97e
Régiment d'Infanterie alpine
(Division Barbot)
Historique de guerre
(1914 - 1918)
ALSACE 1914
LORRAINE 1914
ARTOIS 1914 - 1915
VERDUN - WÖEVRE 1916
SOMME 1916
COUCY 1916 - 1917
ALSACE 1917
PLESSIS DE ROYE 1918
BOIS DE REIMS 1918
FLANDRES 1918
Alsace
1914
C'était un beau régiment : quatre bataillons,
plus de
4000 hommes presque tous savoyards, de ce coin montagneux de France
où la race conserve la vigueur du corps et
l'énergie de
l'âme.
Il s'était mobilisé à
Chambéry, il avait
veillé un moment à la frontière
italienne,
rongeant son frein de se voir inemployé, il s'embarquait
maintenant et le 16 août arrivait aux environs de Belfort.
Le 97 monte vers le nord ; ses éléments forment
une
longue colonne d'où partent parfois des cris, des chants
joyeux,
où règne également parfois le silence
au passage
d'un soldat blessé ou d'une famille en pleurs. impressions
fugitives : le soleil est chaud, l'étape est longue, peu
importe, on traverse allègrement les villages, on franchit
avec
enthousiasme la frontière que marque un poteau
renversé.
Chacun n'a qu'un désir ; se mesurer avec l'adversaire, et
sous
les ordres d'un glorieux mutilé de 70, le
général
Pau, faire flotter nos couleurs en Alsace.
Le 19, le régiment quitte à l'aube de ses
cantonnements :
Dannemarie, Anspach, Altenach. Les nouvelles sont bonnes : "l'ennemi est en retraite, la 44
e division ira cantonner le soir vers Illfurth ou
Mulhouse", la marche reprend ; chacun se sent plus alerte et accentue
fièrement le pas dans la traversée des bourgades.
Dans le ciel bleu un faucon blanchâtre a surgi,
bientôt
suivi de plusieurs autres et dans le lointain se succèdent
maintenant des détonations affaiblies ; le 4
e bataillon
de
l'avant-garde vient de déboucher de Zillisheim ; devant lui
s'étend un plateau qui domine au fond une colline
boisée
au-dessus du village de Flaxlanden. Les cartouches sont
défaites, une formation ouverte est prise rapidement, la
marche
reprend sans hésitation ; l'émotion a
été
courte chez ces montagnards énergiques et chacun vite
ressaisi
désire affronter la lutte au plus tôt.
Maintenant les balles passent en sifflant au-dessus des têtes ;
peu
nombreuses d'abord. Puis la fusillade devient plus nourrie, plus
ajustée et les premiers hommes atteints disparaissent en
tombant
dans les champs d'avoine. Mais, où est l'ennemi ? Dans les
bois
sans doute, sûrement même, à la
lisière,
à 800 mètres. En avant. Il faut le joindre, le
forcer
à se montrer ; allons ; baïonnette au canon !, en
avant !,
en avant ! Et l'attaque part contre l'inconnu, contre l'invisible avec le
plus bel élan, la plus héroïque folie de
sacrifice.
Les soldats tombent, les officiers tombent ; le cri de "en avant"
retentit toujours, jusqu'à ce que la vague d'assaut
brisée, émiettée, s'affaisse pour ne plus
se relever.
Le 1
er bataillon est venu se déployer la gauche du 4
e et lui
aussi cherche à atteindre l'ennemi invisible dont le feu est
si
meurtrier ; chacun de ces bonds cause de nouvelles et terribles
hécatombes et il s'arrête enfin quand les trois
quarts de
son effectif ont fondu dans cette fournaise.
Le 3
e bataillon est venu au secours des deux bataillons
engagés
; en avant les Alpins ! la musique joue, le clairon sonne la charge et
les assauts se succèdent, toujours aussi meurtriers pour les
assaillants. Un officier, le sous-lieutenant DINET, est parvenu avec
quelques hommes jusqu'aux tranchées allemandes, sur
lesquelles
il s'écroule tué à bout portant. La
lutte cesse,
il n'y a plus de bataillon, plus de compagnie, pas même de
section. La bravoure de tous à confiner à la
folie,
folie de l'héroïsme, folie du sacrifice et seuls sur
le
plateau parmi les avoines, les képis et capottes
des morts
et des blessés, coquelicots, bleuets dans la moisson jettent
des
notes riantes, des groupes épars, sans chef pour la plupart,
tâchent d'arrêter l'ennemi.
Le 2
e bataillon retiré au moment où il allait lui
aussi
s'engagé (chargé d'établir la liaison
à
gauche entre les deux régiments de la brigade),
était
seul à peu près indemne au cours de cette
journée
qui n'eut pas de lendemain. L'allemand dont la droite avait
été enfoncée par le 7
e corps, se
dérobait
dans la nuit et le 20, le 97
e recevait l'ordre d'aller s'embarquer en
toute hâte à Mortemart, pour une direction
inconnue.
La Lorraine 1914
Il faut tenir.
L'adversaire a la supériorité
numérique, il faut
tenir ; l'ennemi a des mitrailleuses en masse, il faut tenir ; l'ennemi
a une artillerie formidable ; fantassins il faut tenir !
Il faut tenir, c'est-à-dire se dévouer corps et
âme, se résigner au sacrifice sans gloire pour
pour le
salut de tous, aller jusqu'au bout de l'effort, plus loin encore. C'est
là votre rôle au cours des journées en
Lorraine,
à vous enfants de la Savoie, soldats du 97 : tenir et mieux
encore refouler l'ennemi.
Les troupes françaises vers Sarrebourg après
quelques
succès se sont heurtées à de solides
positions
qu'elles n'ont pu enlever, puis ont dû céder
devant le
nombre et se replier lentement vers le sud-ouest. Il faut
arrêter
à tout prix l'avance allemande vers Nancy et la touvée de
Charmes, avance si dangereuse pour toute l'immense ligne de nos
armées qui converse à l'heure actuelle en
retraite, avec
Verdun comme pivot, en attendant le moment favorable où
elles
pourront faire demi-tour et repartir à l'attaque.
Le 25 août, le 97 débarqué la veille
près de
Bruyères, suis la vallée de la Mortagne, traverse
Rambervillers, il s'engage sur la route Raon l'Etape. De longs convois
des migrants chassés par l'incendie, par les hordes
barbares,
défilent en sens inverse.
Vengez nous, tuez-les tous ! Ils
ont
tout pris, tout pillé, tout brûlé
. Les
coeurs se
serrent, les poings se crispent, une froide résolution se
lit
sur tous les visages.
La colonne a quitté la route Raon l'Etape, elle
s'élève au nord, gravit les pentes de la longue
arrête aux sommets boisés ; des blessés
passent,
les artilleurs se replient, la rage et la douleur au coeur, leurs
batteries mises en pièces par les 105. La colonne avance
toujours.
Elle s'engage dans les bois, s'étale, franchit la
crête et
les premiers éléments arrivent à la
lisière
sur le versant opposé. Devant s'étend une pente
douce et
longue, entièrement découverte : en bas, dans le
lointain, le village de Menil, premier objectif assigné.
Les ordres sont rapidement donnés et l'attaque, couverte
à droite part le 159
e qui marche sur S
te Barbe à
l'est du
Menil, à gauche par des marsouins en position en avant,
dévale la pente. Les petites colonnes sélancent,
traversent, d'un bond les espaces découverts, se terrent un
moment dans les creux pour reprendre haleine et franchissent ainsi avec
fort peu de pertes, malgré les gros obus qui
exposent en
projetant vers le ciel leurs grosses colonnes de fumée,
ou les schrapnels qui éclatent sur les
têtes avec
un déchirement strident, l'espace qui les sépare
du Menil.
Maintenant il est impossible d'avancer davantage sans l'appui de
l'artillerie, l'ennemi est retranché aux abords ou
dans le
village ; son feu devient par trop meurtrier. Un moment l'espoir a
parcouru la ligne d'attaque : nos 75 se sont installés
à
la lisière des bois à la crête en
arrière et
règlent leurs tirs sur les défenseurs du Mesnil
et de S
te
Barbe ; contre-battus aussitôt par des 105 ils se taisent,
fortement éprouvés, impuissants dans cette lutte
trop
inégale : ils abandonnent l'infanterie à son
sort. Les
tentatives de celle-ci ne peuvent aboutir au résultat
cherché ; les 2
e et 3
e bataillons s'épuisent dans
un
combat sans espoir ! et la nuit tombe sur le champ de bataille
où nous n'avons pu triompher mais où du moins par
notre
vaillance nous avons contenu l'ennemi.
La lutte se poursuivit durant deux jours : les hommes avaient
creusé des trous pour s'abriter, puis ils les avaient
réunis par une tranchée. Ainsi
organisé le 97,
s'il n'a pu sans appui d'artillerie, enlever Menil, brise du moins
toutes les tentatives que fait l'adversaire pour en
déboucher.
L'ennemi impuissant de ce côté poursuivit
cependant son
attaque sur d'autres points ; de Raon l'Etape, d'Etival, il pousse avec
vigueur les éléments du 21
e corps et arrivent sur
le
sommet boisé qui sépare la vallée de
la Meurthe de
celle de la Mortagne ; le 27 au soir le 97 reçoit
l'ordre
d'aller tenir le col de la Chipotte sur la route Raon l'Etape,
Rambervillers.
Du 28 août au 10 septembre, le régiment
déployé dans les bois, soutient la lutte ; lutte
âpre et contre un ennemi invisible. L'étendue
du front,
la faiblesse des effectifs, la fatigue de tous, l'absence de
l'artillerie, ne permettent nul effort sérieux et il faut
à tous les combattants une rare énergie pour
que les
petits groupes épars sur la ligne, presque perdus dans la
forêt se cramponnent obstinément au sol et
empêchent
toute avancée de l'adversaire.
Col de la Chipotte, qui le 1
er septembre ne fut sauvé que
grâce à l'énergie du
général BARBOT,
légendaire figure de soldat, et de quelques
unités
près de lui qu'il lança sans hésiter
sur une forte
attaque allemande ; col de Baremont, que les 2
e et 3
e bataillons
défendirent avec la fureur du désespoir ; vous
êtes
peuplés de croix blanches ; le 97 s'y est sacrifié, mais il
a
tenu.
La bataille de la Marne pendant ce temps, s'achevait en triomphe et
sur tout les points l'armée allemande battait en
retraite.
Le 12, le régiment entamait la poursuite, descendait dans la
vallée de la Meurthe puis remontait à la l'est de
la
frontière. Avant d'atteindre l'arête principale
des
Vosges, il se heurtait aux retranchements ennemis dont il cherchait
vainement à s'emparer.
Il réussit à prendre pied dans le hameau de la
Fontenelle
au ban de Sapt mais la fatigue, l'épuisement de tous, la
diminution des effectifs ne permirent pas sur ce point, comme sur tout
le front français, de pousser plus loin l'avantage.
Après quelques luttes sanglantes, les survivants
s'installèrent dans des trous creusés
à la
hâte, et sous la plus battante, sans couverture, sans toiles
de
tente, sans abri, attendirent stoïquement qu'on les vint
relever.
Le 28, la division (97, 159 - 54, 57, 61 bataillons de chasseurs) ce qui
sera la 77, mais restera la division Barbot, du nom de son premier
chef, est rappelée en toute hâte et
transportée
vers le nord, vers Arras.
L'Artois 1914
Le 30 septembre, la division débarquait à Arras,
et dans les gares voisines.
Le 97 est réduit à trois bataillons, car les
pertes en
cadres et en effectifs n'ont pu être comblées
malgré
l'arrivée de nombreux renforts ; chacun regarde la ville,
les
cafés, les magasins et escompte les douceurs d'un repos bien
gagné.
1
er octobre. Alerte ! Alerte ! L'ennemi est en force à
Cambrai
de grosses masses en débouchent, s'avancent vers l'ouest. La
division Barbot leur barrera le passage et couvrira Arras. Le 97 reçoit l'ordre de se porter de suite vers
Guemappes
et Wancourt, il s'y établira en avant-postes, avec
à
droite les chasseurs, à gauche le 159. La consigne est de
tenir.
Le régiment s'ébranle bientôt ; il fait
nuit ;
rares sont les cartes, plus rares encore les boussoles. Les bataillons
de têtes 1 et 3, s'avancent avec prudence dans l'inconnu.
Parvenus aux abords des villages, ils sont accueillis par une vive
fusillade.
Ils s'arrêtent, s'organisent non sans de grosses
difficultés. Au petit jour ils sont assaillis de toutes
parts ;
un brouillard épais les enveloppe et rend toute liaison
impossible, on résiste sur place, on se défend
avec
acharnement, mais débordés par le nombre les
groupes
terriblement éprouvés, en particulier ceux du 2
e
et 3
e
bataillon, se replient lentement vers Arras sans cesser de combattre.
Le brouillard s'est levé, la retraite sur ce grand plateau
dénudé est des plus difficiles, car maintenant du
côté allemand fusils, mitrailleuses
crépitent sans
relâche et les canons se sont mis de la partie. Plus de la
moitié de l'effectif est par terre, tous les officiers
supérieurs sont tombés ils restent deux
capitaines, et
pourtant les derniers survivants des 2
e et 3
e bataillons sous les
ordres du capitaine Bozonnat, du lieutenant Trousset, de l'officier
payeur lui-même le lieutenant Mayousse qui, à
moitié sourd, est accouru seconder les derniers camarades,
s'incrustent sur le sol, font des prodiges
d'héroïsme et
parviennent à enrayer l'avance ennemie. Le 1
er
bataillon
à gauche, moins fortement pressé, se retire en
bon ordre.
Faisant front avec une maîtrise parfaite il
s'établit
à hauteur des débris des deux autres, formant
avec eux
une ligne qui tiendra jusqu'au soir.
Son chef, le commandant Huberdeau, prend le commandement du
régiment réduit à six compagnies. Les
pertes ont
été des plus lourdes au cours de la
journée, il
reste 1000 hommes, mais le sacrifice n'est pas vain, Arras n'a pas
été atteint par l'ennemi.
Le 159, les chasseurs, ont lutté avec une égale
énergie et un pareil esprit de sacrifice, aussi la division
Barbot est-elle étirée sur une longue et mince
ligne
devant la ville, lignes que seul maintient maintenant le
dévouement le plus absolu de tous.
Dans la nuit du 8 au 9, le 3
e bataillon subissait une nouvelle attaque
et se maintenait énergiquement sur ses positions du
côté de Roclincourt, seule une compagnie allemande
parvenue à pénétrer dans nos lignes,
le lieutenant
Sandrin à la tête d'une section, se jette
au-devant
d'elle, l'empêche de progresser et la maintient jusqu'au
jour,
moment où, après une lutte opiniâtre,
cernée
de toutes parts, elle acceptera de se rendre.
Le 21, aidé par une artillerie formidable, où les
210 se
mêlent aux 77 et aux 105, l'allemand reprend la lutte et
tente un
dernier effort. La ligne mince sous la trombe de fer,
fléchit
mais ni ce jour, ni le lendemain 22, elle ne se brise ; Arras
était sauvé de l'invasion.
La bataille finie, l'Allemand a reculé son front et chacun
s'organise de son côté.
Les tranchées, les boyaux, les abris se creusent ; les
hommes
surpris d'abord, se met à l'oeuvre avec ardeur, maniant le
pique, la pelle ou tendant le fil barbelé.
O Morts de Flaxlanden, tombés dans l'enthousiasme ! Morts du
Menil, de la Chipotte, de Baremont, Morts de Wancourt et de Guemappes,
tombés dans la foi ardente de l'utilité de votre
sacrifice, héros sans nombre et sans nom, vous
écrivîtes avec votre sang une des plus belles
pages de
l'histoire de votre pays, de cette belle France sauvée par
votre courage et votre dévouement.
Artois 1915
L'hiver s'écoule doucement, le 97, si cruellement
éprouvé se reconstitue peu à peu ; les
bataillons,
réduits à 2 compagnies sont renforcés,
remis
à 3, puis à 4 ; des compagnies de mitrailleuses,
nouvellement créées, leur sont adjointes ; le
régiment forme, au début du printemps, une
unité
splendide à laquelle l'âme des Morts,
l'énergie des
survivants, l'enthousiasme des nouveaux venus promettent les plus beaux
succès. - Un nouveau chef, le colonel de Combarieu, a pris
le
commandement qu'il exerce avec autant de science que de bienveillante
autorité, il est adoré de tous. _
A la fin de l'hiver, après 2 ou 3 petits glissements dans
des
secteurs voisins, le 97 est installés entre Carency et le
bois
de Berthonval, en face de Souchez.
Dans cette région va se déclencher l'offensive
décidée par le commandement ; les meilleures
troupes :
"20
e 21
e corps, division marocaine, 70
e 77
e divisions" auront
l'honneur d'enfoncer la muraille allemande, de créer la
percée où les réserves se lanceront
ensuite, pour
tomber sur les derrières de l'ennemi.
Grandiose vision qui remplit tous les coeurs d'enthousiasme et
d'espérance. On travaille avec acharnement ; artilleurs,
fantassins durant tout le mois d'avril, préparent le terrain
d'attaque, s'entraînent pour le futur assaut.
Le 9 mai, l'heure a sonné. Le soleil se lève
radieux, le
ciel est pur, un calme absolu règne sur la plaine. Soudain
résonne un bruit de tonnerre qui augmente et qui ne cesse
plus ;
notre artillerie vient d'entrer en action ; il est 6 heures -- 75, 155,
mortiers de 210 crachent sans arrêt, les obus passent avec un
sifflement strident, ou avec un ronflement sonore au-dessus des
têtes, vont exploser dans les tranchées
adverses, et
dans le ciel, les hommes regardent monter et descendre les torpilles de
58. --
Les coups se précipitent, les unités sont
prêtes ;
à 10 heures elles s'élancent avec le plus grand
ordre et la
plus belle ardeur. Les 1
er et 2
e bataillons du régiment sont
en
tête, rien ne peut arrêter leur élan. La
première ligne allemande est atteinte, puis la
deuxième,
l'assaut continue toujours. L'ouvrage Oméga est
enlevé
par la 1
ère compagnie qui pousse plus loin,
pénètre dans le cimetière de Souchez ;
les 3
e et
4
e sont aux lisières du village ; d'autres ont atteint le
Cabaret Rouge, objectif assigné, devant elles, l'allemand
est en dérouté, il fuit de toutes parts ; c'est la
victoire et
la trouée.
Nos canons se sont tus, les réserves sont loin. Dans cet
assaut
d'une heure au cours duquel le 97 a enlevé plus de 3 km de
terrain, les unités ont éprouvé bien
des pertes,
se sont fortement mélangées, la plupart des chefs
sont
tombés. Le bataillon de soutien, le 3
e à combler
les
vides de la ligne d'attaque ; chacun, radieux mais
épuisé
par cette course et par la lutte, attend impatiemment les renforts pour
entamer la poursuite.
Les réserves sont loin, maintenant les balles sifflent, plus
nombreuses, les obus tombent sur les assaillants. -- A droite le 159
violemment contre-attaqué reflue vers l'arrière
et de la
cote 119 qu'il vient de reconquérir l'allemand mitraille la
plaine.
Le cimetière de Souchez devient intenable sous les obus et
ses
défenseurs ce replient sur le Cabaret Rouge. Le lieutenant
Humbert, le dernier dans ce coin, témoin de sa vaillance,
tombe grièvement blessé.
Le soir arrive, l'allemand s'est ressaisi et se prépare
à régir furieusement contre ceux qui l'ont si
fort
malmené et qui maintenant dans la nuit travaillent
fiévreusement à organiser leurs
conquêtes.
Durant les jours suivants, les 10, 11, 12, incessant fut le bombardement
par obus de tous et surtout de gros calibres, incessantes aussi furent
les contre-attaques. A peine abrités dans des trous peu
profonds
et creusés à la hâte, les braves se
maintiennent
désespérément, malgré les
pertes repoussent
tous les assauts.
Le sous-lieutenant Pelle, au Cabaret Rouge, debout revolver au poing
est l'âme de la résistance ; les mitrailleuses de
la
1
ère CM, malgré le feu intense d'artillerie
adverse qui
s'acharne sur elles arrêttent toutes attaques venant de Givenchy.
La
chaleur est lourde, la fièvre mine les combattants sur ce
plateau
dénudé, pas une goutte d'eau pour
rafraîchir les
lèvres ; les ravitaillements n'arrivent pas.
Des officiers, des hommes tombent, nombreux ; Sandrin,
l'héroïque lieutenant se jette au-devant des
grenadiers
ennemis qui progressent par un boyau, quand une balle l'atteint au
front. Le lieutenant Grimaut, mortellement frappé, sourit
doucement à ses hommes et le soldat Derize ne veut pas,
malgré d'atroces souffrances, laisser échapper un
cri pour ne pas effrayer les Copains.
Barbot, lui-même, l'héroïque soldat, celui
qu'on avait
toujours vu dans le danger, le 10 mai, tombait mortellement atteint,
près des premières lignes.
Que de Morts, que de souffrances et combien d'héroïsme !
Quelques jours après, quand le régiment, quittant
le
secteur qu'il avait conquis et conservé, défila
devant
le colonel, les survivants, amaigris, hâves, couverts de
terre,
les vêtements en lambeaux, marchaient tout de même
avec une
fière allure ; ils avaient au coeur le sentiment du devoir
accompli.
A peine reformé, le 97 remonta en ligne, le commandement
espérant réussir plus complètement par
la force,
là où la surprise nous avait procuré,
le 9 mai, un
si brillant succès. Mais l'allemand était sur ses
gardes,
et à la puissance de notre artillerie, il
opposa une
contre-préparation au moins égal en
intensité,
supérieur certainement au point de vue des calibres
employés. Les compagnies furent effroyablement
écrasées dans les tranchées
mêmes de
départ, certaines perdirent plus de la moitié de
leur
effectif, mais tel était le sentiment du devoir, l'esprit
d'abnégation de tous au 97, que les vagues d'assaut, si l'on
peut appeler ainsi les groupes épars souvent sans chef,
s'élancèrent le 16 juin à l'heure H
dans la
fournaise et dans la mort. Un cuisinier, Chapuis, voyant un de ces
groupes, composée de bleuets de la classe 1915,
hésiter,
prit un fusil et s'élança à leur
tête. Mais
isolés, perdus dans la tourmente, renversés par
les
explosions et la fusillade, les assaillants sont cloués sur
le
sol. Le 1
er bataillon est seul parvenu au cimetière
de
Souchez, il reste 3 jours et 3 nuits et l'abandonne enfin, n'ayant plus
ni munitions, ni vivre, réduit à 3 officiers et
100
hommes environ.
La bataille est terminée. Le rêve de la
percée
s'est évanoui, de dures réalités lui
succèdent. Durant tout l'été, le
régiment
demeure sur ce sol que les obus de 150 ou 210, les mines de toute
nature ne cessent de bouleverser. Il fait une chaleur torride ; les
pauvres morts dont le nombre s'accroît sans cesse, gisent sur
le
sol et dégagent une terrible odeur, des nuées de
mouches
obscurcissent l'air par instants, le ravitaillement est toujours
difficile on est sans abris, on a soif et pourtant pas une plainte ;
tous, chefs et soldats, accomplissent stoïquement leur devoir,
forment, morts et vivants, barrière à
l'envahisseur. Peu
à peu cependant le secteur s'organise, les bataillons se
relèvent méthodiquement, et à
l'arrière, se
préparent à de futurs assauts.
La nouvelle offensive est fixée au 25 septembre. Elle aura
lieu
en Champagne et en Artois : précédée
d'une
sérieuse préparation, elle doit
rompre la ligne
allemande, libérer le territoire.
Le 97 à cheval sur la route de Berthonval, à
Arras, du
Cabaret Rouge, poussera vers le nord-est, reprendra le
cimetière, puis franchissant le grand ravin Nord-Sud entre
Souchez et Carency enlèvera la grande tranchée de
la cote
129. La préparation commence le 18 septembre, elle se
poursuit
non sans être considérablement
gênée par
l'artillerie allemande, et le 25 septembre, à midi, quand
les
unités déjà
éprouvées dans les
tranchées de départ, s'élancent avec
le plus
absolu dévouement, elles sont fauchées par la
mitraille
et les obus. Le 97 avance quand même ; les 3
e et 4
e
bataillons
(celui-ci nouvellement formé) en tête : le 3
e
à
gauche arrive jusqu'à la tranchée allemande au
cimetière, quelques hommes y pénètrent
même,
mais il ne peut aller plus loin; le 4
e à droite
enlève la
première tranchée allemande, puis une autre,
descend dans
le ravin des Ecouloirs, monte à l'assaut de la grande
tranchée. Il est seul, personne à droite, personne
à
gauche, mitraillé de partout il résiste et se
cramponne au
sol. Le lendemain, les 1
er et 2
e reprennent à nouveau la
lutte:
le cimetière tombe entre nos mains, et le 27 ils sont devant
la
grande tranchée d'où ils ne bougeront plus.
L'accalmie se fait peu à peu, la pluie tombe sans
arrêt,
ce sol argileux, desséché en
été, devient
une marée de boue dans laquelle on s'enlise, où
le
moindre pas exige un effort surhumain.
Soldats du 97, vous endurez tout en silence ; par vos souffrances votre
abnégation, par votre héroïsme, vous
concourez
à la gloire et au salut de la France -- Vous
méritez bien
la citation qui vous est accordée.
Texte de la première citation
Régiment alpin, sous le commandement du
lieutenant-colonel
de
Combarieu a fait continuellement preuve de solidité et de
dévouement à toute épreuve. S'est
dépensé sans compter, soit dans les
débuts de la
campagne, soit dans les attaques du 9 mai, du 16 juin, du 25 septembre
et jours suivants, pour faire brèche dans les lignes
ennemies :
y a réussi pleinement en s'emparant de plusieurs
tranchées puissamment défendues et en progressant
sur un
terrain difficile et minutieusement défendu par l'ennemi.
(ordre du général commandant la 10
e
armée N° 124 du 26 octobre 1915)
Verdun
- La Woëvre 1916
La pluie avait cessé en Artois et les Allemands avaient
inauguré la guerre de mines; tantôt sur un point,
tantôt sur un autre, l'explosion gigantesques se
produisait,
engloutissant des unités entières, creusant des
entonnoirs énormes dont on se disputait les bords. Le 28
janvier, 3 fourneaux éclatent sous la 8
e compagnie qui
disparaît complètement : l'ennemi se lance
à la
faveur du désarroi, mais il est bientôt
arrêté et s'il a pu pénétrer
sur un point,
il a trouvé devant lui l'adjudant Veillard qui, à
la
tête de sa section, cerné de toutes parts, tient tête
quand
même, refuse de se rendre et permet bientôt au
soutien de
rétablir la situation.
La lutte se prolonge, sournoise, quand vers le milieu de
février
la division est ramenée en arrière et
après 18
mois de lutte sans arrêt s'apprête à
goûter
les douceurs du repos.
Bref séjour, car l'offensive allemande vient de se
déclencher à Verdun et les divisions disponibles
sont
jetées l'une après l'autre dans la tourmente avec
la
consigne de tenir. Le 97 connaît cette consigne il n'y
faillira
pas.
Les autos l'emmènent de Montdidier à Blesme
d'abord
puis, au milieu de mars, aux abords de Verdun. Le 17, il montait en
ligne entre les forts de Vaux et de Douaumont. Bien des rumeurs
sont
nées sur l'attaque adverse contre Verdun, les rumeurs
colportées à l'arrière, grossies,
dénaturées, mais dont le fondement immuable est
l'écrasement de nos lignes par une formidable artillerie.
Les
soldats les ont entendus au cours de leur voyage, mais pas un ne
faiblit ; ils montent en ligne avec une farouche
résolution.
Combien dure est cette montée ! : il fait nuit, on marche
sur la
route où passent au grand trot les caissons de
ravitaillement et
sur laquelle vient explosé, tant çi,
tantôt
là, un obus de gros calibre ; on s'engage dans les bois,
zône de nos batteries constamment pilonnées ; les
colonnes
s'allongent, les guides se perdent, les hommes tombent et l'on avance
quand même jusqu'à la tranchée, la
tranchée
unique, où chefs et soldats vont vivre les jours suivants en
surveillant l'enemi, en attendant la mort. Pas un ne faiblit.
Et les jours se succèdent, chacun pareil au
précédent. Des obus éclatent avant
qu'on les ait
entendu venir, d'autres s'annoncent par un bruissement sonore,
77,
105, 150, 280, pilonnent les tranchées, foudroient et
renversent
les occupants. Tout le monde se terre, et seul, les guetteurs
surveillent impassiblement l'adversaire qui ne vient pas. -- Parfois
durant le jour un homme bondit de trou en trou, c'est un agent de liaison
qui porte un ordre; dans la nuit des ombres circulent, ce sont
les
brancardiers qui viennent relever les morts et les blessés,
toujours nombreux, ou les hommes de soupes qui vont chercher le
ravitaillement des sections. Les ombres se hâtent et
disparaissent accomplissant stoïquement leur devoir
malgré
la mitraille et les explosions.
Les pertes sont partout de plus en plus fortes, la 7
e compagnie a eu 80
tués en un seul jour et la tranchée se
dégarnit
peu à peu de ses défenseurs. Les survivants
s'exposent
davantage, le grenadier Villard, toujours en faction, tire
inlassablement sur tout adversaire en vu : les mitrailleurs qui survivent
dégagent et déplacent leurs pièces
après
chaque explosion. Mais la ligne devient plus mince, les hommes plus
affaiblis et le 2 avril, le régiment relevé par
une autre
unité redescend à Verdun qu'il quitte
bientôt
définitivement.
En mai, recomplété par la classe 1916, le
régiment
remontait en ligne, en Woèvre, au nord de Flirey. Pendant 2
mois
il tint les lisières, du bois de Mortmare,
théâtre
de rudes exploits en 1915, maintenant secteur calme,
où le
jour l'on circulait à l'aise mais où la nuit les
mines,
les torpilles et les obus tombaient en masse, au grand dommage des
occupants.
La
Somme 1916
Août touche à sa fin : la bataille bat son plein
dans la
vallée de la Somme : français et anglais
rivalisent
d'ardeur et de courage pour enfoncer l'ennemi. La lutte a
cessé
du côté de Verdun et à notre tour nous
avons repris
l'offensive et l'initiative des opérations. Nous avons
débuté par des succès superbes et les
premières troupes engagées ont cueilli des
moissons de
lauriers ; maintenant la lutte est de plus en plus dure, les biens plus
modiques, les pertes plus grandes. L'ennemi s'est ressaisi
et à nos efforts il oppose une formidable
résistance. N'importe!
Le commandement a décidé de ne pas
lâcher prise et
de frapper à coups redoublés, sans arrêt,
jusqu'à
ce que le mur, déjà disjoint et sans cesse
étayé par l'adversaire, cède sous nos
efforts. La
lutte est dure : les troupes en ligne sont soumises à un
bombardement incessant de jour et de nuit ; par instants les rafales
s'abattent avec une intensité particulière :
l'allemand,
sur ses gardes, au moindre symptôme déclenche les
plus
violents tirs de barrage. Il n'y a pas d'abris, pas de
tranchées, on organise les trous d'obus et cela est facile
sur
ce terrain plus criblé d'entonnoirs qu'une
écumoire de
trous ; les troupes en ligne sont mal ravitaillées,
derrière elles s'étend le terrain chaotique,
bouleversé et conquis par nous, aujourd'hui battu par
l'artillerie allemande qui pilonne sans cesse les voies
d'accès,
les bas-fonds et tout ce qui peut échapper à sa
vue, ou,
à l'aide d'obus toxiques, rend tous ces points
inaccessibles.
Soldats! si l'ennemi réagit si furieusement, c'est qu'il
redoute
un désastre, on ne peut donc pas cesser de frapper. Il vous
faut
un coeur solide, une foi ardente dans la justice de votre cause, un
amour profond votre pays, mais enfants de la Savoie et vous, venus de
l'Auvergne, de la Bretagne, de la Gascogne et d'autre points, qui
êtes maintenant regroupé sous le drapeau du 97
e la Patrie
peut
compter sur vous, vous avez toutes les vertus de la race et vous
affronter la mort sans faiblir.
Le régiment est entré en ligne, il est
installé
aux abords de Barleux, petit hameau en ruine que 2 fois
déjà les coloniaux ont vainement tenté
d'enlever.
Il fait partie de la 10
e armée qui, le 4 septembre
à midi
quinze, doit partir à l'attaque et border la Somme :
placé à l'extrême gauche de la ligne,
il a pour
mission d'enlever Barleux, puis de converser au nord face à
Biaches et à Péronne, de façon
à fermer la
tenaille sur les défenseurs allemands encore
installés au
sud de la rivière, dans la boucle. L'aube a
été pluvieuse et chacun est transi de froid.
N'importe !
à l'heure prescrite, les alpins sont debout et le soleil se
lève sur le champ de bataille. À gauche, le 4
e
bataillon
sélance, enlève la première
tranchée
allemande puis la seconde, mais il est alors pris violemment
à
partie sur sa gauche par les défenseurs plus au nord dont
les
feux d'enfilade lui causent de terribles pertes. Il leur fait face, et
résiste à toutes les attaques et parvient
à se
maintenir.
Au centre, le 2
e bataillon aborde la première
tranchée
allemande, l'enlève, dépasse une
carrière profonde
qu'il laisse aux nettoyeurs le soin de fouiller et poursuit sa marche.
Mais les Allemands sortent en foule des abris profonds qu'ils ont
creusés dans la carrière et dans lesquels ils ont
été à l'abri durant les jours
précédents : ils se jettent sur les assaillants,
arrêtent la progression de ceux qui arrivent ou prennent
à
dos les 2 compagnies : 5
e et 6
e qui ont déjà
passé. Celles-çi encerclées de toutes
parts
luttent désespérément, refusent de se
rendre et
quand l'ennemi les serre de trop près, elles les repoussent
à la baïonnette.
Les hommes tombent : le sous-lieutenant Viollet sert lui-même
la
mitrailleuse dont tous les servants ont été
tués.
Le sergent Voisin, le grenadier Armand, luttent à coups de
grenades non amorcées dont ils se servent comme des pierres
:
les munitions s'épuisent, le soir arrive ; alors le
capitaine
Baboulin se dresse, pousse un cri
En avant ! à la
baïonnette
et les survivants, dans un dernier
élan, parviennent à rejoindre le
régiment.
À droite, le 3
e bataillon, qui avait à parcourir
un espace découvert, assez considérable, fut
soumis, dès le départ à un violent tir de barrage
et s'il put parvenir aux lisières du village, ce
fut grâce à une énergie surhumaine des
combattants.
L'attaque avait échoué, les pertes
étaient des plus lourdes : au 3
e bataillon, il restait 2
officiers, et 60 hommes. Le 159, à droite, n'avait pas mieux
réussi.
Le régiment s'étala alors sur ce sol qu'il eut
pour mission de défendre et s'étendit de Barleux
jusqu'à la Maisonnette, ferme-château construit
sur un petit mamelon dominant toute la boucle de la Somme et dont nous
ne possédions qu'une partie.
L'existence y fut dure, le bombardement était incessant et
les hommes constamment occupés à se
dégager de leurs abris écrasés,
à réparer les dégâts,
relever les mourants, y vivaient dans l'attente de la mort. Ils
demeuraient pourtant. Puis, un jour, le bombardement se fit plus
intense, à la Maisonnette même il n'y a plus
d'abri, il n'y a plus d'organisation, il n'y a plus de chef, il n'y a
plus d'unité, il n'y a plus que quelques hommes
épars qui luttent
désespérément et succombent.
La Somme! Soldats du 97, vous n'y avez pas connu le triomphe, mais vous
avez lutté vous avez souffert, vous êtes
tombés pour une idée plus haute. D'autres
cuielleront peut-être vos lauriers ; vous vous est
donné sans compter et votre sacrifice, qui servira
à la victoire future, ne doit pas être
oublié, doit être cité en exemple
à vos successeurs.
Octobre s'était écoulé, l'offensive de
la Somme s'éteignait sans avoir procuré le
résultat recherché, nous n'avions pu enfoncer
l'ennemi : mais nos attaques n'avaient pas été
vaines : l'allemand sortait terriblement épuiser de la
lutte, moralement affaibli.
Deux tentatives faites à Verdun pour dégager la
place réussirent superbement et nous rendirent, à
peu près, toutes les positions que nous avions dû
céder au cours des dures luttes durant les premiers mois de
l'année, elles étaient la preuve que nos
sacrifices n'avaient pas été S
tériles.
Nouvron
- Vingré - Coucy 1916-1917
Le 97 retiré à la fin d'octobre, se rendit au
camp de Coeuvres's et Vairsery, où pendant le mois de
novembre, il pensa ses blessures, se remit à
l'entraînement et à l'instruction. Le 4
e bataillon
fut alors définitivement dissous. Au commencement de
décembre, transporté au nord de l'Aisne
à l'ouest de Soissons, il s'établit dans le
secteur de Nouvron - Vingré. L'hiver s'écoule
tristement : il fait froid sur ce plateau dénudé,
que balaie une âpre brise et, pour tromper l'attente, de part
et d'autre, les adversaires se tâtent dans de continuels
coups de main, précédés et suivis de
copieux et meurtriers bombardements.
Les tranchées s'évasent, les boyaux se comblent,
les fils de fer disparaissent au cours de ces tentatives, et sous le
vent, la neige, la pluie ou le froid, on répare la
tranchée, les boyaux, les abris ou les réseaux
barbelés. Mais l'hiver s'achève et une rumeur
circule : les Allemands n'ont pas voulu attendre l'offensive que nous
devons déclencher dès le début du
printemps. Les patrouilles se font plus nombreuses sur le front : le 17
mars à minuit, celles envoyées par le 3
e
bataillon ont pénétré dans les lignes
adverses et les ont trouvées vides.
L'ordre est aussitôt donné, la poursuite
générale commence.
Le régiment se dirige par Morsain, Vezaponain, arrive le 21
au soir, sur les bords de l'Ailette ; franchit le ruisseau sur quelques
passerelles de fortune, construites à la hâte,
occupe en dépit de quelques coups de feu le moulin de Nogent
et la sucrerie des Michettes.
Il continue son mouvement, arrive devant le château de Coucy
bâti sur un promontoire et dont le 1
er et 2
e bataillons
s'emparent en le contournant par les ravins, l'un au
nord, l'autre au sud, poussent encore sur le plateau vers le nord-est
où ils se heurtent, le 28, aux ouvrages avancés
de la nouvelle position allemande. Vouloir s'en emparer sans l'appui de
l'artillerie serait folie et il faut attendre que celle-ci,
retardée par tous les obstacles créés
par les Allemands ou cours leur retraite, soit en mesure de nous aider.
Le 12 avril les 1
er et 3
e bataillons enlèvent brillamment
les positions, font de nombreux prisonniers et arrive à la fameuse ligne
Hindenbourg.
Il n'y a plus qu'à s'organiser sur place et attendre que la
grande offensive franco-anglaise annoncée depuis si
longtemps se déclenche et procure des résultats.
Chacun travaille avec ardeur, tranchées, boyaux, abris se
creusent, s'approfondissent, les fils barbelés se tendent,
et, vers le début de mai, le régiment
relevé peut légué à son
successeur un secteur presque complètement
installé.
L'offensive, en effet, n'avait pas réussi. Le repli des
Allemands au nord de l'Aisne avait rendu complètement
inutileis les formidables préparatifs qui,
nécessaires à une entreprise d'une pareille
envergure, avaient été accumulé de ce
côté au cours des mois
précédents et leur avait permis de concentrer sur
le front Soissons - Reims - Champagne une puissance de moyens
supérieure à celle dont nous pouvions disposer.
Le
Chemin des Dames 1917
Bref séjour qui a laissé cependant un profond
souvenir aux anciens du 97. Cramponnés aux abords d'une
arrête sur laquelle court la fameuse route du Chemin des
Dames et qu'occupe solidement l'adversaire, sans vue devant soi, des
pentes fort raides derrière. Les soldats surveillent
l'ennemi devenu très mordant depuis qu'il a brisé
notre attaque. Ils sont au-dessus de Braye en Laonnois.
Le jour, la nuit, le bombardement ne cesse pas : parfois il
redouble de violence, obus, mines écrasent un coin du
secteur et, ahuris dans cette tourmente, les guetteurs voient soudain
se dresser, des ombres ; ce sont les strosstrup. Des cris jaillissent,
des coups de feu résonnent, des grenades éclatent
; l'on parvient à repousser l'assaillant. Ce sont de rudes
soldats que les nôtres !
Le mois de juin se passe ainsi, au mois de juillet le
régiment glisse plus à gauche. Entre le
Panthéon et la Royère sur l'arête
au-dessus de Pargny-Filain, l'ennemi s'avance et menace de rompre
complètement notre ligne. Le 97 envoyé en renfort
se déploie devant lui, bouscule les
éléments avancés et arrête
définitivement l'adversaire. Tout en maniant le
fusil, les hommes reprirent des pioches, organisèrent la
nouvelle position.
Au mois d'août, le 97 se rendaient dans la Haute-Alsace.
L'Alsace 1917
Ce fut une période de trêve : installés
à l'est de Dannemarie, dans un secteur peu
mouvementé, les alpins tout en contemplant de leurs
observatoires le champ de bataille de Flaxlanden et de Zillisheim,
retrempaient leurs muscles dans cette saine atmosphère et
s'entraînaient à de hardis coups de main. Le
sergent Berthollet, à la tête de quelques hommes,
se jetait la nuit sur une forte reconnaissance allemande, en mettait
une grande partie en fuite et après une courte lutte
forçait les autres à se rendre. L'été,
l'automne passent ; l'hiver s'écoule, le régiment
est prêt pour les dures luttes que l'on prévoit
pour le printemps prochain.
Plessier
de Roye 1918
Durant l'hiver, la 77
e division fut retirée du front
d'Alsace et placée en arrière. Le commandement
constituait des réserves, car la situation était
grave et il fallait être prêt à faire
face à bien des éventualités. Le
traité de Brest - Litowski avait
libéré de toute préoccupation sur le
front russe les Allemands, qui, malgré les conditions du
traité, ramenèrent toutes leurs forces vers
l'ouest et acquirent ainsi une supériorité
formidable en hommes et en matériel. Le 21 mars, ils se
jetaient sur le front anglais, enfonçaient
l'armée du général Cough, la
refoulaient vers Montidier, tandis que de part et d'autres poussaient
avec vigueur pour élargir la poche dans laquelle ils
étaient engagés. Les divisions
françaises disponibles, furent jetées en
avant avec comme mission de boucher les trous qui se creusaient sans
cesse dans la ligne et d'arrêter à tout prix
l'avance de l'ennemi. Transportées en camion, avec un
minimum de vivre, de munitions, elles se portaient
immédiatement dans les intervalles, organisaient
sommairement une position.
La 77 est de ce nombre. Le 97, embarqué le 24, arrive le 25,
de bonne heure à Cany sur Matz et se porte à
l'est du Plémont au secours d'une division
engagée, puis revient s'installer entre Canny et le Plessier
de Roye.
Le 27, Canny, est submergé, mais le bataillon qui l'occupe se
replie sans cesser de combattre et le soir, les 2 bataillons en ligne
se maintenaient sur la route Canny - Plessier.
Le 28, le 97 s'installait de la façon suivante : 2
à droite en première ligne en avant du Plessier
devant Lassigny ; 3 à gauche ; 1 en réserve. On
organisait sommairement la position, mais le front était
considérable et les unités fort
étirées. Le 29 se passa sans incident.
Le 30, le bombardement adverse commença de bonne heur et alla
en s'accentuant, puis, vers 7 heures parurent les vagues allemandes
suivies de masses énormes, dont l'effort se porta surtout
sur le 2
e bataillon. Chacun se réjouit d'abord,
mitrailleurs, fusiliers mitrailleurs, fusils entrent en action et
prennent plaisir, malgré la mitraille, à voir
tomber l'adversaire sous leurs coups.
Les Allemands comblaient les vident et poussent quand même :
de petits groupes d'entre eux se faufilent de couvert en couvert et
arrivent dans le Plessier de Roye ; d'autres se glissent entre
le 2
e bataillon et le 159 à notre droite. Vers 8 h 30, le 2
e
bataillon a ses premières lignes
encerclées et en partie submergées ; puis seuls
les débris de la 7 groupés autour de leur chef,
le capitaine Desrieux, luttent encore
désespérément, cernés de
toutes parts. L'ennemi a pu pénétrer dans le parc
du château. La dernière compagnie du 2
e bataillon
s'élance au secours des 2 autres, elle charge avec le plus
admirable élan, vers son capitaine, le lieutenant et les 3
quarts de son effectif sans pouvoir arriver à un
résultat.
L'ennemi maintenu à droite du Plessier par le 159 dont la
gauche s'est un peu repliée ; à gauche par le 3
e
bataillon, pousse avec la plus sauvage énergie dans le parc,
arrive au PC du colonel que défendent avec non moins
d'opiniâtreté les pionniers sous la conduite du
lieutenant Kossowski et tous les agents de liaison. La plupart de ces
braves succombent à la tâche, le colonel Tissier
lui-même tombe mortellement frappé. Mais cette
âpre lutte se prolonge et donne le temps à
quelques réserves d'arriver. À midi, la 7 dont
les pertes ont été considérables et
qui a épuisé toutes ses munitions à
sombrer dans la tourmente : le 2
e bataillon n'existe plus, le parc du
Plessier est entre les mains de l'ennemi.
Mais ce dernier épuisé par une pareille lutte ne
peut poursuivre son avantage, il est emmuré dans le parc.
Les compagnies du 1
er bataillon, quelques autres du 226 venues en
renfort l'empêche de déboucher.
Le soir même, après une courte
préparation, ces mêmes
éléments se lançaient en avant et
reprenaient tout le terrain perdu dans la matinée.
Plessier, le village, le château, le parc sont de nouveau
à nous, 850 prisonniers restent entre nos mains.
La résistance désespérée
des uns a permis le succès des autres et l'Allemand
découragé renonce à enfoncer la ligne
de ce côté. Quelques jours après le
général Humbert disait de la 77
e division
je
vous avais donné à garder un des piliers de la
porte qui s'ouvrait sur le coeur de la France, cette mission vous
l'avez magnifiquement remplie
.
La division fut retirée du front dès le
commencement d'avril : elle remonta en ligne pendant quelques jours
puis vers la fin du mois fut définitivement
rappelé à l'arrière ; elle
était destinée, sous les ordres de son nouveau
chef, le général Serrigny, à faire
partie des réserves que le commandement cherchait
constamment à reconstituer.
Les
bois de Reims
Le régiment transporté dès le
commencement d'avril dans les Vosges s'établit, sous les
ordres de son nouveau chef le lieutenant-colonel Tron de Bouchony, sur
la crête des Vosges, du ballon de Guebviller à
l'Hartmansviller dominant cette pleine d'Alsace, encore pour quelques
mois aux mains de l'ennemi. Des renforts vinrent compléter
les effectifs dans ce secteur relativement calme, l'amalgame se fit
rapidement et après quelques jours d'entraînement,
passé l'Oise vers la fin de juin, le régiment fut
une unité animé du plus bel esprit de vaillance
et de dévouement.
Le 15 juillet au matin, le 97 se trouvait en réserve au sud
de la Marne et se portait les jours suivants vers différents
points menacés ; le 19, à la pointe du jour, il se
lançait à l'attaque avec un allant merveilleux ;
sa mission était de repousser sur la rive nord, les
fractions ennemies qui, ayant franchi la rivière, luttaient
depuis 3 jours avec une énergie farouche pour se maintenir au
sud.
L'adversaire s'étant replié dans la nuit, la
progression s'effectuea malgré les rafales violentes de
l'artillerie adverse avec autant de calme que de vigueur. Le soir, la
Marne était atteinte entre Troissy et Mareuil le Port et
solidement tenue : la manoeuvre s'était
déroulée sous la mitraille comme sur un terrain
d'exercices.
Transporté en auto, le régiment se trouvait
réunit le 22 dans le bois de la montagne de Reims et
recevait l'ordre d'attaquer le lendemain. Il s'agissait d'enlever la
coupe boisée séparant la vallée de
l'Avre et du Noron, de forcer l'ennemi par cette avance à
évacué l'une et l'autre. Le 97 avait devant lui
l'arête même ; c'était la partie la plus
forte, la mieux organisée ; c'était la
tâche la plus ardue, elle fut la plus brillamment accomplie.
Le 23, vers 11 heures, après une courte
préparation les 1
er et 2
e bataillons portés au
cours de la nuit sur la ligne de départ,
s'élancent avec une égale ardeur.
L'artillerie ennemie fait rage. Les mitrailleuses allemandes
habilement dissimulées dans tous les coins,
crépitent sans arrêt, le terrain est difficile, le
taillis rendu plus impraticable encore par la chute des arbres que les
obus ont fauchés : la progression est lente, mais elle est
continue en dépit de tous les obstacles et de toutes les
résistances qu'il faut abattre une à une. Le 1
er
bataillon à droite arrive le premier à l'objectif
assigné ; la lisière nord du bois du parc de
Cemmet - Reuil ; 2 heures d'efforts lui ont été
nécessaires.
Le 2
e à gauche, se heurte à une
résistance plus farouche encore ; il lutte pendant 6 heures
avec une ténacité, un courage et une science
admirables, et, à 17 heures, parvient lui aussi à
son objectif, la lisière du parc.
Des canons, de nombreuses mitrailleuses, des prisonniers, une partie de
l'arrête conquise, tel était le
résultat de cette journée.
Le 3
e bataillon, le soir même, se portait en avant pour
continuer la lutte et arracher à l'ennemi le bois
des dix Hommées. Celui-ci est séparé
des bois de Commet - Rueil par une large clairière qu'il
faut franchir sous les feux d'un ennemi qui se rend compte de
l'importance de la position et a reçu l'ordre de nous
arrêter à tout prix. Le 24,
entraîné par son chef, le commandant Bertin, le 3
e
bataillon cherche à aborder le bois, mais, en
flèche et battu de toutes parts, il ne peut y arriver. Le
25, il reprend la lutte, s'acharne malgré les pertes,
pénètre enfin dans la position ennemie ; en
dépit des fatigues, poursuit son avantage,
enlève morceau par morceau et le 26 au soir est
maître de la situation.
De tous côtés : fusils, mitrailleuses, cadavres
allemands jonchent le sol et, résultat plus
appréciable encore, la division britannique à
gauche progresse, grâce à notre avance dans la
vallée de l'Arde et s'établit à notre
hauteur.
Durant ces 4 jours de combat nombreux furent les actes
d'héroïsme. Le sous-lieutenant Ruat c'est
jeté au devant de mitrailleuses et a
entraîné ses hommes avec lui. Le lieutenant Rivoire
a bondi sur une autre pièce, a abattu 2 servants de sa main
et fait prisonnier le 3
e. Le soldat Coutarel, agent de liaison de la
1
ère compagnie, se trouve tout à coup face
à face avec 3 ennemis ; il en tue 1 et fait prisonnier les 2
autres ; le brancardier Jacob, de la 2
e compagnie,
spontanément, sous le feu d'une mitrailleuse, va relever le
sous-lieutenant Bon, grièvement blessé, il est
lui-même mortellement atteint quelques instants
après, le soldat Noiray, de la 5
e compagnie, s'empare de
haute lutte d'une mitrailleuse légère, la
retourne aussitôt vers l'ennemi qui contre-attaque. Le
sergent Moynier, de la 6
e compagnie, avec une poignée
d'hommes, fait prisonniers 23 Allemands dont un officier, 36
mitrailleuses et 2 minenwerfer ; le sergent fourrier Seguret, de la 7
e
compagnie, s'offre spontanément pour faire une patrouille,
prend un FM, tire en marchant à l'ennemi, éteint
ainsi le feu d'une mitrailleuse et tombe mortellement
blessé ; le soldat Carpentras, de la 10
e compagnie,
patrouilleur de tête, découvrant soudain,
à quelques mètres, une mitrailleuse
légère crie de toutes ses forces :
Attention !
voilà les Boches
et tombe mortellement frapper ; le
sous-lieutenant Mouthon, sérieusement blessé le
25, refuse de se laisser évacuer, il est mortellement
atteint, le 26 à la tête de sa section ; le
sous-lieutenant Carras, commandant le peloton de 37, avec ses valeureux
servants bientôt réduit de moitié,
contribue puissamment à la réduction de nombreux
nids de résistance que les bataillons trouvent sur leur
route, blessé très sérieusement le 29,
il ne voudra abandonner la lutte que 36 heures plus tard, sa
tâche glorieuse accomplie.
La magnifique vaillance du 97 à déjà
assuré de gros avantages, l'ennemi faiblit, il faut lui
arracher le dernier morceau de l'arète boisée et
c'est au régiment que reviennent encore la
tâche et l'honneur. La fatigue est extrême, le
ravitaillement difficile, le bombardement, par toxiques et explosifs,
permanent depuis 6 jours. N'importe, le régiment s'y
dévoura tout entier.
Le 29, dans la matinée, par une savante manoeuvre, le 2
e
bataillon se place pour partir à l'attaque ; il a devant lui
le bois des Houleux qu'il doit enlever. Son flanc sera couvert
à droite par le 1
er bataillon qui doit aussi progresser ;
à gauche il se couvrira lui-même.
Le 1
er bataillon, fortement éprouvé par les gaz,
ayant a traversé un terrain très en vue et
fortement battu, ne peut arriver à franchir le barrage fait
devant lui par les Allemands, plus tard, il se portera tout de
même en avant et les soldats Deloir, Maron, Combet, et Nault
de la 3
e compagnie, iront même jusqu'à l'objectif
d'où ils ramenèrent 5 prisonniers.
Le 2
e bataillon triomphe de tous les obstacles, enlève
successivement tous les centres de résistance, et
après 5 heures d'une lutte ou chef et soldats rivalisent de
courage et du dévouement, s'établit sur la
position assignée ; la 5, en tête, sous les ordres
du lieutenant Rousset, a été d'une
particulière vaillance. Mais ce bataillon en
avancée, est le lendemain de bonne heure, violemment
assailli par des forces très supérieures. Les
hommes ont subi un bombardement terrible, ils sont
épuisés et cependant ils ne veulent pas
lâcher ce qu'ils ont si péniblement conquis. La
lutte se prolonge et tous se dévouent jusqu'à la
mort pour arrêter l'adversaire. Le lieutenant Rousset est
partout jusqu'à ce qu'il soit atteint, le sous-lieutenant
Beck tombe le dernier sur sa pièce, tué
à bout portant après tous les servants ; le
sous-lieutenant Gely est frappé fusil en main. On se replie
un moment sans cesser de combattre et l'on fait une
hécatombe parmi les rangs de l'assaillant puis la ligne
s'arrête et le chef de bataillon le commandant Messines,
téléphone au milieu de la bataille :
l'ennemi
tape rudemment, la 5e a perdu tous ses officiers, les pertes sont lourdes,
mais je tiendrai quand même
. Le bataillon, le soir
même, entraîné par son chef - voir au
dos - repartait en avant, reprenait à nouveau toute la
positions et s'y installait définitivement.
Deux jours après, le régiment
était relevé : il laissait une
tâche facile à ses successeurs qui ne trouveront
plus devant eux qu'un ennemi démoralisé et
déjà résolu à la retraite.
Les
Flandres
L'offensive se déclenchait le 14 octobre.
La 77
e DI, toujours sous les ordres du général
Serrigny, enlevait les premières positions ennemies, puis
cherchait à s'emparer d'Hooglede, localité
bâtie sur une croupe et énergiquement
défendue.
Le 14
e groupe de chasseurs progresse au nord, le 159 au sud quoique
avec peine, mais une partie de la bourgade reste aux mains de ses
défenseurs, et les assaillants se sont fortement
séparés. Le 97 suivait en réserve,
quand il reçut l'ordre de rétablir la liaison et
de faire tomber la position. Le 3
e bataillon, sous les ordres du
commandant Bertin contourne habilement Hooglede, tombe dans le flanc
des défenseurs et rétablit la situation.
L'attaque peut progresser, mais elle est bientôt
arrêtée de nouveau : l'ennemi dès le
1
er jour, emploie la tactique dont il ne cessera d'user dans sa
retraite. Il se replie, couvert par de fortes arrière-gardes
dotées de mitrailleuses, et qui, appuyées par une
puissante artillerie ont ordre d'empêcher à tout
prix notre progression. Il lui importe en effet que nous ne puissions
arriver à la Lys avant que des renforts ne soient venus s'y
installer et nous en interdire le passage. Chaque jour les bataillons,
au cours de cette poursuite implacable, se heurteront à de
nouvelles résistances, qu'il faudra faire tomber une
à une, chaque jour, ce seront de nouveaux et rudes efforts et
aussi de nouveaux succès.
Dès le 15, le 97, en première ligne
enlève Gitsberg qui n'a pu être abordé
la veille, puis la route Gitsberg - Thourot.
La voie ferrée à peu de distance en
arrière est une nouvelle ligne de défense qu'il
faut rompre, puis la station de Gits est remportée
à son tour à la tombée de la nuit.
Des prisonniers, des canons, des mitrailleuses, des
dépôts considérables de
matériels sont le résultat des luttes de cette
journée. Le 16, à l'aube, la poursuite reprend ;
de nouveaux obstacles se dressent : les mitrailleuses ennemies
installées sur les hauteurs de Colscamps à la
côte 48, à la ferme Delodder, crépitent
; l'artillerie adverse tonne, il faut enlever chacun des points d'appui
: le commandant Bertin, toujours en tête pour diriger ses
unités, tombe gravement atteint ; mais la manoeuvre unie au
courage permet de triompher de toutes les résistances.
Chacune des positions est tour à tour enfoncée,
et de nombreux prisonniers restent entre les mains de l'assaillant.
Le 17, nouveaux combats, nouveaux succès ; la
route Wynghene - Hiest sur laquelle l'ennemi résiste est
enlevée à midi, et, à 15 heures, le
village d'Hooithoeck est emporté après une
très vive lutte. Le lendemain de bonne heure, les Allemands
tentèrent par une puissante contre-attaque de nous reprendre ce
hameau. Repoussés avec pertes, ils se décident
à battre en retraite et s'établissent
à peu de distance. Le chef de corps, disposant de 2 groupes
de 75 fait concentrer successivement le tir sur les points
occupés et lancent tour à tour à
l'assaut les 1
er et 3
e bataillons. Après 4 heures de lutte,
la position est à nous, nombre prisonniers sont entre nos
mains, après une lutte sévère au cours
de laquelle les canonniers d'accompagnement,
entraînés par leur chef, lieutenant Carraz,
rivalisèrent de vaillance. À 15 h 30, le 1
er
bataillon à son tour attaque des nids de
résistance et soutenu par les 75 arrive à
s'emparer d'un certain nombre d'entre eux.
Le 23, tandis que le 14
e groupe de chasseurs franchissait la Lys
à la droite du régiment et après une
lutte très vive, installait une tête de pont sur
la rive droite, les dernières résistances
étaient renversées et le 97 s'installait sur les
bords mêmes de la rivière, où il
demeurait en surveillance, observant le village de Deynz, but
final est essentiel assigné à ces efforts.
L'ennemi battu presque journellement avait
reculé de plus de 50 km, laissant entre nos mains des
canons, des mitrailleuses, un matériel
considérable et de très nombreux prisonniers.
Le 97 avait lutté sans arrêt pendant 15 jours et
les compagnies réduites à 40 ou 50 fusils avaient
poursuivi jusqu'au bout leur tâche malgré la
fatigue, malgré la faim, malgré les obstacles,
donnant l'exemple du dévouement le plus
héroïque. Que d'exploits devraient être
signalés dans ces asauts de vaillance !
Le sous-lieutenant Carraz s'élançant avec ses
canonniers à tous les endroits difficiles et bravant
constamment le danger pour aider les camarades avec ses Stokes ou ses
37. Le sergent fourrier Demarchi agent de liaison de la 3
e compagnie,
s'élançant à la tête de
quelques hommes au devant d'une contre-attaque, aux cris de
Baïonnette au canon ! En avant les enfants.
Le sergent
Ugnon, aidés des soldats Janin et Placent et de quelques
camarades, n'hésitent pas à se lancer sur une
ferme des plus fortement tenues, dont à force d'audace
qu'ils parvenaient à se rendre maître. Le caporal
Aubry, sommé de se rendre par des adversaires qui le
surprennent, se jette, sur eux et les force à se rendre.
Combien d'autres encore dont les actions sont restées
ignorées, ont rivalisé de bravoure et ont
assuré le succès et la gloire de leur
régiment.
Le 97 relevé le 25, revenait reprendre sa place de combat
entre la Lys et l'Escaut et participait à une attaque
générale en direction de Gand. À
l'heure prescrite, le 3
e bataillon sélance, la 10
e compagnie
magnifiquement entraînée par son chef le capitaine
Martin en tête, atteint les objectifs assignés
à 2 km environ de la base de départ et fait de
nombreux prisonniers. Isolé en avant, car les
unités voisines ne l'ont pas suivi, et assailli de toutes
parts, il résiste avec la dernière
énergie, se replient légèrement sur
une position meilleure et soutenue par des
éléments du 2
e bataillon, repousse
victorieusement toutes les attaques de l'ennemi.
Dans la journée du lendemain, l'attaque
générale reprend. Le 97, continue la lutte, et
l'ennemi, découragé par ces insuccès
de la veille, n'oppose plus la même résistance ;
il cède sous les coups et la manoeuvre, a raison de tous les
obstacles. Dans la journée, la progression atteint 5 km en
profondeur.
Le 2 novembre, le régiment poussait encore l'adversaire,
définitivement en retraite et s'établissait le
soir aux avant-postes, il devait dans la journée du
lendemain être dépassé par
l'armée belge qui en marche de la Lys à l'Escaut,
se dirigeait de l'est à l'ouest au sud de Gand.
Il était relevé peu après et revenait
vers Arserle et Caeneghen où le surprit l'armistice.
Cette dernière période quoique fort courte avait
été dure.
3 officiers, 2 capitaines, 1 sous-lieutenant, 3 sous-officiers, 20
caporaux ou soldats étaient tombés au champ
d'honneur, 69 étaient blessés plus ou moins
grièvement. La comparaison de ces chiffres avec le petit
nombre, et la faiblesse numérique des unités
engagées (50 fusils environ par compagnie) indique
suffisamment l'âpreté de la lutte, et l'on ne
saurait trop admirer la vaillance de ces braves qui, depuis le 15
octobre, n'avaient cessé de marcher et de se battre dans les
conditions les plus difficiles. Aussi une nouvelle citation
était-elle accordée au régiment,
nouveau témoignage de la belle conduite de tous, officiers
et soldats.
Régiment d'élite, sous les ordres du lieutenant
colonel Tron de Bouchony, a affirmé à nouveau sa
réputation dans la bataille des Flandres.
Du 14 au 19 octobre 1918, il bouscule l'ennemi, le fait reculer de 7
km, lui arrache, dans une lutte sévère, des
hauteurs énergiquement tenues, le poursuit et
enlève à des réserves
fraîches, un village défendu
désespérément.
Malgré des pertes sérieuses et de vigoureuses
contre-attaques, il s'empare, le 1er novembre, des positions de la
Garde Prussienne et progresse de 10 km au cours de 2
journées de durs combats.
Du 14 octobre au 2 novembre, a capturé 500 prisonniers, 5
pièces de canon, un matériel
considérable.
(ordre de la 6
e armée n°
660 du 27 novembre 1920).