13e Bataillon de Chasseurs Alpins


Catastrophe de Bessans le 18 décembre 1901

Mercredi dernier, la 4e compagnie du 13e bataillon exécutait une reconnaissance entre Lanslebourg (Savoie) et Modane sur le territoire de Bessans. La colonne venait de s'engager dans une passe étroite que surplombait à gauche un glacier, et que bordaient sur la droite un ravin profond, lorsque tout à coup une formidable avalanche s'abattit sur elle, l'enveloppa et la précipita pendant près de 800 mètres, jusqu'au fond du ravin.
Le détachement tout entier avait été surpris, et tous les hommes plus ou moins gravement atteints, à l'exception d'un seul qui fut immédiatement envoyé à Bessans porter la nouvelle de l'accident.
Les habitants, le maire,M. Grosset, en tête, se portèrent aussitôt au secours des alpins. En route, ils rencontrèrent la 5e compagnie du même bataillon descendant la côte de Rochemolon, et tous ensemble se portèrent sur le théâtre de l'accident.
On procéda sans désemparer à l'enlèvement de la neige et l'on réussit à dégager les malheureux soldats qui furent ramenés à Bessans.
Le chef de détachement, le lieutenant Vachette, est légèrement blessé ; l'ordonnance de ce dernier a eu le coup traversé par son propre piolet ; une douzaine de chasseurs ont eu les pieds gelés et les autres des meurtrissures et des contusions plus ou moins graves.
Les soldats ayant les pieds gelés furent soignés avec dévouement au presbytère de Bessans, puis évacués sur Lanslebourg.
Le bataillon, dont les 3 autres compagnies étaient à la montagne, est rentré à Lanslebourg au milieu de l'émotion générale.
On croit qu'il y a 10 morts : 3 cadavres seulement ont été retrouvés jusqu'ici.
La population de Modane et des communes voisines se transporte sur les lieux de l'accident. Une grande anxiété règne dans la région.
Les nouvelles qui nous parviennent de Bessans sont heureusement des plus rassurantes.
Si, à la liste des blessés - encore ne l'est-il pas grièvement - il nous faut ajouter le nom du lieutenant Müller, si l'ordonnance du lieutenant Vachette - il a eu la gorge traversée d'un coup de piolet - est toujours assez mal, au point qu'on parle, pour le pauvre garçon, d'une intervention chirurgicale, le reste de la vaillante petite troupe n'inspire plus d'inquiétudes.
Les médecins affirment, ce matin, qu'au prix de quelques jours de repos, tout le monde sera sur pied.
L'Indicateur de la Savoie
n° 1170 - samedi 28 décembre 1901.


Saulzet.
Dans la Croix, déjà nous avons dit l'accident de Morvan, chasseur à la 4e compagnie du 13e bataillon, laquelle, au retour de manoeuvres en Maurienne, a été surprise et entraînée par une avalanche de glaciers et de neiges, à 800 mètres.
Après 6 heures d'efforts et de marches où les 35 petits troupiers du brave lieutenant Vachette furent admirables d'endurance, de dévouement mutuel, Morvan fut transporté à Bessans où il reçut les premiers soins avec les autres blessés.
La blessure à la gorge, près de l'artère carotide, causée par une chute sur une bayonnette, étant en voie de guérison, on put l'installer à l'hôpital de Modane. Là, contre toute prévision, des accidents tétaniques compliqués d'un transport au cerveau déterminèrent la mort.
La famille a voulu que la dépouille mortelle de leur fils reposa à l'ombre du clocher dans le cimetière de la paroisse. À l'arrivée du corps, le soir du 1er janvier, tout le village s'est ébranlé, au son du glas funèbre, faisant escorte au lieutenant Vachette, qui suivait un pied, - officier ayant tenu à témoigner de sa vive affection pour son ordonnance, à le remettre lui-même au siens, à se faire auprès d'eux l'écho des regrets unanimes de la 4e compagnie dont Claude Morvan avait l'estime et toutes les sympathies.
Le lendemain, eurent lieu les obsèques, au milieu d'une assistance nombreuse qui, dans cette douloureuse circonstance, a montré à quel degré elle prenait part à ce deuil et appréciait l'héroïque dévouement du soldat mort, après tout, dans l'acte du plus pur patriotisme.
Le cercueil disparaissait totalement sous un entassement de couronnes offertes pour la 1ère cérémonie des funérailles à Modane : les caporaux et chasseurs du 13e bataillon ; à Morvan ses officiers ; le 158e à leur camarade du 13e chasseurs ; le commandant et les officiers du 13e chasseurs ; la 12e batterie d'artillerie ; le détachement du 13e chasseurs à Lanslebourg ; les caporaux et chasseurs de la 4e compagnie du 13e bataillon ; à leur camarade du 13e bataillon ; la 55e brigade ; les soldats du 97e d'infanterie à leurs camarades le chasseur Morvan, etc., etc..
Mais la meilleure et, sans contredit, la plus belle couronne, celle qui pourra le mieux adoucir la douleur des parents est celle que ce brave enfant de la France aura méritée par une mort chrétiennement acceptée - nous le savons - et l'affirmation de la fois de son baptême si réconfortante, quand il faut, à 23 ans, franchir le seuil de l'au-delà !
Des anciens du 13e étaient venus de St Bonnet, Mayet, Escurolles, Monteignet, rendre à leur camarade les derniers honneurs.
Un Alpin du 13e.
La Croix de l'Allier
dimanche 12 janvier 1902.