rendît vains les efforts allemands. L'interdiction à l'ennemi de cette importante position fut un brillant
succès, et le nom de la Mortagne demeure depuis ce jour un des titres de gloire du 299
e.
A partir du 4 septembre commencent les batailles pour Lunéville. Les survivants du 36
e Colonial sous forme d'un
bataillon sont rattachés au 299
e R.I. Après avoir relevé le 222, l'avance commence le 7 sur Lamath
Herinamenil, le Bois Saint-Mausy. Par Chefontaine le Régiment se dirige le 13 sur Lunéville, mais les
ponts n'existent plus, le passage de la Moselle, doit s'effectuer sur une passerelle construite par le Génie. La
récompense de tant d'efforts et tant de sacrifices est l'entrée à Lunéville, qui a lieu au
milieu des acclamations de la population délivrée.
CHAPITRE II : LA FORÊt DE PARROY
(14 septembre 1914 — 19 février 1916)
Rechicourt-le-Château et Bezange-la-Petite. — Le village et la forêt de Parroy. — Bures. —
Reillon et le bois Zeppelin. — Veho.
Durant la période du 14 septembre 1914 au 19 février 1916, le 299
e R.I. fut rattaché d'abord
à la 1re Armée (Général Dubail) puis au 2
e groupe de Divisions (Général
Joppe) groupement auquel il appartint jusqu'à sa dissolution.
Sur le front qui couvre Lunéville, le Régiment organisa des positions solides, creusant le sol sans répit
pour établir un système de défense invulnérable. Les intempéries rendirent parfois
la tâche pénible. L'hiver humide de 1915 en particulier fut cruel pour les soldats qui n'avaient encore que des abris insuffisants.
Le 16 septembre, le 299
e relève le 222
e dans la forêt de Parroy qu'il va désormais occuper. Cette
période sera consacrée à des travaux incessants d'organisation et à de nombreuses
opérations de détail.
Le 15 octobre, le Lieutenant-Colonel Vidal prend le commandement du Régiment.
Le 26 le 299
e prend part à une reconnaissance offensive sur Rechicourt-le-Château et Bezange-la-Petite, en
territoire annexé. Le but et le résultat obtenu étaient de rompre la ligne ennemie, et de capturer plusieurs
centaines de prisonniers. C'était la première fois que le Régiment était conduit au feu par son nouveau chef.
Les mois d'hiver furent marqués par un certain nombre de petites actions destinées à harceler
l'ennemi, à détruire ses travaux et à faire des prisonniers. Les plus marquantes furent les reconnaissances
du 16 novembre où la 23
e Compagnie pénétra dans le village de Parroy, du 30
à la tranchée de la Haute-Rioule, du 30 à la digue de Parroy. Les 15 et 17 février les
23
e et 24
e Compagnies explorent le bois de Gretz. Le 26, l'ennemi tente à deux reprises une attaque qui échoue sur nos
avant-postes. Le 4 mars, une opération ayant pour but de détruire les travaux de défense des Allemands
à la lisière de Parroy, est exécutée par le Régiment. Nos troupes
rencontrent une vive résistance, mais parviennent à remplir leur mission malgré d'assez fortes pertes.
Le 11 mars, le 2
e Groupe de divisions fut dissous. Le G.Q.G. institua alors le détachement de l'armée de Lorraine
(D.A.L.) sous les ordres du Général Humbert. Le détachement comprenant les 59
e 68
e 71
e 74
e Divisions, la
21
e Brigade de cavalerie légère, deux divisions de cavalerie, des autos-canons, des aérostiers et de
l'artillerie lourde. Le 299
e faisait partie de la 74
e D.I.
Dès ce moment, l'activité s'intensifia sur le front. Les patrouilles et embuscades furent plus fréquentes
et les duels d'artillerie plus violents.
Le 19 juin une opération de compagnie, commandée par le Capitaine Picaudet, fut dirigée sur la
tranchée de la Haute-Charrière. Il s'agissait de s'emparer d'un ouvrage important, la lutte en pleine nuit fut
très dure et le feu de la défense allemande fut meurtrier. Néanmoins après deux heures, la
Compagnie rapportait de précieux renseignements.
Relevé par le 217
e le Régiment fut placé le 11 juillet en réserve de D.A.L.
à Einville, Raville, Bonville, Bienville, le repos fut consacré à l'instruction.
Le 24 juillet, le Président de la République, visita les cantonnements.
Le 26, le Régiment regagnait les avant-postes.
Le 8 octobre, le 299
e fut alerté brusquement et enlevé en auto-camions pour débarquer
à Benaménil. Il s'agissait de parer à une attaque ennemie qui avait réussi à s'emparer
du bois Zeppelin en avant de Reillon. Dès son arrivée le Régiment fut jeté en pleine
bataille et se lança à la contre-attaque. Pendant 10 jours les combats se poursuivirent avec acharnement sur un terrain
très difficile, bouleversé par le bombardement et les intempéries. Les difficultés de
ravitaillement, l'état du sol détrempé par l'eau, la précarité des communications, sans
cesse coupées imposèrent aux troupes de grandes fatigues.
Pendant cette période d'attaques et de contre-attaques, le Régiment perdit 3o5 hommes tués ou
blessés, mais il eut la satisfaction d'infliger aux Allemands de sanglants échecs.
Après douze jours de repos bien mérité, le 299
e rejoignit le sous-secteur de
Veho, où les périodes de travail alternèrent avec les périodes de repos
jusqu'à la fin du mois de janvier.
CHAPITRE III : EN SECTEUR CALME
(19 janvier — 16 août 1916)
Nomeny
Le 3 février le Régiment se rend, par étapes dans le secteur N. du D.A.L. pour remplacer la 59
e
D.I. Il est chargé de la défense du secteur de Nomeny. Devant Nancy comme précédemment devant
Lunéville, il se distingue par son ardeur au travail et par le courage qu'il déploie dans ses rencontres avec l'ennemi.
Le Régiment est placé à gauche de la Brigade, la limite du sous-secteur est le croisement des routes
Nomény-Le Tricourt-Nomény-Jandelencourt, à droite le ruisseau de Pompey. Il tient donc la rive gauche
de la Seille, sauf à Nomeny où il reste sur la rive droite. Le sous-secteur est commandé à
droite par le Commandant Dutreuil (Nomeny) à gauche par le Commandant Casella (Château de Dombasle).
Le 13 février, violent bombardement sur le sous-secteur de droite. Les reconnaissances sont nombreuses ; plus importantes ont lieu
le 13, le 15, le 17 et le 21 ; elles ont pour mission de bousculer les travailleurs ennemis.
En mars l'Allemand ne se montre que peu actif ; le Régiment en profite pour faire des travaux de remise en état du
sous-secteur ; les tranchées se creusent et se perfectionnent, les réseaux de fils de fer sont plus denses
; malgré les travaux, les reconnaissances ne cessent Le 2 mars, le Général de Lardemelle prend le
commandement de la 74
e D.I. Une deuxième C.M. est formée au Régiment.
Le 18 avril un coup de main assez important est tenté avec l'appui de l'Artillerie et réussit pleinement. Les postes
ennemis sont bousculés par un abordage à la baïonnette et nous ramenons des prisonniers.
L'instruction est poussée activement en avril et en mai. Les cours de perfectionnement ne cessent pas de fonctionner en vue de
préparer chacun selon ses aptitudes et de confirmer les spécialistes dans les méthodes de combat qui leur
sont propres.
CHAPITRE IV : LA RUÉE ALLEMANDE SUR VERDUN
(16 août - 6 novembre 1916)
La Laufée. — Le petit Dépôt. — La tranchée Seydlitz. — Le ravin de la Horgne
Cependant depuis le mois de février la bataille faisait rage devant Verdun et le moment était venu pour la 74
e Division
de prendre sa place sur le champ de bataille historique.
Le 16 août, relevé par le 3
e Zouaves, le 299
e R.I. quitte le sous-secteur de Nomeny et transporté en
auto-camions, gagne Manocourt où il cantonne. Là, le Régiment s'entraine et se reforme au camp d'instruction
de Saffais, jusqu'au premier septembre, date à laquelle il va au repos à Neuville-sur-Moselle ; repos de courte
durée, puisque le 3 il était à Ligny-en-Barrois et le 11 à Belrupt, à quelques
heures de marche des premières lignes.
La 148
e Brigade occupe le sous-secteur du Centre, dit de la Laufée et comprend à droite le centre de
résistance de la Mortagne et à gauche celui du Chenois.
Le 299
e alterne comme d'habitude avec le 222
e R.I. pour tenir le secteur. Pendant cette période il fait partie de la 2
e
armée puis du groupement Mangin.
A son arrivée la ligne n'était qu'une succession de trous d'obus ; il établit un système de
tranchées, organise les communications, aménage les abris, en prévision de l'offensive prochaine.
Le 4 octobre, il quitte le secteur pour s'exercer du 9 au 30 en vue de la grande bataille. Le 21 il est transporté en auto-camions
à Haudainville. Après avoir complété ses approvisionnements en vivres et en
munitions, le 20 à 18 heures, il gagne son secteur ou il relève le 3o5
e et le 216
e R.I. et participe le 24
à l'attaque qui a pour objectifs la reprise des forts de Douaumont et de Vaux.
Le temps est très couvert. Toute la matinée a régné un fort brouillard qui a
empêché les canons de tranchées de régler leur tir.
L'attaque se déclenche ; à gauche les vagues d'assaut sont accueillies par une fusillade intense qui brise leur
élan devant les fils de fer. La 23
e Compagnie ne peut déboucher et engage le combat en première ligne.
Une petite fraction de la 21
e Compagnie arrive seule à pénétrer dans la tranchée ennemie.
La 22
e Compagnie envoyée en renfort, se fond avec la 21
e et réussit à s'emparer de la tranchée
Clausewitz. A droite la 19
e Compagnie et le peloton de sapeurs sautent dans la ligne allemande, font de nombreux prisonniers, mais de suite,
se trouvent en butte à d'énergiques contre-attaques. Le manque de grenades rend la situation critique . Le
Colonel essaye par trois fois de ravitailler les éléments engagés, aucune
corvée ne pourra arriver avant 17 heures.
A 12h. 5, la droite de la 19
e Compagnie fortement contre-attaquée est légèrement
refoulée. La Lieutenant Labasse rallie ses hommes. La section Itier de la 18
e Compagnie est envoyée pour renforcer
et assurer la liaison avec la gauche du 222
e R.I. Elle est arrêtée et décimée par le
feu des mitrailleuses. La section CarrO de la 18
e Compagnie reçoit la même mission. Elles s'établit
en échelon face au Nord-Est ; enfin la section de l'adjudant Charrelo (5
e C.M.) réussit à installer une
pièce qui immobilise l'adversaire. A gauche la contre-attaque est maintenue par un barrage de grenades. Une seule
pièce de la section du Lieutenant Braun (5
e C.M.) peut s'installer et appuyer l'action.
Pendant 4 heures la lutte sa poursuit pour arrêter les retours offensifs de l'ennemi. Pour venir à bout de la
résistance de l'adversaire et pour garder le terrain conquis, il faut toute la ténacité et toute la
vaillance de nos hommes.
Il est 16 h 3o, nous avons pu enrayer les contre-attaques, mais malgré les efforts, nous n'avons pu nous emparer du
« Petit Dépôt » et quelques ilôts de résistance subsistent encore dans la
tranchée de droite.
La nuit tombe. Le Chef de corps donne l'ordre au Commandant Picaudet de réunir tout ce qui lui reste sous la main, de traverser
à droite les éléments de la tranchée conquise, et de tourner le centre de
résistance pour le faire tomber. Le mouvement commence. Le Bataillon composé des 17
e et 18
e Compagnies du 299
e d'un
peloton du 222
e de la section de mitrailleuses et du canon de 37, sort de la tranchée de Bitlis. Les vagues avancent dans le plus
grand ordre. Le Chef de bataillon marche en tête de ses hommes, les entraînant au chant de la Marseillaise. A cette
vue, les îlots de résistance se rendent. La 17
e Compagnie se met en liaison avec la 19
e pendant que le reste du
bataillon, continuant son mouvement de conversion se rabat sur le Petit Dépôt et le prend à revers.
Par cette manœuvre habile, le centre de résistance si bien défendu se trouve complètement
encerclé. Le Commandant du secteur est fait prisonnier avec son état-major. Les défenseurs, privés
de leurs chefs, se rendent en grand nombre, toute la nuit, les tranchées sont fouillées et livrent un butin
considérable. Puis, sous un feu violent, les sections travaillent à retourner les tranchées et
à relier entre eux les trous d'obus.
La Régiment, dont l'entrain et le courage ne se sont pas démentis un instant au cours de cette lutte
acharnée, peut être fier du résultat acquis. Malheureusement le succès a
coûté cher, puisque le Capitaine Georges, les lieutenants Pichot, Dassilat, Linguinon et 195 hommes ont
trouvé la mort au cours du combat. Mais la tâche du Régiment n'est pas terminée ; du 27 octobre au
2 novembre, seul de la division à n'être pas relevé, le 299
e est soumis à une dure
épreuve. Bombardés sans arrêt, dans la boue, sous la pluie, les survivants organisent les tranchées
de la Horgne reconquise, brisent les attaques ennemies, tiennent sous le feu de leurs fusils et de leurs
mitrailleuses les abords du fort de Vaux, et forcent l'ennemi a vivre terré.
Relevé enfin par le 62
e notre Régiment rentre à Belrupt, le 3 novembre il embarque en auto, et descend au
repos à Beurray près de Bar le Duc.
Le 6, en récompense de sa ténacité et de son courage, le Régiment présenté
par le Lieutenant-Colonel Vidal voit la Croix de Guerre attachée à son drapeau par le
Président de la République. La citation suivante consacrait ses efforts et ses sacrifices :
Ordre Général n° 638 de la II
e Armée
Le Général Commandant la II
e Armée cite à l'ordre de l'Armée :
Le 299
e Régiment d'Infanterie
« Le 24 octobre 1916 sous les ordres du Lieutenant-Colonel Vidal, a enlevé par une manœuvre habile et
après 9 heures de lutte pied à pied, un point d'appui solidement organisé, en y prenant 400 prisonniers,
dont 10 Officiers, 6 lance-bombes, 3 mitrailleuses, et quantité de matériel ».
CHAPITRE V : DE SECTEURS EN SECTEURS
(6 novembre 1916 — 11 juin 1917)
La Velouse. — Verdun. — Quartier de Lyon et Désiré. — Ligny-en-Barrois. —
Laheycourt. — Ville-sur-Tourbe. — Massiges
Après avoir reçu d'Importante renforts, le 299
e s'embarque le 16 en auto-camions et va occuper le bois de la Velouze.
Là, le régiment fidèle à ses traditions, fait tous ses efforts pour organiser et
améliorer le secteur. De plus, un gros travail de réfection continuelle lui est imposé par la chute
de grosses torpilles. La sécurité est assurée par des patrouilles et de nombreuses embuscades
tendues à l'ennemi.
Le Bataillon au repos à la Gauflière profite des journées qui ne sont pas consacrées aux travaux
pour poursuivre l'instruction des hommes, et donner de la cohésion à ses unités
renouvelées depuis peu.
Le 29 janvier, le 6
e Bataillon gagne Rembercourt-aux-Pots, puis se rend le 1
er février à Vaubécourt pour
débarquer à Verdun où il cantonne. Le 24, le 5
e Bataillon arrive à son tour. Le
Régiment accomplit la relève des avant-postes (quartier de Lyon et Désiré).
Le 4 mars après une préparation de minnenwerfer de gros calibre qui bouleverse complètement nos
organisations et ensevelit une partie de la garnison, l'ennemi attaque. Au premier choc, les rares survivants de la première ligne
doivent céder ; mais ils se ressaisissent rapidement et limitent l'avance ennemie à cette première
tranchée, malgré tous les efforts allemands.
Relevé dans la nuit du 5 au 6 le Régiment cantonne à Verdun, puis par étapes il rejoint le
14 mars Ligny-en-Barrois.
Après un repos de 7 jours, par étapes il gagne Laheycourt où il reçoit des renforts.
Le 2 et le 3 avril, le 299
e R.I. relève le 296
e dans le sous-secteur de Ville-sur-Tourbe. Pendant tout son séjour,
il doit mettre en état ce sous-secteur et construire en arrière une ligne de résistance.
A partir du 26 avril il occupe le secteur de la main de Massige qu'il quitte le 15 Juin, remplacé par le 2
e
Régiment mixte.
CHAPITRE VI : RECONNAISSANCES ET COUPS DE MAIN
(11 juin 1917 - 14 mai 1918)
Entre Miette et Aisne. — Bauvecourt et le bois Nivard. — Cormicy et Hermonville. — Secteur de Caurroy-Hermonville
Nous retrouvons le Régiment un début de juillet dans le secteur entre Miette et l'Aisne, qui vient d'être
arraché à l'ennemi par la V
e armée.
Jusqu'au 3 février 1918, le 299
e garde le secteur. Avec un seul repos du 18 septembre au 2 octobre. Tout est bouleversé
dans cette région, où de durs combats viennent d'être livrés ; il faut créer une
position, creuser des tranchées et des boyaux, aménager des abris, organiser les communications. Ce travail
formidable est effectué par le 299
e en face d'un ennemi vigilant et actif dont l'artillerie détruit chaque jour une
grande partie du travail de la veille.
D'autre part, la situation topographique du secteur rend la défense particulièrement pénible, il
forme en effet un saillant prononcé dans les lignes de l'ennemi.
Les Allemands pendant ces 7 mois multiplient les coups de main pour rendre la vie impossible à nos soldats. Chaque fois, ils
sont vaillamment repoussés et laissent entre nos mains de nombreux prisonniers et sur le terrain
de nombreux cadavres. Les plus importantes attaques de l'ennemi furent celles do 17 octobre et du 11 novembre dans la zone de Montchamps. Par
contre le 299
e fait de nombreuses incursions dans les lignes ennemies ramenant chaque fois des prisonniers et du matériel.
Le 4 février 1918, la 74
e D.I. laisse le secteur des avant-postes à la 67
e.
Le 20 février, le Régiment prend au N.-O. de Reims le secteur du Moulin de Cormicy. Dans la nuit du 19 mars une dure
surprise lui était réservée. Les Allemands exécutèrent un violent bombardement par
obus à gaz sur tout le front de la Division. Les villages de Cormicy et d'Hermonville furent particulièrement atteints.
Les 21
e et 22
e Compagnies qui venaient d'y arriver à 1 heure du matin, ne connaissaient pas les lieux et ignoraient les refuges ;
elles furent touchées par les gaz, et l'on compta 225 évacuations.
Relevé le 29 mars, le Régiment occupa ensuite jusqu'au 14 mai le secteur de Caurroy-Hermonville.
CHAPITRE VII : CROUY
(14 mai — 4 juillet 1918)
Le Pont-Rouge. — Le Plateau de Margival. — Borcy. — Le Ravin de Chazelles. — Chazelles
C'est le 15 mai qu'une Brigade anglaise, relevée du front de Picardie, vint remplacer sur le terrain le 299
e qui fit mouvement vers
l'Ouest parallèlement au front.
Le 27 il était cantonné au nord de Soissons lorsque l'ennemi déclencha sur l'Aisne l'offensive
formidable qui causa à la France une si légitime angoisse.
Dès les premières heures, le Régiment fut jeté dans la bataille. La division voisine avait
été submergée par l'assaut allemand ; elle fléchissait et abandonnait les positions du Chemin des
Dames. Il fallait donc à tout pris retarder l'avance ennemie et l'arrêter sur la route de Paris.
Les emplacements occupés par le 299
e étaient les suivants, le 27 à 3 heures : 1
er Bataillon couvert par
l'éperon situé au S.-E. de Villery, 2
e Bataillon et S.M. derrière l'éperon au Nord de
Sous-la-Perrière. La mission du Régiment était de maîtriser le plateau du Pont-Rouge et le ravin de Braye-Margival.
A la tombée de la nuit, l'ennemi tente une attaque brusque entre Margival et le Château de Quincy ; il est
repoussé. Apres une seconde préparation d'artillerie, l'attaque se renouvelle et l'ennemi réussit
à prendre pied au point de soudure du 230
e et du 299
e. Les Allemands poussent ensuite en masse profondes suivant l'axe de la route
de Soissons à Maubeuge. Mais nous parvenons à enrayer l'attaque en face du Pont-Rouge.
L'artillerie Française réduite à quelques batteries ne peut rien contre l'artillerie ennemie nombreuse
et bien pourvue en munitions. Les fantassins sont démunis en cartouches ; il se battent à la baïonnette et se
cramponnent farouchement au terrain. La volonté de résistance est résumée dans la phrase
d'un Chef de Bataillon rendant compte au Colonel de la situation difficile dans laquelle il se trouvait ; « Je me battrai tant
que je ne serai pas écrasé par le nombre. » Le 28 à 6 heures, une nouvelle division Allemande
reprend l'attaque. En raison de l'étendue du front, des vides se sont produits peu à peu dans notre ligne, et chaque
bataillon se transforme en îlot de résistance manoeuvrant au mieux pour éviter l'encerclement.
Dans l'après-midi, le régiment restait seul sur le plateau de Margival. Sur la droite, le fort de Condé
était tombé depuis 14 heures. L'ennemi s'était engouffré dans la trouée ; il
avait franchi l'Aisne plus à l'Est, et progressait sur la rive gauche. Le 299
e était débordé par
la droite et sous la menace d'être complètement tourné, il fut obligé de se replier sur Crouy. La
situation était critique par suite du mouvement tournant des Allemands. La Division était coupée en deux. Le
Colonel Vidal reçut alors l'ordre de tenir les hauteurs au Nord de Crouy. Mais l'ennemi débordait de partout : ses
mitrailleuses installées sur les hauteurs tiraient sans arrêt et ses avions rasaient le sol à la poursuite
de nos fantassins.
Dans la soirée, après avoir résisté jusqu'à l'extrême
limite de ses forces et prévenu que le Génie allait faire sauter les ponts, le Régiment passa l'Aisne.
Mais les ponts sautèrent avant la fin de l'opération : des hommes se noyèrent, d'autres
essayant de traverser à la nage, furent fusillés à bout portant, d'autres enfin furent capturés.
Le 299
e se rallia dans la nuit à Courmelles. Les pertes étaient lourdes, les hommes épuisés,
mais le danger était pressant, il fallait combattre encore.
Le Régiment se bat le 29 sur le plateau de Nauyant, le 30 sur les hauteurs de Berzy-le-Sec, au Nord du ravin de Chazelles.
Le 30 à partir de 4 heures, l'ennemi tente un vigoureux effort sur le 299
e qui défend la croupe au sud de Berzy, et
le fait reculer. Situation extrêmement grave. L'ennemi attaque sans cesse. Le chef de corps a décidé de
tenir jusqu'au dernier homme. A la demande de secours, il reçoit l'escadron divisionnaire. Rassemblant les
débris de son régiment, le Lieutenant-Colonel Vidal se met à leur tête, et les
entraîne à la suite des cavaliers. Surpris par cette charge impétueuse, l'ennemi cède. Nos
soldats le poursuivent avec entrain. Chazelles est repris ; l'Allemand est rejeté au delà de la voie ferrée
éprouvant de grosses pertes, et abandonnant de nombreux prisonniers.
Le 299
e vient de rétablir le front, il est relevé par le 7
e Tirailleurs et vient se rallier en arrière du
chemin de Chaudun, à la Croix de Fer.
Après ces dures journées, le Régiment va au repos dans la forêt de Villers-Cotterets. Mais
à peine y est-il arrivé que l'ennemi est signalé. Immédiatement engagé pour
rétablir la situation, le 299
e lutte sans répit pendant trois jours.
Grâce aux efforts dépensés pendant cette période, la forêt de Villers-Cotterets,
restera inviolée et pourra abriter, un mois plus tard, les troupes qui prendront à leur tour l'offensive.
CHAPITRE VIII : L'OFFENSIVE FRANÇAISE DU 10 AOUT. - LASSIGNY
(4 juillet — 23 août 1918)
Margny-sur-Matz. — Mareuil-Lamotte. — La Tranchée Bornéo. — Le Boyau et la carrière Madame. — Plessis-de-Roye.
Reconstitué après cette dure période, le 299
e fut mis le 4 juillet à la disposition du XV
e Corps
(III
e Armée) et affecté à la défense du secteur de Mouchy.
À la suite du succès des attaques de la Ire Armée, les 8 et 9 août, le commandement avait
décidé d'exercer une nouvelle poussée le 10 sur le front de la III
e Armée.
L'ennemi semblait s'attendre à cette attaque, car la nuit du 9 au 10 fut particulièrement fiévreuse et
agitée, l'attaque était fixée pour 4 h. 20. A l'heure dite, les bataillons franchissent la ligne des
avant-postes et marchent droit sur les objectifs assignés : route d'Anthenie, Coupe-Gueule, Marqueglise.
Ces objectifs sont rapidement atteints et dépassés, les zones situées
au-delà sont fouillées, et l'ennemi, surpris, s'enfuit sans opposer grande résistance. Les troupes
franchissent en formation diluée l'espace marécageux que dominent les plateaux boisés du
Plessier, et à 16 heures, prennent position devant Margny.
A 18 h. 45 le Régiment reçoit l'ordre d'attaquer le village de Mareuil-Lamotte. Le mouvement est difficile car les
mitrailleuses ennemies sont nombreuses et le tir d artillerie violent. Les obus toxiques pleuvent. Cependant, comme sur un terrain de
manœuvre, le Régiment en entier se porte en avant, le Colonel au centre du dispositif. Grâce à une
parfaite utilisation du terrain, on aborde Mareuil à la nuit tombante. Mais les lisières du village sont garnies de
mitrailleuses ; au lieu de l'aborder de face, une série de patrouilles le débordent par l'Est, gagnent la partie Nord
et se rabattent au Sud. L'ennemi se sentant tourné cesse toute resistance, les mitrailleuses se taisent, et à 23 h.
le village est évacué parles Allemands.
Le lendemain 11 août, fut une journée de combats opiniâtres pour la prise de la tranchée
Bornéo et de la carrière du Moulin détruit. Au cours de la lutte, le Commandant Picaudet tomba,
mortellement frappé d'une balle, et fut remplacé à la tête de son bataillon par le capitaine Delpech.
Le résultat de ces deux premieres journées était une avance de plus de 7 kilomètres, la
capture de 32 prisonniers, la prise de 12 mitrailleuses, de 3 batteries de 150 et d'un important matériel de guerre.
Dans l'attaque prévue pour la journée du 13, la Division avait pour objectifs le parc du Château et le
village de Plessis-de-Roye. Le 299
e devait tout d'abord marcher en réserve, mais à 10 h. il prit en
première ligne la place du 230
e.
Malgré les efforts des jours précédents, l'entrain était le
même. D'un seul élan, les premières organisations ennemies furent emportées. Les
résistances rencontrées ensuite tombèrent par une série de petites
manœuvres. A droite, le bataillon Delpech réduisit par encerclement la carrière Madame, centre fortement
organisé où furent pris 31 prisonniers et 4 mitrailleuses. Au centre la 17
e Compagnie suivant la
tranchée de Bourgogne, à gauche le bataillon Guitrand dévalant de part et d'autre du boyau des Cigognes,
arrivèrent à proximité des murs du Parc.
Le 14, l'ennemi abandonna peu à peu les points d'appui qu'il tenait encore en dehors de l'enceinte du Parc et se retrancha
derrière les murs. La position était solidement organisée et l'enlèvement devait en être dur.
Le commandement décide donc de ne tenter aucune action le 15, cette journée étant consacrée
à l'étude du terrain par les cadres. Mais les reconnaissances maintiennent un contact étroit et cherchent
toute occasion de gagner du terrain. Une patrouille, trouvant une fissure à l'angle ouest du Parc s'y précipite,
une autre plus à l'est, pénètre dans le Parc en face de l'allée centrale. Les deux groupes une
fois dans la place progressent à la grenade par les boyaux des Cigognes et du Château. En peu de temps,
ils parviennent à la tranchée médiane, dite des Chasseurs, l'ennemi qui gardait encore la corne sud du mur,
pris de peur s'enfuit jusqu'à la tranchée de la Trouée.
Mais des troupes allemandes fraîches sont arrivées dans la nuit du 14 au 15, elles occupent le village de Plessis avec
l'intention de rejeter le Régiment dans le bois de la Réserve.
A midi la contre-attaque se déclenche et au prix de sacrifices énormes, les vagues allemandes parviennent
à occuper toute la partie ouest du Parc.
Sur l'ordre du Colonel, les éléments disponibles du 299
e engagent alors le combat et après une lutte
meurtrière, arrachent à l'ennemi l'entrée du Parc. Ensuite se poursuit un lent et
pénible combat à la grenade, suivant deux directions concentriques par le boyau des Cigognes d'une part et par la
tranchée des Chasseurs d'autre part. A 22 h. la ténacité de nos grenadiers vient à
bout de la résistance ennemie ; les groupes des Lieutenants Reneau et Strasy se rejoignent et les Allemands abandonnent la
position. Toute la tranchée des Chasseurs est prise et tenue solidement.
Pendant trois jours, le Régiment travaille à la mise en état des lieux ; le contact est maintenu, les
patrouilles circulent sans cesse et les combats ne s'arrêtent pas.
Le 19 à 6 h. l'attaque est reprise par le Bataillon Guitraud qui débouche de la tranchée des Chasseurs,
progresse tout d'abord, mais se trouve arrêté par un tir de mitrailleuses devant la route Canny-Plessis. Pendant ce
temps, le Bataillon Delpech essaye un débordement par la droite, mais il est lui aussi arrêté devant la
terrasse du Château. La réaction de l'artillerie ennemie est extrêmement violente et se manifeste surtout par
des tirs d'obus toxiques qui causent de cruels ravages dans nos rangs. Une furieuse contre-attaque allemande se déclanche dans la
soirée ; elle vient échouer contre le Bataillon Guitraud à la corne nord du Parc.
Le lendemain, le Bataillon Bertein reprend l'action à son compte. Le mouvement est difficile. Cependant les reconnaissances
atteignent la terrasse du Château, 4 sentinelles ennemies sont enlevées par surprise, et la progression se poursuivant
avec précaution et méthode, nos troupes parviennent à occuper le Château, puis le village
de Plessis qui est fouillé minutieusement et enfin le système de tranchées du bastion du Pont Rouge.
A la suite de ce brillant fait d'armes, le 299
e reçut la récompense de sa vaillance. Il fut une deuxième
fois cité à l'Ordre de l'Armée :
Ordre Général n° 536 de la III
e Armée
Le Général Commandant la III
e Armée cite à l'Ordre de l'Armée :
Le 299
e Régiment d'Infanterie « Sous les ordres de son Chef le Lieutenant-Colonel Vidal, qui a su lui communiquer tout son
entrain, après 35 jours d'un dur et fatiguant secteur de combat, se lance le 10 août 1916, à l'attaque des
positions allemandes, les enlève dans un élan irrésistible, refoule pied à pied l'ennemi
jusqu'au 23 août, luttant jour et nuit, toujours en première ligne, brisant les contre-attaques des troupes
fraîches, gagnant 13 kilomètres de terrain en profondeur, emportant tranchées et bois
fortifiés, trois villages et le parc d'un château organisé en réduit puissamment
défendu, a infligé de grosses pertes à un ennemi décidé à se
défendre jusqu'à la mort, lui faisant 145 prisonniers, lui arrachant une par une 42 mitrailleuses, lui capturant
enfin un matériel important dont 14 canons et 4 minnenwerfer ».
A la suite de cette deuxième citation, le 299
e se vit attribuer la fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre.
Cette marque d'honneur avait été vaillament méritée et c'est avec joie que l'on vit attacher à la hampe du drapeau
le trèfle modeste et glorieux.
CHAPITRE IX : L'OFFENSIVE DE CHAMPAGNE
(24 août — 17 octobre 1918)
La Chenille. — La Tète de Vipère. — Tranchée Ardennaise et Rectangulaire. — Bois Philippe, de Forges, d'Aubry, de la Darthe.
— Villages de Cernay et de Montdésir. — Châteaux des Francs-Fossés et de Montcheutin
Quelques jours après, la 74
e Division, transportée en chemin de fer, était mise
à la disposition de la IV
e Armée (Général Gouraud). De nouveau, elle se trouvait
affectée au 38
e Corps dont elle avait été séparée depuis les combats de mai.
Successivement, se précipitaient les offensives qui martelaient le front Allemand et allaient bientôt l'obliger
à crouler. L'Armée Gouraud allait s'attaquer en Champagne aux lignes devant, lesquelles s'était
brisé notre effort en 1915.
Parmi les objectifs assignés, figurait le massif redoutable qui, de la butte du Mesnil va en s'amincissant vers l'Est pour former
ce que les topographes avaient dénommé les Monts Tétu, de la Chenille et de la Tête de
Vipère. Ces positions avaient été l'objet d'une organisation formidable. C'était à
la 74
e Division qu'était échu l'honneur de s'élancer à l'assaut de ces crêtes.
Le 25 septembre pendant 6 heures de nuit, la préparation d'artillerie se déchaîne.
A 5 heures 20, l'attaque d'infanterie se déclenche. Les 4
e et 6
e Bataillons se trouvent en premier échelon. L'attaque
réussit admirablement. Les Bataillons de tête arrivent sans difficulté sur la rite droite de la Dornoise.
A 16 heures, Cernay-en-Dormois est occupé par le 6
e Bataillon. Les pertes sont minimes, les prisonniers et le butin
considérables, les observatoires conquis de première importance. Enfin les positions prises avaient
été jugées pendant 4 années comme imprenables.
La nuit est employée à rétablir les passerelles sur la Dornoise pour permettre au Régiment de
reprendre la progression le lendemain.
Le 26 en effet, il s'agit d'aborder la deuxième position, constituée par une série d'ouvrages puissamment
organisés sur les hauteurs du nord de la Dornoise. L'ouvrage des Ardennaises notamment entre Cernaz et Boucauville est un
réduit formidable ou l'ennemi a déployé toute sa science de l'organisation défensive, réseaux barbelés de 30
mètres de profondeur encerclant complètement l'ouvrage, et le compartimentant dans tous les sens ; triple ligne de
tranchées flanquées par le feu des ouvrages voisins, communications souterraines, sapes profondes pouvant abriter
une nombreuse garnison. La défense de l'ouvrage est confiée à un bataillon du 118
e
régiment de Landwehr. Le 4
e Bataillon reçoit l'ordre de s'en emparer.
Profitant de la unit, il réussit à s'introduire par surprise dans la tranchée sud de l'ouvrage. Mais tous
ses efforts pour élargir le succès restent vains. Le Bataillon s'engage à fond pendant la journée
du 27, sans résultat, et vers le soir une contre attaque allemande rejette nos troupes en deçà du
réseau de fils de fer.
Le 28 septembre à 4 heures, le 5
e Bataillon prend l'attaque à son compte. Après une vigoureuse
préparation d'artillerie, il s'empare, au point du jour, de tout le système de tranchées ardennaises,
retrouve nos blessés et nos morts et apprend par des prisonniers les terribles pertes subies par l'ennemi. Le bataillon de
Landwehr, après avoir perdu son Commandant, la plupart de ses officiers et la plus grande partie de son effectif avait
été dissous le lendemain de l'attaque.
L'avance se poursuit dans les journées du 29 et du 30 et le Régiment s'empare du Bois Philippe.
Le 30 au soir, ordre est donné d'enlever de nuit le bois de Forges et le château des Francs-Fossés. Cette
opération délicate est brillamment conduite. La 15
e Compagnie dépiste les sentinelles et les patrouilles
ennemies, surprend à l'aube la grand'garde du château, fait 58 prisonniers et s'empare d'une mitrailleuse,
sans éprouver aucune perte.
Les jours suivants, le Régiment poursuit ses succès et enlève successivement le bois de Ractez
et le bois d'Autry. Le 9 octobre amène enfin la 74
e Division au bord de l'Aisne, et le 299
e s'empare du village de Montcheutin, ou
le 6
e Bataillon capture 104 allemands dont 1 officier, des mitrailleuses et du matériel.
Le Régiment passe alors en réserve de Division, puis le 15 coopère à l'élargissement
de la tète de pont tenue par la Division au Nord de l'Aisne en enlevant la tranchée de la Bergerie et en occupant le
bois de la Sarthe.
En récompense des succès obtenus au cours de ces 21 journées, pour la troisième fois, le 299
e se
voit l'objet d'une citation à l'Ordre de l'Armée.
Ordre Général n° 1578 de la IV
e Armée
Le Général Commandant la IV
e Armée cite à l'Ordre de l'Armée :
Le 299
e Régiment d'Infanterie
« Régiment d'élite, qui n'a jamais menti à ses tradtions de bravoure, d'entrain, de
ténacité, vient de montrer les plus belles qualités offensives et la plus belle endurance pendant 16
jours de luttes du 26 septembre au 15 octobre sur un terrain formidablement organisé depuis quatre ans par l'ennemi.
Après avoir rompu le front, le 26 septembre, entraîné par son chef, le Lieutenant-Colonel
Vidal, conquiert une série d'ouvrages, de bois, de villages âprement défendus ( Mont Têtu,
Tête de Vipère) ouvrages des tranchées Ardennaises et Rectangulaires, bois Philippe, bois des Forges, bois
Ractez, Château des Francs-Fossés et de Montcheutin, village de Cernay en Dormois et de Montcheutin,
recherchant sans cesse le combat il inflige à l'ennemi des pertes cruelles, lui prenant 394 prisonniers, 65 mitrailleuses, 10
minnenwerfers et 3 canons de 77 milimètres ».
CHAPITRE X : L'OFFENSIVE FRANCO-AMÉRICAINE D'ARGONNE
(17 octobre — 4 novembre 1918)
Le passage de l'Aisne. — Falaise. — Pradonne. — La Mobette. — Livry. — Longwe
Le 17 octobre le Régiment va cantonner au camp 202 et à Courtemont. Là il jouit d'un repos bien
gagné, mais qui ne doit pas durer longtemps, il ne reçoit aucun renfort, et c'est avec les mêmes
hommes qu'il obtiendra les nouveaux succès de l'offensive d'Argonne.
Après avoir cantonné successivement le 25 à Gratenil et dans les villages avoisinants, et le lendemain
à Saint-Morel et à Corbon ; le 299
e relève le 63
e R.I. dans le secteur de Pradonne ; le 5
e
Bataillon est en première ligne, le 6
e en soutien et le 4
e reste en réserve à Saint-Morel.
La bataille de Champagne, engagée le 26 septembre nous avait donné la rive gauche de l'Aisne. Par des actions
consécutives, deux tètes de pont avaient été conquises sur la rive droite. Vers le milieu
d'octobre une action combinée entre la IV
e Armée et l'Armée Américaine fut
décidée dans le but de libérer le nord de l'Argonne puis d'exploiter le succès, dans la direction
de Stenay et de Sedan. L'Armée Française devait forcer le front ennemi à l'est de l'Aisne et se porter
ensuite à la rencontre de l'Armée Américaine, qui de son coté devait attaquer
à l'est de l'Argonne en direction générale de Buzancy. Au cours de cette offensive
la 74
e D.I. devait développer sa manœuvre en prenant comme base de départ le front de bataillon dont la
garde lui était confiée. La réussite de l'attaque étant basée sur la surprise : une
préparation d'artillerie d'une demi-heure seulement était prévue. Le 299
e dans cette offensive
écrivit une page glorieuse.
Le Régiment se porte sur sa base de départ dans la nuit du 1
er novembre. Après l'articulation, le 4
e
Bataillon effectue sans incident le passage de l'Aisne. Dès 6 heures du matin, il encercle le village de Falaise s'en empare, le
fouille et se rend maître vivement de l'organisation ennemie. A 6 h. 3o sa mission terminée, il a capturé 37
prisonniers dont 7 officiers, 30 mitrailleuses, 4 minnenwerfer et un butin considérable.
Les 5
e et 6
e bataillons, qui avaient pour mission de rompre le front ennemi à l'est de la ferme de Pradonne, se heurtent
à une résistance énergique et ne peuvent progresser qu'avec beaucoup de difficulté.
Ils parviennent cependant à réduire l'un après l'autre les nids de mitrailleuses, et atteignent enfin
leur premier objectif qui est le chemin de fer de Falaise et le village de Chamiot.
Le lendemain, la progression recommence. L'ennemi est successivement délogé de la Hobette et de Longwe où
il laisse entre nos mains une batterie de 150 et une de 105 avec de nombreuses munitions. Le soir, le régiment laisse le village
au 220
e marche sur Livry et s'en empare aux premières heures de la nuit.
Le 3 à 4 heures les éléments de tête du 5
e Bataillon sont devant la Croix-aux-Bois
bientôt le village est encerclé et fouillé. Deux canons de 77 et du matériel sont
pris. A 5 h. 3o le Régiment ayant atteint son objectif et terminé sa tâche s'installe à Loigny.
à la Croix-aux-Bois, et à la Croix Bouit, pendant que d'autres Régiments progressent.
Le 4 au matin la Division va se regrouper dans la zone d'Autry et cantonner à Mouron et Montcheutin.
La part glorieuse prise ainsi à l'offensive libératrice couronnait magnifiquement l'œuvre de
quatre années et demie de guerre. Le 299
e obtenait, au cours même des opérations d'Argonne, une
quatrième citation à l'Ordre de l'Armée. Cette citation qui donnait au drapeau la
fourragère aux couleurs de la Médaille Militaire, restera comme les lettres de noblesse de tous ceux qui ont combattu
dans ses rangs :
Ordre Général de la IV
e Armée
Le Général Gouraud Commandant la IV
e Armée cite à l'Ordre de l'Armée :
Le 299
e Régiment d'Infanterie
« Pendant les combats qui ont abouti à la libération de l'Argonne, le 299
e sous les ordres du
Lieutenant-Colonel Vidal, s'est particulièrement distingué le 1
er novembre
au cours d'un passage de vive force de l'Aisne en s'emparant par une manoeuvre hardie, du village de Falaise, et des organisations ennemies,
faisant face à Vouziers, dans la région de la Pardonne. Le 2 novembre, en conquérant successivement, le
hameau de la Mobette et les villages de Longwe et de la Croix-aux-Bois, faisant ainsi tomber toutes les défenses de cet important
défilé.
« Dans cette manœuvre, menée à bien en 48 heures, malgré la
résistance acharnée de l'ennemi, a enlevé à ce dernier 280 prisonniers, dont 1
officier supérieur et 6 officiers subalternes, 86 mitrailleuses, 10 minnenwerfers dont 4 de gros calibre, 4
pièces de 150, 4 pièces de 105, 2 pièces de 77 ».
ÉPILOGUE : DE L'ARMISTICE A LA DISSOLUTION DU 299e
« Cy finit la geste » du 299
e Régiment d'Infanterie. La joie au cœur, les hommes quittent les
positions conquises au cours des derniers combats pour gagner Belfort. Ils repassent avec émotion par les coins de Champagne et de
Lorraine où tant des leurs dorment leur dernier sommeil.
Puis, par étapes, le Régiment s'en va monter la garde au bord du Rhin. Les capotes bleues se mêlent aux
lévites noires des anciens d'Alsace, les casques luisent, clairs, parmi les coiffes de satin ou de moire. Des fêtes
militaires, des solennités, comme la revue passée par le Maréchal Pétain, qui remet la
fourragère verte et jaune, coupent des jours de tranquillité qui semblent déjà
monotones après de si tragiques heures.
Enfin, au mois de février, le Régiment regagne le camp d'Arches, où il est peu à peu
remplacé par les Polonais. Le 16 avril 1919, la 74
e Division était dissoute.
Et puis vint la démobilisation, et le 299
e n'existe plus maintenant que dans le coeur de ceux qui ont participé
à sa gloire et qui gardent son impérissable souvenir.