Mercredi dernier, la 4
e compagnie du 13
e bataillon exécutait
une
reconnaissance entre Lanslebourg (Savoie) et Modane sur le territoire
de Bessans. La colonne venait de s'engager dans une passe
étroite que surplombait à gauche un glacier, et
que
bordaient sur la droite un ravin profond, lorsque tout à
coup
une formidable avalanche s'abattit sur elle, l'enveloppa et la
précipita pendant près de 800 mètres,
jusqu'au
fond du ravin.
Le détachement tout entier avait été
surpris, et
tous les hommes plus ou moins gravement atteints, à
l'exception
d'un seul qui fut immédiatement envoyé
à Bessans porter la nouvelle de l'accident.
Les habitants, le maire,M. Grosset, en tête, se
portèrent
aussitôt au secours des alpins. En route, ils
rencontrèrent la 5
e compagnie du même bataillon
descendant
la côte de Rochemolon, et tous ensemble se
portèrent sur
le théâtre de l'accident.
On procéda sans désemparer à
l'enlèvement de la neige et l'on réussit
à
dégager les malheureux soldats qui furent ramenés
à Bessans.
Le chef de détachement, le lieutenant Vachette, est
légèrement blessé ; l'ordonnance de ce
dernier a
eu le coup traversé par son propre piolet ; une douzaine de
chasseurs ont eu les pieds gelés et les autres des
meurtrissures
et des contusions plus ou moins graves.
Les soldats ayant les pieds gelés furent soignés
avec
dévouement au presbytère de Bessans, puis
évacués sur Lanslebourg.
Le bataillon, dont les 3 autres compagnies étaient
à la
montagne, est rentré à Lanslebourg au milieu de
l'émotion générale.
On croit qu'il y a 10 morts : 3 cadavres seulement ont
été retrouvés jusqu'ici.
La population de Modane et des communes voisines se transporte sur les
lieux de l'accident. Une grande anxiété
règne dans
la région.
Les nouvelles qui nous parviennent de Bessans sont heureusement des
plus rassurantes.
Si, à la liste des blessés - encore ne l'est-il
pas
grièvement - il nous faut ajouter le nom du lieutenant
Müller, si l'ordonnance du lieutenant Vachette - il a eu la
gorge
traversée d'un coup de piolet - est toujours assez mal, au
point
qu'on parle, pour le pauvre garçon, d'une intervention
chirurgicale, le reste de la vaillante petite troupe n'inspire plus
d'inquiétudes.
Les médecins affirment, ce matin, qu'au prix de quelques
jours de repos, tout le monde sera sur pied.
L'Indicateur de la Savoie
n° 1170 - samedi 28 décembre 1901.
Saulzet.
Dans la
Croix,
déjà nous avons dit l'accident de Morvan,
chasseur à la 4
e compagnie du 13
e bataillon, laquelle, au
retour de manoeuvres en Maurienne, a été surprise
et entraînée par une avalanche de glaciers et de
neiges, à 800 mètres.
Après 6 heures d'efforts et de marches où les 35
petits troupiers du brave lieutenant Vachette furent admirables
d'endurance, de dévouement mutuel, Morvan fut
transporté à Bessans où il
reçut les premiers soins avec les autres blessés.
La blessure à la gorge, près de
l'artère carotide, causée par une chute sur une
bayonnette, étant en voie de guérison, on put
l'installer à l'hôpital de Modane. Là,
contre toute prévision, des accidents tétaniques
compliqués d'un transport au cerveau
déterminèrent la mort.
La famille a voulu que la dépouille mortelle de leur fils
reposa à l'ombre du clocher dans le cimetière de
la paroisse. À l'arrivée du corps, le soir du 1
er
janvier, tout le village s'est ébranlé, au son du
glas funèbre, faisant escorte au lieutenant Vachette, qui
suivait un pied, - officier ayant tenu à
témoigner de sa vive affection pour son ordonnance,
à le remettre lui-même au siens, à se
faire auprès d'eux l'écho des regrets unanimes de
la 4
e compagnie dont Claude Morvan avait l'estime et toutes les
sympathies.
Le lendemain, eurent lieu les obsèques, au milieu d'une
assistance nombreuse qui, dans cette douloureuse circonstance, a
montré à quel degré elle prenait part
à ce deuil et appréciait
l'héroïque dévouement du soldat mort,
après tout, dans l'acte du plus pur patriotisme.
Le cercueil disparaissait totalement sous un entassement de couronnes
offertes pour la 1
ère cérémonie des
funérailles à Modane : les caporaux et chasseurs
du 13
e bataillon ; à Morvan ses officiers ; le 158
e
à leur camarade du 13
e chasseurs ; le commandant et les
officiers du 13
e chasseurs ; la 12
e batterie d'artillerie ; le
détachement du 13
e chasseurs à Lanslebourg ; les
caporaux et chasseurs de la 4
e compagnie du 13
e bataillon ;
à leur camarade du 13
e bataillon ; la 55
e brigade ; les
soldats du 97
e d'infanterie à leurs camarades le chasseur
Morvan, etc., etc..
Mais la meilleure et, sans contredit, la plus belle couronne, celle qui
pourra le mieux adoucir la douleur des parents est celle que ce brave
enfant de la France aura méritée par une mort
chrétiennement acceptée - nous le savons - et
l'affirmation de la fois de son baptême si
réconfortante, quand il faut, à 23 ans, franchir
le seuil de l'au-delà !
Des anciens du 13
e étaient venus de S
t Bonnet, Mayet,
Escurolles, Monteignet, rendre à leur camarade les derniers
honneurs.
Un Alpin du 13e.
La Croix de l'Allier
dimanche 12 janvier 1902.