LORRAINE
----
Sarrebourg
Baccarat |
13e CORPS D'ARMEE |
VERDUN
----
Fort de Vaux
Côte 304
Beaumont |
86e REGIMENT D'INFANTERIE
HISTORIQUE
DES OPERATIONS
PENDANT LA GUERRE
DE
1914 - 1918
|
|
CHAMPAGNE
----
Monthois
Vouziers
Vandy |
|
SOMME
----
Vermandovillers
Ablaincourt |
Le PUY - IMP. PEYRILLER, ROCHON & GAMON |
MARNE
----
Olizy
Anthenay
Pourcy |
LE
86e REGIMENT D'INFANTERIE
Avant
la Grande Guerre
Il faudrait remonter bien loin dans l'histoire pour retrouver l'origine
du 86
e RI.
Dès 1689, on le trouve, portant le nom de son colonel M. de
Courten.
En 1745, il prend une belle part à la bataille de Fontenoy
il essuye à 50 pas, sans broncher, le feu des
Anglais
.
C'est en 1791, qu'il apparaît sous le numéro 86 ;
en 1794, il s'appelle 86
e demi-brigade (1
ère
formation) ; puis en 1796, c'est la 86
e demi-brigade (2
e formation), et
en 1803 c'est le 86
e régiment d'infanterie.
En 1802, il fait partie de l'expédition de Saint-Domingue ;
en 1807 il est au Portugal et entre à Lisbonne le 2
décembre.
En 1813, il prend part la campagne d'Espagne, et le
général Foy écrit
le 86e a
tenu une
conduite au-dessus de tout éloge
.
En 1814, il participe à la bataille glorieuse de Toulouse.
Cette même année le 2
e bataillon est à
Dresde, il fait 1500 prisonniers et prend 150 voitures. Le 86
e prend
part à la campagne de France.
En 1815, il combat à Ligny.
Il disparaît à Waterloo. Le 2
e Léger
continue alors ses traditions glorieuses.
En 1784, le 2
e Léger s'appelait 2
e Chasseur des Ardennes.
En 1794, il forme demi-brigade légère. En 1796,
il est sous les ordres de Masséna en Italie ; et ses
carabiniers se distinguent à Lodi où ils vont
tuer les canonniers autrichiens sur leurs pièces.
À la Corona, il résiste, à lui seul,
à la division Wurmser (8000 hommes et 14 pièces).
A Lonato, il charge une colonne autrichienne, fait 4000
prisonniers, prend 2 canons. Il pénètre le 1
er
dans le Tyrol.
En raison de sa brillante conduite, Bonaparte l'autorise
à inscrire sur son drapeau
Passage du
Tyrol
, et
passant devant les carabiniers du régiment, il leur dit :
Vous valez à vous seuls 3000 hommes
.
En 1798, le régiment est à Mayence, il se
distingue en 1800 sous les ordres d'Augerau.
En 1802, il fait partie de l'armée de Saint-Domingue.
En 1811-12, c'est le 2
e régiment d'infanterie
légère ; il est sous les ordres d'Oudinot, fait
la campagne de Russie et se distingue à la
Bérésina en 1812.
En 1813, à Dresde il s'empare du village de Gossa,
défendue par le prince de Wuretemberg, le 16 octobre. Le 19
il est à Leipzig.
Il fait la campagne de France en 1814, et se fait remarquer
à Ligny en 1815.
En 1832, le 2
e régiment d'infanterie
légère est à Anvers.
En 1850, il est en Afrique où il se distingue jusqu'en 1859.
Son dévouement le fait citer pendant
l'épidémie de choléra de Tlemcen.
En 1855, il part en Crimée, et le 2
e Léger prend
le numéro de 86
e régiment d'infanterie de ligne
dès son arrivée, en janvier. Canrobert le
félicite et lui dit
le 86e a soutenu sa belle
réputation
.
La prise du Mamelon Vert est un des plus beaux faits d'armes du 86
e
RI qui conquiert le droit d'inscrire
Sébastopol
sur son
drapeau. À la prise de cette ville, son drapeau flotte un
des premiers sur les retranchements.
En 1859, le 86
e se couvre de gloire à Magenta et
à Solférino.
En 1870, il fait partie du 5
e corps. Il combat à Sarrebruck
et
à Froeschviller. Il laisse son 2
e bataillon pour
défendre
Bitche. Cette fraction, après avoir soutenu glorieusement le
siège jusqu'à la paix, a obtenu les honneurs de
la
guerre. Les 2 autres bataillons font des efforts
héroïques
pour arrêter l'ennemi à Beaumont.
Ils prennent part à la bataille de Sedan et sont
livrés à l'ennemi lors de la capitulation de
cette place.
En 1881, le 2
e bataillon prend part à
l'expédition du Sud-Orannais.
Le 86
e à inscrit alors sur son drapeau les noms suivants :
- 1796 - Lodi
- 1797 - Passage du Tyrol
- 1813 - Dresde
- 1855-56 - Sébastopol
Ce beau régiment, fier de son passé, n'attend que
le jour
du danger pour prouver que ses enfants sont les dignes
émules
des braves grenadiers du 2
e Léger, qui avaient su se faire
remarquer par Bonaparte lui-même.
Il va donner la mesure de sa valeur pendant la grande
épopée qui commence en août 1914.
La
Mobilisation - La Concentration
Lorsque, le 2 août 1914, la tragique
réalité de la
mobilisation surgit brutalement, on ne croyait pas encore la guerre.
Beaucoup s'accrochaient encore à l'invraisemblable.
Les manifestations de tension nerveuse, de trépidation
morale de ces heures, resteront graver dans les esprits.
Du 2 au 5 août 1914, le 86
e régiment d'infanterie,
sous
les ordres du colonel Couturaud, se prépare activement au
départ. Les braves montagnards de la Haute-Loire et du
Cantal
qui constitue le régiment, accourent, gais, confiants,
pleins de
certitudes en la victoire, prendre leur place dans les rangs.
C'est le 5 août au soir que, successivement, les 3 bataillons
traversant Le Puy, pour se rendre de la caserne à la guerre.
-
Malgré une plus torrentielle, les habitants sont venus
nombreux,
enthousiastes, saluer les braves, les fleurir, les ovationner
longuement et avec ferveur.
Le souvenir de ce départ, par ce soir inclément
d'août, restera longtemps dans la mémoire de ceux
qui ont
vécu ces heures d'adieu, de crainte et d'espoir.
Par trois trains, le régiment quitte le Puy en chantant. Le
voyage fut long, mais ne diminua pas l'enthousiasme. Aux gares, les
populations offraient des boissons, des gourmandises, des fleurs,
à ceux qui allaient vers la bataille, vers la gloire, et
beaucoup, hélas, vers la mort.
Chacun d'ailleurs s'illusionnait, croyant partir pour quelques
semaines, quelques mois au plus, pour la bataille unique et finale.
Le régiment débarque à Darnieulles, 8
km à
l'ouest d'Épinal. C'est dans cette zone que se concentra la 25
e
division. - Le 86
e constitue alors, avec le 38
e régiment d'infanterie,
la 49
e brigade.
En attendant que toutes les unités soient prêtes
à
partir vers la frontière, le régiment cantonne
dans la
région de Dompaire, Madonne et Damas, à une
dizaine de
kilomètres à l'ouest de la garde de
débarquement.
Là, les derniers préparatifs sont
poussés
activement. Le 9 août la concentration est
terminée. Le
86
e fait partie de la 1
ère armée, sous les ordres
du
général Dubail.
L'encadrement du 86
e régiment d'infanterie en officiers est
le suivant :
- état-major
- colonel Couturaud
- lieutenant-colonel Barral
- capitaine Morel, adjoint le colonel
- lieutenant Guiget, officier des détails
- lieutenant Gomot, officier d'approvisionnement
- lieutenant Berthomier, officier
téléphoniste
- lieutenant Reynaud, porte-drapeau
- médecin major Canel, chef de service
- chef de musique Richer
- lieutenant Dentz, à la disposition du colonel
- 1er bataillon
- chef de bataillon Fenêtre
- lieutenant Pantalacci, commandant la section de
mitrailleuses
- médecin aide-major Théodat
- 1ère compagnie
- capitaine Guichard
- sous-lieutenant Dominière
- sous-lieutenant Engle
- sous-lieutenant Belaubre
- 2e compagnie
- capitaine Souques
- lieutenant Aussedat
- sous-lieutenant de Chenerilles
- sous-lieutenant Crespe
- 3e compagnie
- capitaine Girardet
- lieutenant Cornut
- sous-lieutenant Rolland
- 4e compagnie
- capitaine Blanchard
- sous-lieutenant Garnier
- sous-lieutenant Elie
- 2e bataillon
- chef de bataillon Oligschlager
- lieutenant Mengailhou, commandant la section de
mitrailleuses
- médecin aide-major Nenon
- 5e compagnie
- capitaine de Sengla
- lieutenant Hermant
- lieutenant Gazan
- sous-lieutenant Duclos
- 6e compagnie
- capitaine Degoutin
- lieutenant Magnin
- lieutenant Sayn
- sous-lieutenant Bonnet
- 7e compagnie
- capitaine Dorne
- sous-lieutenant Sorbier
- sous-lieutenant Camisolle
- 8e compagnie
- capitaine Chaumeton
- lieutenant Caillet
- lieutenant Groscolas
- 3e bataillon
- chef de bataillon de Sigoyer
- lieutenant Basset, commandant la section de
mitrailleuses
- médecin aide-major Rousset
- 9e compagnie
- capitaine Baudelin
- lieutenant Juillet
- sous-lieutenant Guillet
- sous-lieutenant Deguin
- 10e compagnie
- capitaine Pichon
- lieutenant Chailier
- sous-lieutenant Freydere
- sous-lieutenant Gros
- 11e compagnie
- capitaine Tondeur
- lieutenant Soubrier
- lieutenant Gabriel
- sous-lieutenant Cousseran
- 12e compagnie
- lieutenant Devillers
- sous-lieutenant Gobillot
La
campagne de Lorraine
I.
Ancerviller
Le 10 août au matin, la division est prête
à marcher.
C'est par une chaleur torride que s'effectue la 1
ère
étape vers la frontière. Le
régiment,
s'achemine vers le nord-est, traverse la Moselle et le canal de l'est
à Thaon les Vosges, et vient cantonner dans la
région de
Domevre sur Durbion et Badmenil aux Bois (15 km au nord
d'Épinal), après une marche extrêmement
pénible.
Le 11 août, c'est la 2
e étape, moins longue et
moins dure
que celle de la veille. Le régiment cantonne dans la
région de Padoux et Bult (8 km sud-ouest de Rambervillers).
Le 12 août, une 3
e et rapide étape
amène le
régiment dans cette dernière ville. Ceux qui
étaient là se rappelleront l'accueil qui les
attendait.
Ce fut une vraie débauche de gâteries de toutes
sortes.
C'est par ce soir du 12 août que les premières
impressions
de la bataille sont révélées au 86
e.
Les premiers
blessés des combats récents arrivent par groupes.
Ceux
qui ne peuvent marcher, sont transportés sur des chariots
lorrains. Sous les pansements sanglants, ils racontent leur premier combat.
Ce sont des hommes du 17
e régiment d'infanterie et du 17
e
bataillon de chasseurs.
Les yeux enfiévrés luisent d'un singulier
état de
confiance. Ils narrent avec quel impétueux élan
ils se
sont jetés sur l'ennemi, dans la région de
Pexonne. Ils
sont confiants, et demandent à guérir
rapidement
pour reprendre leur place, et se venger. L'enthousiasme continue et
maintien très haut la confiance dans les coeurs.
Le 13 août, le régiment effectue une dure et
très
longue étape. Il arrive dans la vallée de la
Meurthe,
qu'il traverse à Baccarat, et continue vers le nord-est
jusqu'à Mervillers. C'est dans cette région que
le 86
e
stationne en avant-postes, devant les villages de Pexonne,
Saint-Maurice, Saint-Pôle, Montigny, Vaxainville.
Au-delà
de ces villages, on aperçoit l'ennemi qui travaille
activement
à l'organisation des crêtes et des bois.
Le 15 août, la marche en avant une reprise. À
partir de
Montigny, le régiment prend une formation d'approche pour se
porter, à l'attaque des crêtes au sud
d'Ancerviller (cote
314), et du bois des Haies, à l'est de ce village.
Dès
que les éléments de tête arrivent
à la cote
314 (3
e bataillon) ils sont soumis au feu de l'artillerie ennemie. Nos
hommes se montrent, dès ce premier contact avec la bataille,
avec les belles qualités de discipline et de sang-froid.
C'est
comme à la manoeuvre que les compagnies se portent en avant
;
chaque section est à sa place, se couche sous les rafales,
repart, et la marche vers les objectifs assignés s'effectue
sans
arrêt.
La cote 314 est occupée, et bientôt, sans souci
des feux
de l'artillerie allemande, le bois des Haies est atteint. L'ennemi n'a
que le temps d'atteler ses canons, et de se retirer en hâte
vers
le nord-ouest.
Dès cette 1
ère journée, nos pertes
sont
pénibles, particulièrement au 3
e bataillon. Mais
nos
hommes ont montré un tel entrain, une telle
volonté,
appuyée par une belle discipline du combat, que la confiance
grandit encore. Le soir, le régiment stationne sur le
terrain
conquis, au nord-est d'Ancerviller. Au loin, de sinistres et grandes
lueurs d'incendie jalonnent les petits villages de Montigny, Harbouey,
etc., que dans sa rage haineuse, l'ennemi brûle,
anéantit,
puisqu'il ne peut les conserver.
II.
Sarrebourg
Dès 15 août, le 86
e reprend sa marche vers le
nord-est. La frontière n'est plus qu'à une
quinzaine de kilomètres.
Cirey sur Vezouse est traversé, et le soir, les
éléments de tête du régiment
(3
e bataillon) sont à Bertrambois, le dernier village
français à quelques centaines de
mètres de la frontière. Le régiment
stationne, partie dans ce village, partie dans les bois au sud. Il
pleut sans arrêt. Les hommes sont mouillés,
transis de froid. De grands feux de bivouac aident à passer
cette nuit.
Dès les premières lueurs du jour, le 16
août, nous reprenons la marche.
À la frontière, qui longe le bois des Harcholins,
les derniers cavaliers ennemis se montrent timidement. Mais ils ne
sauraient constituer un obstacle. La tête du
régiment va de l'avant ; l'ennemi a fui, lorsque la
frontière est atteinte à 800 mètres au
nord-est de Bertrambois. Quelle émotion profonde et
sacrée, que celle que ressentent alors nos troupiers ! De
bonne heure, le matin nous foulons le sol ennemi, la forêt
est traversée rapidement. Niderhoff (sur la Sarre Blanche),
le premier village allemand est occupé. Le soir, tout le
régiment est en pays enemi, soit dans Niderhoff, soit dans
les bois au sud.
Le 17 août, le régiment exécute divers
déplacements, au nord, vers Lorquin et La Neuveville les
Lorquin, et stationne dans cette région.
Le 18, il exécute un nouveau bond en avant, traverse la
Sarre Rouge, et arrive à Nitting où il stationne.
Des forces ennemies sont signalées à quelques
kilomètres vers le nord, au sud de Sarrebourg.
L'organisation du terrain est alors commencée au nord de
Nitting, pendant la journée du 19, puis dans la
matinée du 20 août.
Le 20 août, le 86
e occupe ses emplacements d'attente au nord
de Nitting. Depuis le matin le combat a été
engagé. Les obusiers ennemis de 240 se sont
révélés. Les bruits de la bataille
nous arrivent et nous annoncent notre entrée prochaine dans
la mêlée.
Le régiment est engagé assez tard
l'après-midi. Les 1
er et 3
e bataillons
reçoivent les premiers l'ordre de marcher, le 2
e reste
provisoirement en réserve.
L'objectif des 2 premiers bataillons engagés est le
mouvement du terrain, jalonné par la cote 330, à
1500 mètres au nord du village Hesse, à 4 km au
sud de Sarrebourg. Le 2
e bataillon est engagé peu
après au nord de Schneckenbusch.
Le canal de la Marne au Rhin est franchi rapidement, malgré
le tir violent de l'artillerie lourde ennemie, qui en bat tous les
ponts, particulièrement celui de la sortie nord de
Schneckenbusch.
Dès que le canal est franchi, les bataillons se trouvent
sous le feu de l'artillerie, de l'infanterie et des mitrailleuses
ennemies. Le dispositif d'attaque est pris, les déplacements
sont exécutés comme à la manoeuvre.
Les lignes de tirailleurs sont parfaitement en ordre.
Elles courent, bondissent, se recouchent et repartent au
commandement des chefs, restant alignées de façon
remarquable.
La nuit arriva bientôt. Et les vagues de tirailleurs, mettant
baïonnette au canon, continuèrent leur charge, se
jetant sans aucune hésitation, dans la titanesque fournaise,
vers les espaces de la mort, où
s'entrechoquaient les plus cruelles volontés.
L'infanterie ennemie, abritée dans des tranchées
bétonnées, exécute des feux
extrêmement meurtriers, sur un terrain connu et
repéré. Beaucoup des nôtres tombent. La
ligne ne s'arrête pas.
Mais bientôt l'avance devient impossible, malgré
les héroïsmes les plus magnifiques.
Ici, c'est le capitaine Pichon qui, presque au début de
l'action,
s'est élancé dans un
élan
superbe, à la tête de sa compagnie
déployée, entraînant toute la ligne
sous une grêle de projectiles
, et qui tombe
mortellement
atteint de plusieurs blessures. Il est cité à
l'ordre de l'armée.
Là, c'est le capitaine Degoutin qui,
a
entraîné sa compagnie au pas de course, sous une
grêle de projectiles, jusque sur les retranchements ennemis,
où il est tombé glorieusement, percé
de coups de baïonnette
. Sa conduite
héroïque lui vaut une citation à l'ordre
de l'armée.
Puis, c'est le soldat Thiolas, de la 5
e compagnie, qui donne le plus
admirable exemple. Sa section est arrivée par bonds
successifs
jusqu'à 150 mètres des positions allemandes. Elle
est
alors arrêtée par un feu violent de l'ennemi, ne
peut
repartir et reste terrée. Alors, Thiolas se lève
et, seul
debout au milieu de ses camarades couchés,
exécute
à son commandement les mouvements de
l'arme sur
l'épaule
présentez arme
reposez arme
. Il se
recouche, recommence à tirer et réussit
à
entraîner sa section dans un nouveau bond. Cet
héroïsme magnifique valu à Thiolas, une
citation
à l'ordre de l'armée.
Jusqu'à une heure avancée de la nuit, le
régiment
combat ; mais il ne peut réussir à enlever les
formidables organisations qu'il attaque. Il reste sur ses emplacements.
Le lendemain matin alors que l'ouragan de plomb
déchaîné par l'artillerie lourde
ennemie
annonça le jour, le régiment reçu
l'ordre de se
replier.
La douloureuse retraite de Lorraine commençait.
950 hommes et 25 officiers du 86
e régiment d'infanterie
restaient sur le champ de bataille de Sarrebourg.
III.
Baccarat
Le 21 août, au matin, le 86
e est un peu dispersé
dans la
région de Nitting. Mais chacun des groupes est
ordonné,
commandé. Le groupe principal se porte au nord du village,
face
au Nord, face à l'ennemi qui bombarde la région
à
l'aide de ses monstrueux mortiers de 210. Ce n'est qu'assez tard, dans
la matinée que la retraite commence, parfaitement
ordonnée. Par un premier mouvement le régiment
vient dans
la région de La Neuveville les Lorquin, qui est mis en
état de défense.
Vers le soir, le mouvement de retraite est repris. Le
régiment
refait vers le sud, avec la rage au coeur, le chemin qu'il a parcouru
quelques jours avant, alors que la plus belle confiance animait chacun
des braves, qui marchaient à l'ennemi. La
frontière est
franchie. C'est le sol de la patrie qui va être
dorénavant
le terrain des âpres combats, futurs et prochains.
Bertrambois,
Cirey sont rapidement traversés. Le 21 août au
soir, le
régiment stationne dans la région ouest et sud
ouest de
Cirey.
Dès le 22, de bonne heure, les bataillons se regroupent, se
reforment. Le commandement des unités est assuré
et c'est
encore la marche vers le sud-ouest qui reprend triste
pénible.
Le ravitaillement est difficile. Des unités resteront
plusieurs
jours sans être ravitaillées. On revoit les
villages
anéantis : Harbouey, Nonhigny, Ancerviller. Le soir le 86
e
s'établit, face au nord, sur la ligne Montigny,
Saint-Pôle
- Saint-Maurice.
Le mouvement de retraite recommence le 23 août. Le
régiment arrive ce jour-là sur la Meurthe,
à
Baccarat, et stationne au sud de cette rivière, en tenant
Baccarat et les hauteurs sud de Glonville.
Le 24 août, le 86
e reste sur ces mêmes positions
durant
tout le jour. Vers le soir, il reprend son mouvement de retraite vers
le sud. Les bataillons restent toujours parfaitement
commandés.
Pour reprendre la route de Rambervillers, les unités doivent
passer à Baccarat où elles arrivent en partie par
l'Ouest. Le colonel Couturaud, le lieutenant-colonel Barral sont
là, surveillant et dirigeant le mouvement, au point le plus
dangereux, au carrefour de la sortie ouest de la ville, point battu
sans arrêt par l'artillerie ennemie. C'est en ce point, que
le
lieutenant-colonel Barral est atteint mortellement, ainsi que le
médecin major Canel. Tous 2 sont cités
à l'ordre
de l'armée. Le capitaine Morel adjoint au colonel, est
blessé. Beaucoup des braves sont tués ou
blessés.
Le mouvement continue.
Le 24 au soir, le régiment en entier est en retraite sur
Rambervillers. Mais à quelques kilomètres, le mouvement est
arrêté. Le 86
e reçoit alors l'ordre
d'attaquer
Baccarat le 25 au petit jour, par surprise.
Le 25 août, à 3 heures, les dispositions d'attaque
sont
prises. Le régiment se met en route et arrive aux abords de
Baccarat.
L'attaque est déclenchée sans bruit ; sans un
coup de
fusil, sans un coup de canon ; c'est l'attaque par surprise,
à
la baïonnette. Très rapidement, les fractions de
tête
(3
e bataillon) atteignent et passent, à la
baïonnette, les
sentinelles ennemies placées aux issus de la ville ; la
sentinelle placée devant la mairie subit le même
sort.
L'alerte n'est pas encore donnée.
La colonne principale d'attaque, atteint le pont sur la Meurthe, et s'y
engage sans hésitation. C'est alors que l'ennemi est averti.
La
lutte des rues s'engage aussitôt, violente,
acharnée,
sanglante.
Nos soldats sont tués, à bout portant, par des
coups de
feu tirés des fenêtres des maisons et des
soupiraux des
caves. Ils continuent à lutter, assiégeant, puis
se
lançant à l'assaut de chaque maison. De nombreux
ennemis
sont tués. Mais le but principal de l'attaque est d'enlever
la
ville, de reprendre pied sur la rive droite de la Meurthe. Pour cela,
il faut franchir le pont, qui est effroyablement battu par des
mitrailleuses allemandes qui le prennent d'enfilade. Les compagnies s'y
engagent résolument. Certaines fractions parviennent,
à
traverser la rivière. Mais les mitrailleuses fauchent sans
arrêt, et bientôt, pas un homme ne peut faire un
mètre sur le pont sans être abattu. Ceux des
nôtres
qui ont réussi à atteindre la rive ennemie, sont
presque
tous tués ou faits prisonniers. Beaucoup d'entre eux,
cependant,
se jettent bravement à l'eau et parviennent à
regagner
notre rive. Un certain nombre, blessés, se noient dans cette
héroïque tentative d'échapper
à l'ennemi.
Dans cette affreuse lutte, les actes de bravoure nombreux seront
à citer.
Le capitaine Tondeur, qui commande le 3
e bataillon, en l'absence du
commandant de Sigoyer blessé devant Sarrebourg, tombe
glorieusement en entraînant ses compagnies ; il est
cité à l'ordre de l'armée.
Le lieutenant Magnin, remplaçant le capitaine Degoutin
tué à Sarrebourg, tombe sous le pont,
mortellement
atteint, à la tête de sa compagnie (citation
à
l'ordre de l'armée). C'est ensuite le capitaine Souques qui
subit le même sort glorieux. Le soldat Thiolas, un brave de
Sarrebourg, veut entraîner ses camarades, il tombe
à son
tour, mortellement atteint. Il n'est pas possible de citer tous les
actes d'obscur héroïsme, dont cet
épisode de guerre
fut si riche. Le commandant Fenêtre est blessé, le
capitaine Dorne est blessé, avec de nombreux autres braves.
Le régiment organise alors la défense des
quartiers de la
ville qu'il occupe. Des barricades sont activement construites pour
assurer la résistance au cours de laquelle le chef de
bataillon
Oligschlager, toujours au 1
er rang, est atteint mortellement
(cité à l'ordre de l'armée).
Mais bientôt la résistance devient impossible. Il
faut
évacuer la ville sous des feux très meurtriers
d'artillerie et d'infanterie. Cette opération, excessivement
difficile, est dirigé avec un superbe sang-froid par le
colonel
Couturaud, par les lieutenants Caillet et Basset.
Durant toute cette journée du 25 août, le combat
continue
au sud-ouest de Baccarat, dans la région de Sainte-Barbe et
Bazien.
De nombreux actes de sacrifices sont accomplis.
C'est le lieutenant Basset qui fait preuve de la plus grande
énergie et d'un parfait mépris du danger, qui
tombe
mortellement atteint, près de Sainte-Barbe (citation
à
l'ordre de l'armée).
C'est le brave colonel Couturaud qui,
après
s'être
vaillamment comporté, à l'attaque de Baccarat, a
rallié les éléments de son
régiment, les a
entraînés personnellement à l'attaque
du village de
Bazier, sous un feu violent d'artillerie et de mousquetrie. Il est
atteint au cours de cette attaque de 5 blessures auxquelles il succombe
le 10 septembre
. (Cité à l'ordre de
l'armée).
Cette terrible journée du 25 août, la
journée de
Baccarat, fut extrêmement meurtrière ; plus d'un
millier
d'hommes et 24 officiers restaient dans cette région au
souvenir
sinistre, dans ce coin de terre lorraine qui restera pour tous ceux qui
ont vécu ces heures de combat ardent un souvenir d'enfer et
de
mort.
Le 25 au soir, les éléments épars du
régiment se regroupent dans la région de
Rambervillers.
Mais c'était là le terme de notre mouvement de
retraite,
la limite extrême du repli de l'armée de Lorraine.
Il faut
faire tête à l'ennemi.
La 1
ère armée doit arrêter,
coûte que
coûte, l'armée allemande pour permettre aux autres
armées françaises de se regrouper, de faire face
à
l'ennemi. C'est la belle victoire de la Marne qui se prépare
et
qui nécessite une première victoire sur la
Mortagne.
Le 86
e régiment d'infanterie prendra une large et glorieuse
place dans cette bataille qui s'engagera dès le lendemain 26
août.
IV.
La bataille de la Mortagne
Le 26 août, au matin, le 86
e ne compte plus de 750 hommes
environ
avec 7 officiers. Deux groupes principaux sont formés : l'un
sous les ordres du capitaine Chaumeton, fort de 200 hommes, l'autre de
350 hommes avec le capitaine Blanchard.
Ces débris du brave régiment ne resteront pas
inactifs et
inutiles. Ils vont reprendre le combat sans délai.
Dès midi, le premier de ces groupes est rassemblé
vers la
sortie nord-ouest de Rambervillers. Il va immédiatement
reprendre place dans la bataille, en se portant à l'attaque
de
Roville aux Chênes, petit village sur la route droite de la
Mortagne, à 7 km au nord-ouest de Rambervillers.
Il se met de suite en marche, en prenant son dispositif d'attaque.
Très vite il arrive au contact de l'ennemi qui occupe
fortement
les hauteurs sud de Xaffevillers et Doncières, puissantes
organisations jalonnées par les bois de la Grande
Pucelle et
de la Petite Pucelle. Le village de Roville est vivement
remporté après un rapide combat d'infanterie. Les
braves
du 86
e ont retrouvé la superbe ardeur offensive qu'ils ont
montrée à Sarrebourg et à Baccarat, et
ils
s'élançent à l'assaut des 2
bois de la
Pucelle.
Mais ces bois sont organisés puissamment et
défendus avec
énergie. Le régiment ne peut les enlever, et
reste, en
avant-postes, à quelques centaines de mètres au
sud des
lisières.
Dorénavant, l'ennemi restera fixé en ce point,
jusqu'à ce qu'il en soit chassé en septembre.
Le 27 août, le régiment reste sur ses positions,
où
les 2 groupes formés, le soir de la journée de
Baccarat,
sont rassemblés.
Pendant les journées qui suivent, il est soumis à
de
violents feux de l'artillerie lourde ennemie. Mais il conserve avec une
héroïque ténacité le terrain
récemment
arraché à l'ennemi.
Du 28 août au 8 septembre, le régiment stationne
dans la
région Roville aux Chênes, Romont, Hardancourt.
Deux renforts successifs de 800 à 400 hommes lui arrivent
bien encadrés.
Sous les ordres du capitaine Blanchard, chef de corps en l'absence de
tout officier supérieur, le régiment est
reconstitué, d'abord avec 8 compagnies, puis normalement
à 12 compagnies. Mais, dès le début de
septembre,
des rumeurs de bataille, de grands combats parviennent au
régiment. Chacun sait bientôt que la bataille de
la Marne
est pleinement engagée.
Le 86
e s'attend à y prendre part, et à continuer
sur
d'autres champs de bataille, ces belles traditions
d'héroïsme qu'il a montré sur la terre
lorraine.
Dès le 9 septembre, il quitte la région de
Roville aux
Chênes, pour s'acheminer vers la gare d'embarquement :
Darnieulles. De là, il va être
transporté, par
chemin de fer, pour prendre une belle part à la poursuite de
l'ennemi battu à la bataille de la Marne.
La
poursuite après la Marne
Le 12 septembre, le 86
e est embarqué en chemin de fer
à Darnieulles.
Les armées françaises viennent de gagner la
bataille de
la Marne et poursuivent, sur tout le front, l'ennemi battu en retraite.
Le 13
e corps d'armée est appelé à
prendre part à cette poursuite.
Le régiment débarque à Creil dans la
journée du 13 septembre. Il se met en marche sans
délai
vers le nord-est et arrive le soir dans la région nord-ouest
de
Pont Sainte Maxence où il passe la nuit. Le lendemain, 14,
il
vient cantonner dans la zone d'Estrées Saint-Denis, bois de
Lihus. L'ennemi a quitté très
récemment cette
région et n'est plus très
éloigné
maintenant.
Le 15, le 86
e effectue une nouvelle étape et stationne
près de la zone encore occupée : Elincourt,
Samson,
Chevincourt, Melicocq, où il prend les avant-postes.
Le lieutenant-colonel Blanger, venant du 105
e RI, prend ce jour le
commandement du régiment en même temps que des
officiers
supérieurs nouveaux sont placés à la
tête
des bataillons. Chefs de bataillon : Cottaz, Gratta et Chanez, venant
du 38
e RI.
Durant la nuit du 15 au 16, le contact est pris. Le
régiment
est alerté et se prépare au combat.
Dès le 16
septembre matin, après divers déplacements, de
Bethancourt et Elincourt le 86
e s'engage dans la région
à
5 km au nord-ouest de Ribecourt. C'est une région
très
accidentée, couverte de nombreux fourrés
difficiles
à franchir, coupée de ravins profonds comme ceux
de
Montigny et de Cambronne. C'est aussi la région des
carrières profondes et immenses, qui font l'objet de
nombreuses
légendes.
Le régiment s'engage tout d'abord en se portant à
l'attaque de la ferme Carmoye qui, le matin, a
été le
théâtre d'un sanglant combat où le 38
e
RI a subi de
grosses pertes. Cette ferme est rapidement occupée et le 86
e
se
porte sur l'Ecouvillon, tenue solidement par les
éléments
ennemis. Sans aucune préparation d'artillerie, nos hommes se
portent à l'attaque de ce village, presque
complètement
encerclé par les bois de Thiescourt. L'ennemi se
défend
énergiquement, mais, surpris par l'ardeur de l'attaque, il
lâche pied, abandonnant de nombreux prisonniers et un
important
matériel roulant chargé de diverses marchandises.
Le
soir, les compagnies du 86
e ne restent cependant pas dans le village,
exposées à une surprise très probable,
facilitée par les bois. Les fractions de tête du
régiment se retirent légèrement dans
le Sud-Ouest
et stationnent en avant-postes.
La journée du 17 septembre fut riche en incidents.
Après
avoir occupé l'Ecouvillon, dès le matin, le
régiment apprend bientôt qu'une colonne ennemie,
forte
d'une brigade environ, se dirige vers le sud, par Elincourt,
Chevincourt, Machemont, coupant ainsi la 49
e brigade du gros des
troupes. Des combats partiels sont engagés dans la
région
de Machemont, et le régiment tout entier se retire, mais
très momentanément sur la rive gauche du Matz,
dans la
région de Melicocq.
La brigade ennemie poursuit sa route, et se croyant elle aussi,
complètement tournée, se dirige vers le nord, par
Machemont, Bethancourt, Ribecourt où le 38
e RI, la talonne.
Dès le soir, le régiment reprend ses positions,
de la
rive nord du Matz à Machemont et sur le plateau des
carrières de Montigny et de la cote 445.
Les 18 et 19, les bataillons se succèdent aux avant-postes,
dans
cette région, en exécutant de nombreuses
reconnaissances,
vers le point culminant du pays, vers la ferme Attiche, qui devient
l'objectif le plus important de la région, par le superbe
observatoire qu'il constitue.
Le 20 septembre au soir, le 86
e se porte à l'attaque de la
ferme
qui va devenir fameuse désormais. C'est une attaque de
nuit,
par surprise, conduite par le lieutenant-colonel Blanger auquel est
adjoint le commandant de Sigoyer, rentré à peine
guéri de sa blessure reçue à
Sarrebourg. La
progression est rapide et bientôt, la fraction de
tête (2
e
compagnie) n'est qu'à 200 mètres de l'objectif.
Mais
l'ennemi est alors mis en éveil par un de ses postes et
ouvre un
feu intense. Cette nuit, la ferme ne peut être
enlevée. Le
régiment stationne aux abords de la route de Ribecourt
à
l'Ecouvillon, où il reste jusqu'au jour.
Le 21, au matin, l'attaque est reprise. Avec un entrain remarquable, le
3
e bataillon se lance à l'assaut de la ferme qu'il occupe en
quelques instants. Mais l'ennemi dirige aussitôt un feu
d'artillerie extrêmement violent sur la position qui doit
être abandonnée mais pour quelques instants
seulement.
À midi, une nouvelle attaque est prononcée et
dans un
élan irrésistible, le 3
e bataillon se jette sur
la ferme
et ses abords. Malgré les feux d'artillerie,
malgré les
feux des mitrailleuses placées aux lisières du
bois
nord-est de la ferme ; la position est occupée solidement
par le
3
e bataillon et la 4
e compagnie.
Vers le soir, le 3
e bataillon, qui a subi de grosses pertes dans cette
attaque, doit être relevé par le 2
e bataillon.
Mais au
moment précis où ce bataillon arrive à
proximité de la ferme, l'ennemi qui a réussi
à
rassembler de grosses forces dans les bois au nord et à
l'est,
prononce une contre-attaque d'une grande violence. Alors, le 2
e
bataillon fait preuve d'un sang-froid remarquable. Les sections,
rapidement déployées, exécutent des
feux par
salves parfaitement ajustés, tandis que les mitrailleuses
entrent en action.
L'ennemi atteint les murs de la ferme ; mais nos feux d'infanterie
exécutés sur un ennemi qui se lance à
l'assaut en
une masse compacte, causent à l'assaillant de terribles
pertes.
Bientôt, la contre-attaque est brisée ; l'ennemi
se replie
dans les bois au sud d'Orval. Le 2
e bataillon a conservé la
ferme qu'il occupe solidement.
Furieux de leur échec de la veille, les Allemands
déclenchèrent le 22, à l'aube, un
terrible feu
d'artillerie qui nous causa des pertes très graves. De
nombreux
officiers sont atteints, de nombreux hommes sont tués ou
blessés. Mais, tenaces et superbes sous ce furieux
bombardement,
nos braves soldats tiennent la ferme qui reste
définitivement
entre nos mains.
Durant les jours suivants, l'ennemi ne réagit plus que par
l'artillerie, sur toute la ligne tenue solidement par le
régiment. Cette ligne s'appuie sur l'Ecouvillon, la Carmoye
et
Attiche. Nombreuses sont alors les patrouilles et les reconnaissances
exécutées par le régiment, toutes par
des
volontaires, dans la région d'Orval et du Hamel.
C'est dans cette région, sur cette ligne même le
86
e va
définitivement s'installer, dès le
début de la
guerre de positions, de cette phase de la guerre des
tranchées
qui va durer de longues semaines, de longs mois, plusieurs
années.
Le
front - Les tranchées - Le secteur
La période de la guerre qui s'ouvre à
ce moment en fin septembre 1914, sur le sol reconquis,
débute dans un état moral de grande confiance. Le
86
e est accroché à ce grand plateau au nord-ouest
de Ribecourt, entre les bois de Thiescourt et la vallée de
l'Oise. L'Ecouvillon, la Carmoye, Attiche deviennent son
domaine, son bien, son secteur.
Dès le début, hésitant à
employer largement l'outil, nos hommes creusent quelques petits
éléments de tranchées rudimentaires.
Puis, suivant l'exemple donné par l'ennemi, ils
établissent des tranchées plus profondes, plus
longues, plus continues. La pioche et la pelle prennent de plus en plus
d'importance. L'établissement des tranchées
profondes, suivi par la construction de boyaux, eut une influence
morale considérable sur nos hommes. On se rappela alors
l'usage du fil de fer et des réseaux furent
établis. D'abord on encercle les 3 points
d'appuis principaux : Attiche, la Carmoye, l'Ecouvillon.
Les relèves régulières furent alors
organisées. Deux bataillons restaient en ligne tandis que le
3
e passait quelques jours en réserve au bivouac des
Carrières (près de Montigny), puis dans le
village de Machemont.
Peu à peu, les tranchées se perfectionnent, on
n'en recouvre certaines parties, puis on se met résolument
à la construction des abris, où la
première paille fut accueillie avec un bel enthousiasme.
C'est ainsi que le régiment s'établit dans cette
partie de l'Oise où il devait rester de longs mois.
En octobre, le 2
e bataillon fut détaché dans la
région du bois des Loges à la suite des combats
sanglants et célèbres de cette région,
puis devant Beuvraigne, vers Tilloloy.
En janvier 1915, c'est le 3
e bataillon qui est
détaché à son tour, pour tenir le
secteur devant le Plemont (sud de Lassigny)) où il est
chargé d'installer un régiment territorial dans
les tranchées.
En février, le régiment quitte Attiche, la
Carmoye, l'Ecouvillon, pour un repos de quelques semaines à
Villers sur Coudun, Chevincourt, Marest sur Matz et Vaudelicour,
Chevincourt, Longueil et Melicocq.
Il reprend bientôt sa place en ligne, dans son ancien
secteur, où il demeure jusqu'en fin avril. À
cette date, il est de nouveau retiré pour un
séjour à Marest sur Matz.
Le 86
e revient de nouveau en ligne en mai et avec le 71
e
régiment territorial, il occupe tout le secteur de
l'Ecouvillon jusqu'à l'Oise. Les villages de Chevincourt,
Machemont, rappelleront longtemps au 86
e de nombreux souvenirs
généralement très doux.
Vers le milieu de juin 1915, le 86
e est remplacé dans la
région de Machemont, et il va occuper vers le nord-ouest, le
secteur de Canny sur Matz, où il reste jusqu'en novembre.
Au début d'octobre, le lieutenant-colonel Blanger, malade,
après un an de dure campagne, quitte le commandement du
régiment et est remplacé par le chef de bataillon
de Sigoyer qui, quelques jours après, est nommé
lieutenant-colonel.
Le 1
er novembre, le 86
e quitte la 1
ère ligne pour aller
séjourner loin du front, au nord-est de Saint-Just en
Chaussée, à Montigny, Ravenel et Brunvillers.
Pendant le séjour d'un mois dans cette région,
l'instruction est poussée avec activité :
pelotons d'instruction, manoeuvres.
Au début de décembre, le régiment
reprend de nouveau sa place en 1
ère ligne, dans le secteur
de Marquivillers, d'Armancourt et de l'Echelle Saint-Aurin sur l'Avre.
Le secteur est un grand plateau séparés en 2
parties, par le ravin du bois du Chariot et du bois des Vaches, qui
sont le théâtre d'une lutte incessante
à la grenade et aux mines. Le "Pigeonnier", reste dans le
souvenir comme un coin où la mort rôdait en
permanence.
Le 15 février 1916, le régiment est relevé du
secteur de Marquivillers, et doit se rendre par étape au
camp de Crèvecoeur. Il stationne à l'ouest de
Montdidier pendant quelques jours. C'est à ce moment que les
Allemands se lancent furieusement à l'attaque de Verdun. Le
régiment sera un des premiers à s'opposer
à l'avance de l'allemand, devant la citadelle.
Verdun
Le 23 février 1916, le 86
e s'embarque en chemin de fer
à Montdidier, pour une destination inconnue. En
réalité chacun connaît la
nouvelle de la formidable attaque ennemie au nord de Verdun ; et il y a
peu de doute sur le but de ce voyage.
Le 24, le régiment passe à Revigny et monte vers
le nord. Il débarque partie à la gare de
Sommeille - Nettancourt, partie à la garde de Givry en
Argonne dans l'après-midi. Il se met de suite en route pour
aller cantonner à Vieil Dampierre.
Les 25 et 26, le régiment effectue 2 étapes : la
première pour aller à Brizeaux et Grigny, la seconde
pour aller à Ippécourt. Toutes les routes sont
encombrées de nombreux convois se dirigeant sur Verdun. La
grand-route Bar-le-Duc - Verdun est parcourue par une suite
ininterrompue de lourds camions qui se hattent pour transporter :
troupes, munitions, matériel.
Enfin, le 27 février, le 86
e franchit la Meuse à
Belleray et arrive à la caserne Chevert (4 km nord est de la
ville) où il stationne jusqu'au 29 au soir.
Il se met alors en route pour aller prendre sa place dans la
barrière que nous devons opposer à l'avance
allemande. Au cours de la nuit du 29 février au 1
er mars, il
s'installe aux avant-postes sur les pentes des Hauts de Meuse, entre le
fort de Vaux et la voie ferrée et de Paris à
Metz, face à l'est. Deux bataillons (2
e et 3
e) sont en ligne ;
le 1
er est en réserve au fort de Tavannes.
Les postes avancées tiennent la route de Damloup
à Eix, et les bois du grand et du petit Feuilla. Le gros du
régiment est sur les pentes, tenant fortement la ferme
Dicourt, la ferme Bourvaux et les lisières est du bois de la
Lauffée.
La position ainsi occupée n'est pas organisée ;
à la hâte, on creuse des
éléments de tranchées, quelques
rudimentaires boyaux, on construit des abris précaires.
L'ennemi a accumulé une énorme
quantité de pièces lourdes de tous calibres : les
210, les 305, les 380 sont les projectiles ordinaires
employés dans cette infernale débauche de fer et
de feu. Des pentes des Hauts de Meuse, pendant la nuit on voit
apparaître, dans la grande plaine nue de la Woëvre
qui s'étend loin vers l'est, des petits disques
rougeâtres qui disparaissent au bout de quelques fractions de
secondes. Ce sont les monstrueuses gueules d'acier des canons allemands.
Un ouragan de fer déverse sans arrêt la
destruction et la mort sur nos positions et les voies de communication.
Les ravins sont pleins de gaz toxiques. Les hommes restent cependant en
place, impassibles, tenaces. Le ravitaillement est excessivement
difficile, impossible pendant certains jours. On ne dira jamais assez
l'héroïsme tranquille des ravitailleurs, des
volontaires pour "la corvée de soupe".
Les communications téléphoniques sont absolument
impossibles. Les coureurs constituent le seul moyen de liaison. Les
actes de dévouement des coureurs de Verdun restent
légendaires.
Le 5 mars, le 3
e bataillon est relevé en 1
ère
ligne par le 1
er et passe en réserve.
Le bombardement ennemi va, s'accentuant chaque jour pour arriver
à un maximum de violence du 7 au 10 mars.
Le 7, les bois du grand et du petit Feuilla sont occupés
respectivement par les 4
e et 8
e compagnies du 86
e. Ils constituent une
avancée sérieuse dans la Woëvre et
gênent l'ennemi qui veut s'en emparer. L'attaque est
préparée par un bombardement furieux par aux buts
de 150 et 210. Puis un bataillon se jette à l'attaque du
grand Feuilla. Il arrive assez vite aux lisières et la lutte
d'infanterie s'engage alors au corps à corps à la
baïonnette. Durant toute la nuit, la 4
e compagnie sous les
ordres du capitaine Pantalacci, tient tête à
l'assaillant, exécute des contre-attaques nombreuses
à l'arme blanche pour arriver à le
chasser du bois.
Le matin du 8 mars, l'ennemi a cependant, encore quelques
éléments à l'intérieur et
la lutte continue. Mais le capitaine Pantalacci est blessé.
La compagnie a subi de lourdes pertes tandis que l'ennemi
possède une grande supériorité
numérique. Il faut abandonner le grand Feuilla.
Dès lors, la résistance du petit Feuilla devient
impossible. Nos éléments se retirent à
l'ouest de la route Eix - Damloup.
Dès le 8 mars, l'ennemi prépare un effort
formidable pour enlever le fort de Vaux, objectif principal de cette
partie du champ de bataille, tenu par le 408
e RI (303
e brigade). Le
village de Damloup, occupé par des
éléments de ce même régiment
est soumis depuis le 7 à un feu extrêmement
violent d'obus de gros calibre. Les pertes de la garnison augmentant
sans cesse, ne lui permettent bientôt plus de tenir le
village. C'est alors que le 8 au soir, la 3
e compagnie du 86
e
commandée par le capitaine Guiguet, reçoit
l'ordre de renforcer les troupes décimées qui
occupent Damloup.
Malgré les tirs de barrage violent qu'il faut franchir, la
compagnie se porte résolument sur le village. Le capitaine
Guiguet est en tête et donne un bel exemple de sang-froid et
d'énergie. Il arrive à Damloup où ils
trouvent des éléments
exténués et désorganisés.
Au prix de mille difficultés, il parvient à faire
une reconnaissance rapide et organise la défense sous un feu
dont la violence extrême ne faiblit pas.
Le lendemain matin 9 mars, l'ennemi se jette à l'assaut du
fort de Vaux dans un élan furieux. En même temps,
il essaie à plusieurs reprises de se porter à
l'attaque de Damloup. Mais, grâce à
l'énergie des chefs et au sang-froid des hommes qui
exécutent des feux ajustés, l'ennemi reflue dans
sa tranchée de départ. Pendant 3 jours, la
compagnie Guiguet assura ainsi la défense de Damloup sous un
terrible bombardement et ne quitta le village qu'après avoir
été relevée. Pour cette belle
défense, la 3
e compagnie fut citée à
l'ordre de la division et son chef, le capitaine Guiguet, fut
cité à l'ordre du corps d'armée.
Mais le 9 mars, l'ennemi a réussi à atteindre les
pentes du fort de Vaux qui est sérieusement
menacé. C'est alors que la nouvelle de la prise du fort est
radiotélégraphiée par les Allemands
qui n'en sont pas un mensonge près. Deux bataillons de la
49
e brigade sont alors jetés vers le fort pour en
assurer la défense. Le 3
e bataillon du 86
e part sans
hésiter, traverse de violents tirs de barrage et arrive au
fort où il contribue largement à la
défense à l'ouest et au bois Fumin. Les furieux
efforts de l'ennemi pour enlever le fort de Vaux restent vains.
Le 12 au soir, le régiment a subi de très lourdes
pertes, il est épuisé par la lutte qu'il vient de
soutenir avec une ténacité
héroïque. Il est relevé. Deux bataillons
se rendent sous le tunnel de Tavannes, le 3
e stationne au fort du
même nom.
Le 14 mars, les 2 bataillons du tunnel vont à la caserne
Bevaux. Ils sont enlevés le 15 en camions automobiles. Le 3
e
bataillon n'est enlevé qu'un jour après.
Le régiment est transporté dans la
vallée de la Saulx, à 12 km au sud-ouest de Ligny
en Barrois (Menil sur Souche, Fouchers, Nant le Petit, Maulan), puis au
bout de quelques jours à quelques kilomètres
à l'est de Saint-Dizier (Ancerville, Chancenay).
Le souvenir de ce séjour à Verdun en mars 1916,
restera comme celui d'un des plus violents bombardements que le
régiment ait eu à subir durant la campagne, comme
le souvenir d'une vie infernale, terrible et fantastique.
Les
secteurs de Moulin sous Touvent et du bois Saint-Mard
Après quelques jours de repos dans la région de
Saint-Dizier, le régiment est embarqué
en chemin de fer pour être transporté
dans la vallée de l'Automne, au sud de la forêt de
Compiègne (Bethisy Saint-Martin, Orrouy, Bethancourt). C'est
la belle saison, dans une zone très agréable : le
régiment jouit là d'une réelle
détente.
Vers le 25 avril, il s'achemine vers l'Aisne et entre en secteur devant
Moulin sous Touvent. Deux bataillons sont en 1
ère ligne, le
3
e est en réserve à Attichy. Le secteur
occupé est un grand plateau dénudé
limité à l'est et à l'ouest par des
ravins ; le ravin de Bitry et celui de la Faloise. Le secteur est bien
aménagé. Les communications sont faciles. Mais la
lutte avec les engins de tranchées y est continue,
très violente en certains points. Le "Poulailler", un de nos
postes avancées rappelle le "Pigeonnier" du bois du Chariot.
Il est le but visé par de nombreuses torpilles et grenades.
C'est le coin le plus dangereux du secteur. C'est là que se
distingue le soldat Sezzano qui, par un feu remarquablement
ajusté, exécuté en pleine nuit, avec
un beau sang-froid, tue 2 sous-officiers allemands qui conduisaient un
fort coup de main préparé par un violent tir de
torpilles, et fait ainsi échoué la tentative
ennemie. Ce n'est pas sans regret que, à la fin de juin, le
régiment doit quitter ce secteur, avec Attichy, sur les
bords de l'Aisne.
Au début de juillet, le 86
e est de nouveau appelé
en secteur. Il entre en ligne avec des territoriaux dans la
région du bois de Saint-Mard, de Quennevières
à Tracy le Val. Ce nouveau secteur est couvert. Les postes
sont très rapprochées de ceux de l'ennemi ; les
coups de main sont faciles ; la lutte à la grenade est
incessante ; la lutte à la torpille est violente. Puisaleine
et Tracy le Val sont les points habituels où cette lutte est
particulièrement vive. A Tracy le Val, l'ennemi tente
plusieurs coups de main préparés par de violents
bombardements qui bouleversent nos tranchées,
défoncent nos abris, et nous causent chaque fois des pertes
douloureuses. Mais chacune de ces tentatives correspond à un
échec.
De notre côté, nos patrouilles
exécutent des coups de main audacieux dans la
région du bois Saint-Mard.
Vers le milieu du mois d'août, le régiment est
relevé et se rend dans la région de Betz (15 km
à l'est de Nanteuil le Haudouin).
La bataille de la Somme est engagée depuis plusieurs
semaines. Le 86
e se prépare à y prendre une part
glorieuse.
La
bataille de la Somme
I.
La journée de Vermandovillers
Le 86
e s'embarque en chemin de fer le 24 août. Ce
départ attendu ne diffère pas des autres. Des
soldats qui partent pour une destination inconnue savent qu'ils vont
toujours vers un inconnu hostile, qu'il y ait bataille en perspective
ou non. Le régiment arrive le lendemain à
Crèvecoeur le Grand où il débarque. Il
cantonne à Auchy la Montagne, Rotangy et Francastel, tout
près du camp d'instruction de Crèvecoeur
où il devait se rendre en février. C'est
l'acheminement vers le champ de bataille.
Le lieutenant-colonel de Sigoyer, fatigué par 2 ans de
pénible campagne au cours de laquelle il s'est
dépensé sans compter, est
évacué. Le lieutenant-colonel des Garniers le
remplace à la tête du régiment.
Après quelques jours d'instruction, le 86
e traverse le camp
et va cantonner plus à l'est, à Quiry le Sec et
Coullemerle. Il fait partie de la 10
e armée, sous les ordres
du général Micheler, qui mène la
bataille au sud de la Somme.
Le 7 septembre, le régiment est alerté,
enlevé dans l'après-midi, en camions automobiles.
Après un voyage rapide, il est
débarqué à proximité de la
zone de la bataille à la sortie sud
d'Harbonnières, vers 22 heures. C'est la nuit dans une
région inconnue. Et cependant, il faut marcher de suite.
Deux bataillons vont alors passer la nuit à Vauvillers et
à Frameville. Un bataillon se rend directement en
réserve à proximité des
premières lignes, au bois Etoilé, à 1
km de Vermandovillers où viennent de se dérouler des combats
acharnés depuis le 5 septembre. Le régiment doit
relever le 8 au soir des éléments
épuisés qui viennent de soutenir une lutte
sanglante de plusieurs jours. C'est ainsi que le 86
e entre en ligne au
nord-ouest de Vermandovillers avec 2 bataillons en 1
ère
ligne et 1 en réserve.
Le terrain récemment conquis, est complètement
bouleversé. Le bois Etoilé ne présente
plus qu'une série de troncs sectionnés. Les
boyaux et les tranchées sont à moitié
remplis d'une boue liquide, la terrible boue de la Somme. Et, presque
sans interruption, un violent duel d'artillerie remplit l'air de sons
monstrueux, de trajectoires mortelles. Le village ne
présente plus que quelques amas de décombres
disséminés sur le terrain incessamment
défoncé par les obus.
Vermandovillers a été attaqué le 5
septembre ; mais énergiquement défendu, il est
resté presque entièrement aux mains de l'ennemi.
L'attaque de ce village peut être reprise par les vaillantes
troupes de la 49
e brigade.
À partir du 9 septembre, le 86
e se met au travail avec
ardeur pour préparer les parallèles
d'où il s'élancera au jour et à
l'heure fixés.
Le travail s'effectue dans des conditions très difficiles,
sous des feux d'artillerie et d'infanterie violents. Les pertes
augmentent de jour en jour ; le travail continue. Durant les 3 jours
qui précèdent l'attaque, notre artillerie donne
avec toute sa puissance. Les derniers vestiges de Vermandovillers
disparaissent dans une poussière blanchâtre,
projetés bien haut par nos énormes obus de 240,
340 et 370. Ceux qui ont assisté à cette
préparation d'artillerie se souviennent du "travail" fait
sur la tranchée du Chien fortement organisée par
l'ennemi.
Nous avions tiennent l'air sans arrêt. Les appareils ennemis
restent loin à l'intérieur de leur
secteur et dès qu'ils semblent s'approcher, ils sont
immédiatement pris à partie par les
nôtres qui leur interdisent nos lignes.
Les Allemands ne réagissent qu'assez faiblement par leur
artillerie durant les journées des 15 et 16 septembre. Enfin
le jour et l'heure de l'attaque, tenus secrets jusqu'alors, le jour et
l'heure H, sont fixés. C'est le 17 septembre que le 86
e va
s'élancer à l'assaut de Vermandovillers.
L'attaque principale du régiment sera menée par
le 1
er bataillon, sous les ordres du commandant Peyre,
encadrés, à droite et à gauche par des
fractions du 2
e bataillon. Le 3
e bataillon doit assurer à la
grenade, le nettoyage d'importants abris établis dans
l'ancien groupe de maisons de la partie nord du village.
Mais dès le 17 au matin, l'artillerie ennemie augmente
considérablement son activité. De nombreuses
mitrailleuses allemandes que notre artillerie n'a pu atteindre, restent
intactes et actives, particulièrement dans la
région du bois du Cerisier et nous causent des pertes
déjà sérieuses. L'ennemi
connaît nos projets : il nous attend.
Chacun sent cette situation et les chefs se demandent avec une grande
anxiété s'il ne se produira aucune
hésitation au départ.
Il est 15 heures : c'est le moment de l'attaque.
Dans un seul et superbe élan, tous nos hommes jaillissent de
la parallèle de départ,
entraîné par le commandant Peyre, le capitaine
adjudant-major Caillet et tous les cadres.
Aussitôt l'artillerie et surtout les mitrailleuses adverses
redoublent la violence leur feu.
Le commandant Peyre est tué, le capitaine Guiguet, le
lieutenant Gros, le lieutenant Amilcar sont tués ; beaucoup
d'autres tombent, mortellement atteints. Les premières
vagues d'assaut s'arrêtent, se terrent. Il n'y a presque plus
d'officiers. Alors le capitaine Caillet se jette en avant en criant
En
avant ! les enfants, c'est pour la France !
et il tombe à quelques mètres de là,
mortellement atteint. La 3
e compagnie, dont le chef, le capitaine
Guiguet, est tombé au début de l'action est
commandée par le sous-lieutenant Boudon. À son
tour, ce jeune officier est blessé ; on veut le panser. Il
refuse :
Ce n'est rien
dit-il et il continue
à entraîner sa compagnie avec laquelle il
pénètre dans la tranchée ennemie. Il
est alors blessé à nouveau, très
grièvement cette fois. Il refuse encore de se laisser
panser, et, montrant l'objectif à atteindre :
Ne
vous occupez
pas de moi, allez jusqu'à ce boyau
dit-il, et il
meurt, en pleine action, héroïquement, sur le
terrain conquis.
Devant ces exemples magnifiques, malgré ses pertes
énormes, ayant perdu la presque totalité de ses
officiers, dont 5 ont été tués, et les
2 tiers de son effectif, le 1
er bataillon continue
à se porter en avant. Pendant que ce combat sanglant se
déroulait, les fractions du 2
e bataillon se sont
portées en avant. Au Nord, le groupe commandé par
le capitaine Sayn, est soumis à des feux des mitrailleuses
d'une extrême violence, et ne progressent que difficilement ;
son chef tombe héroïquement à la
tête de sa troupe. Au sud le boyau du Cerisier, puis le bois
Kalner, sont atteints assez rapidement.
Dès le début de l'action, des
éléments du 3
e bataillon se sont
élancés sur leurs objectifs, sur les abris dont
ils doivent assurer le nettoyage. Dans cette opération
menée à la grenade, nos hommes montrent un
entrain et un courage endiablés et assure avec promptitude
l'exécution de leur mission.
Durant cette journée de combat sanglant, le
régiment a fait plusieurs centaines de prisonniers,
enlevé plusieurs canons de tranchées et
capturé un grand nombre de mitrailleuses. Les abris et les
tranchées ennemis sont pleins de cadavres.
Le village de Vermandovillers est occupé
entièrement. Mais ce beau succès a
été chèrement acquis. Le 1
er bataillon
est cité à l'ordre de l'armée.
Le 1er bataillon du 86e sous la vigoureuse impulsion du
commandant
Peyre, s'est porté à l'attaque des
tranchées allemandes fortement occupées et
défendues par des mitrailleuses. À enlever 3
lignes de tranchées successives et à conserver le
terrain conquis, malgré la disparition de la presque
totalité de ses officiers.
Durant les jours suivants, le régiment travaille avec ardeur
pour organiser le terrain arraché à l'ennemi et
interdire toute contre-attaque de celui-ci. L'ennemi bombarde avec une
grande violence nos positions. Nos pertes augmentent sans cesse. C'est
à ce moment que le capitaine Groscolas trouve une mort
glorieuse. Les énormes vides causés dans les
rangs du 86
e sont partiellement comblés par un renfort qui
vient du dépôt divisionnaire.
Mais la bataille n'est pas finie. Il faut songer aux combats prochains
et les préparer. La pluie presque continue, augmente les
difficultés. Le terrain n'est qu'un immense lac de boue
où la circulation est extrêmement
pénible. Mais les hommes ne connaissent la fatigue que
lorsqu'ils sont vraiment exténués. Ils se mettent
bravement à l'ouvrage. Malheureusement, la pluie persistante
retarde sans cesse l'attaque prochaine qui doit mener le
régiment jusqu'aux lisières d'Ablaincourt.
Les bataillons passent successivement en réserve dans la
région d'Herleville, tandis que les 2 autres tiennent et
organisent le prochain secteur de l'attaque aux lisières est
du bois Kaluer.
II.
Vers Ablaincourt
La nouvelle attaque est préparée activement, et,
dès le 7 octobre, le beau temps est revenu ; l'action de
l'artillerie peut se faire sous le contrôle des avions.
Le 3
e bataillon qui doit mener l'attaque est en ligne depuis de
nombreux jours. Mais avec la boue, le froid et un travail
pénible, il est complètement
épuisé
dès le 8 octobre et il doit être
remplacé en
1
ère ligne par le 1
er bataillon. Cette fois encore, cette
unité mènera le prochain combat, en
1
ère ligne,
sous les ordres du commandant Foisset.
Le 9 octobre, le 86
e est prêt à attaquer. - Le
jour J est fixé au lendemain 10 octobre.
Dès le 10 à 5 heures, chacun est en place.
À 11
heures le 1
er bataillon se lance de nouveau à l'attaque vers
l'est, vers Ablaincourt.
L'ennemi réagit très violemment par son
artillerie ; mais
le bataillon de tête est parti si vite que le barrage tombe
en
arrière et gène seulement le mouvement des
réserves. La
lutte est néanmoins très
sévère ; la
progression est un peu ralentie vers la droite, dans le fameux boyaux
du "Serpentin". Plusieurs officiers sont tués (lieutenant
Aurière, lieutenant Vacher, lieutenant Bohaud, lieutenant
Clauzet), d'autres tombent blessés. Plus de 250 hommes sont
atteints : morts ou blessés.
Les objectifs fixés sont successivement atteints ; la
tranchée des Sarments est enlevée vivement, les
tranchées du Sifflet et de la Sirène sont assez
vite
occupées ; elles sont pleines de cadavres ennemis. Les
nettoyeurs de tranchées ont fait encore là une
terrible
besogne.
Dans leur élan, les compagnies de tête
dépassent nettement les objectifs assignés.
Durant cette progression, le régiment fait de nombreux
prisonniers, appartenant à 3 régiments
différents, parmi lesquels plusieurs officiers et un nombre
considérable de sous-officiers. Plusieurs canons de
tranchées, un grand nombre de mitrailleuses sont recueillis.
Dès le lendemain, on se remet à l'oeuvre pour
conserver le terrain. L'ennemi nous bombarde toujours avec vigueur et
nous cause sans cesse des pertes assez lourdes. Le sous-lieutenant
Voyer, connu par son courage calme, tombe mortellement atteint.
Pendant les jours qui suivent, diverses opérations de
détail sont exécutées, près
du boyau Serpentin, pour rectifier le front afin de faciliter la
préparation de la nouvelle base de départ pour la
prochaine attaque. Car la bataille va continuer. - Voilà
plus d'un mois que la 86
e lutte contre l'ennemi et aussi contre les
éléments : contre la pluie, contre le froid,
contre la terrible boue. Ses sacrifices ont été
lourds. Mais il va encore faire de magnifiques efforts pour
préparer un nouvel assaut qui nous rendra maître
de 2 villages : Ablaincourt et Pressoire, en entier.
Après chaque combat, la pelle et la pioche se haussent au
rang du fusil et le 86
e s'accroche au terrain, creusant de nouvelles
communications, de nouvelles tranchées qui abriteront
prochainement les compagnies d'assaut.
La boue devient de plus en plus un ennemi terrible ; les hommes en ont
jusqu'aux genoux.
Dès le 20 octobre, le plan d'engagement du
régiment est définitivement établi. On
n'attend plus que le soleil veuille se mettre de la partie pour se
jeter de nouveau au combat. - Malheureusement, le mauvais temps
continue, nos avions ne peuvent sortir. L'attaque est remise de jour en
jour.
Mais voilà bientôt 45 jours que le
régiment est dans la bataille. Aux pertes terribles qu'il a
subies par le feu de l'ennemi, il faut ajouter l'épuisement
considérable des hommes qui, malgré leurs
extraordinaires qualités de résistance de
ténacité, sont pris par la fièvre, la
maladie, et sont obligés de quitter leur place de combat.
Les unités sont maintenant à un effectif
très faible. Les hommes qui restent sont
profondément exténués.
Alors le régiment est relevé, il n'aura pas la
gloire d'enlever Ablaincourt ou Pressoire. Meurtri,
épuisé, mais glorieux, le 86
e est
remplacé par un régiment frais.
Il laisse là, dans ce coin de terre du Vermandois, de
nombreux camarades dont 15 officiers, tués glorieusement.
Le 25 octobre, les dernières fractions du
régiment s'embarquent en camions automobiles à
Harbonnières. Le 86
e est ainsi transporté dans la
région ouest de Saint-Just en Chaussée (Nourard
le Franc, Catillon, Fumechon, Mesnil sur Bulles).
Après
la Somme
Neufchâteau
- Le secteur de l'Oise
Le régiment stationne dans la région de
Saint-Just en Chaussée pendant plusieurs semaines. Il jouit
là d'une détente réelle
après le long séjour qu'il vient de faire dans la
boue de la Somme.
Il est embarqué en chemin de fer en fin novembre pour
être transporté dans la région au sud
de Neufchâteau, à cheval sur la Meuse
(Harréville les Chanteurs et Dompierre). C'est là
que la division est organisée à 3
régiments. La 49
e brigade disparaît. Les 3
régiments d'infanterie constituent l'infanterie
divisionnaire de la 120
e division sous les ordres du colonel Ecochard.
L'instruction est alors poussée avec activité
dans le camp de Neufchâteau pendant tout le mois de
décembre.
Le 31 décembre, le 86
e s'embarque en chemin de fer, toujours
pour une destination inconnue. Mais déjà des
bruits circulent, suivant lesquels il reverra très
prochainement la région familière de l'Oise.
Dans la nuit du 31 décembre 1916 au 1
er janvier 1917, le
régiment arrive et débarque à
Estrée Saint-Denis, - et va stationner à
Granfresnoy et Blincourt. Mais le séjour y est
très bref. À partir du 3 janvier les bataillons
sont successivement enlevés en camions automobiles et
transportés dans une zone bien connue où il
débarque : Machemont. Les anciens du régiment
sont heureux de retrouver des paysages presque familiers, des amis, des
souvenirs nombreux.
Dès le 5 au soir, le 86
e retrouve son ancien secteur, en
1
ère ligne : Attiche, les bois du Hammel, le poste
François, les carrières de Montigny.
Le séjour est cependant très bref, et du 24 au 25
janvier, le régiment est remplacé pour se rendre,
à la fin du mois, dans le secteur de Canny sur Matz qui, lui
aussi, est bien connu des anciens.
C'est alors l'époque où l'on prépare
la prochaine grande offensive de printemps. Il fait très
froid ; le mois de février le fut
particulièrement. Mais les braves soldats du 86
e se mettent
résolument à l'ouvrage et creusent dans un sol
gelé et inondé, les parallèles
d'où ils devront se lancer en avant quand le signal en sera
donné.
C'est à ce moment que le lieutenant-colonel des Garniers
quitte le commandement du régiment, et est
remplacé par le lieutenant-colonel Sautel.
Le secteur est calme. Néanmoins certaines luttes
d'artillerie sont assez violentes : la cote 91 avec le poste Bonin,
Canny sont fréquemment bombardés.
À partir du début de mars, le secteur devient
plus agité ; l'artillerie ennemie est plus active. Mais
notre artillerie entre bientôt en oeuvre : les 240 commencent
la préparation d'attaque sur le bois Verlot et sur le fameux
ouvrage du "Concombre".
Mais l'ennemi connaît la situation et sait l'imminence du
danger qui le menace. Ne laissant devant nous qu'un rideau,
il retire ses troupes vers le nord, derrière la
fameuse ligne Hindenbourg, vers S
t-Quentin.
De notre côté, de nombreuses patrouilles, des
reconnaissances audacieuses sont poussées chaque nuit vers
les lignes ennemies. Bien qu'accueillies par des feux d'infanterie,
elles rentrent avec l'impression que la ligne adverse est pas
occupée, - impression vite confirmée. Le
régiment va se jeter à la poursuite de l'ennemi
qui se replie.
La
poursuite de mars 1917
Le 14 mars au soir, une compagnie du régiment voisin (408
e)
a pénétré dans les lignes ennemies
à l'ouest du bois de Verlot. La position n'est pas
occupée. Plus de doute, l'ennemi se replie. L'ordre est
alors donné de se jeter en avant et de conserver le contact
avec les arrière-garde ennemies. Une compagnie est
poussée dans le bois Verlot ; puis c'est un bataillon et
enfin tout le régiment qui franchit le "no man's land" et va
talonner les Allemands.
Notre avance ne se poursuit cependant pas sans rencontrer certaines
résistances. Devant la Taulette, des mitrailleurs
résolus causent des pertes sérieuses au 3
e
bataillon, tandis que l'artillerie ennemie agit vigoureusement.
Mais, dès le 17 mars au matin, l'avance est reprise ; les
derniers éléments ennemis sont
pressés, bousculés, chassés et se
retirent certainement beaucoup plus vite qu'ils le
désiraient. Le 17 au soir, la tête du
régiment est à hauteur de la grand-route de Noyon
à Roye.
Le 18 au matin, des reconnaissances sont poussées sur le
fossé profond, de franchissement difficile, que forme la
Mève avec le canal du Nord. L'ennemi occupe encore les
hauteurs de Chevilly, mais il se retire vivement devant l'avance de nos
reconnaissances qui se portent résolument en avant.
Le 18 au soir, tout le régiment a franchi le canal du Nord,
au prix de difficultés énormes. Les routes sont
défoncées, les carrefours
minés ont sautés, pas un pont ne
subsiste sur le canal ou sur la Mève. Mais nous progressons
quand même dans cette zone que les Allemands ont
occupée sans interruption depuis 1914.
Durant toute la nuit du 18 aux 19 mars, nuit profonde, le
régiment continue son mouvement en avant, traversant
successivement les villages de Chevilly, Muirancourt, Rimbercourt. Le
terrain est coupé, très couvert. Les surprises
seraient faciles. Mais rien n'arrête le 86
e qui atteint dans
la nuit, la grand-route de Ham à Noyon, au sud de Guiscard.
Pendant toute cette avance rapide, d'énormes
difficultés ont été
rencontrées et surmontées. Le ravitaillement
n'est pas arrivé car les cuisines roulantes se sont
heurtées à d'énormes trous
creusées, à chaque carrefour, par l'explosion de
mines ennemies. La fatigue physique est grande. Le régiment
est alors mis en réserve.
Il se rassemble dans la région de Candor, puis vers Roye sur
Matz et La Berlière, à quelques
kilomètres à l'ouest de Lassigny.
Le souvenir, les impressions des populations qui viennent
d'être récemment libérées
ont été bien souvent
évoqués. Les témoignages oraux
recueillis, joint à ce que l'on a pu voir pendant cette
avance vers Guiscard, ont montré que l'ennemi a poursuivi
dans nos provinces occupées une oeuvre abominable de
destruction matérielle. Nos braves soldats du 86
e
cultivateurs en majorité, lents à
émouvoir pourtant, ont frémit d'indignation
devant la dévastation systématique et inutile de
la végétation dans cette malheureuse
région.
Devant
Saint-Quentin
Pendant que le régiment séjourne à
Lassigny, l'ennemi est talonné sans répit
jusqu'à ce qu'il est gagné son repaire, la ligne
Hindenbourg.
À partir du 1
er avril, le régiment se rend
à quelques kilomètres de Ham, Esmery-Hallon,
Buverchy, faubourg sud de Ham où il stationne en
réserve d'armée. Le 13 avril, les troupes
françaises attaquent Saint-Quentin, à cheval sur
la Somme. Le 86
e est alors rapproché de la bataille au nord
de Ham. Mais l'attaque n'aboutit pas au succès
escompté ; les troupes qui y ont été
engagées ont subi des pertes sanglantes et doivent
être relevées.
Dans la nuit du 16 au 17 avril, le 86
e entre en ligne au sud de la
ville, devant Gauchy et Grugies, sur la rive gauche de la Somme. Le
terrain est complètement dénudé. Pas
d'organisation, pas de tranchées, pas de boyaux, pas
d'abris. Seuls, quelques chemins creux offrent un abri passager,
mais dangereux, car l'ennemi les a repérés et les
bombarde de façon systématique. Castres et
Contescourt, sont battus violemment et fréquemment ; le
régiment subit ainsi de nombreuses pertes.
Pour rester là, il faut donc se mettre au travail. Le 86
e se
met à l'oeuvre. Malgré un bombardement
très violent, malgré des feux de mitrailleuses
intenses, malgré de grosses pertes subies, le terrain est
organisé. En quelques jours, grâce à la
volonté et à la ténacité
réputées du régiment, des
tranchées sont construites, des boyaux permettent les
communications, des abris assurent une sécurité
relative dans cette zone bombardée sans trêve. Et
c'est ainsi que le secteur de Giffecourt est organisé, et
créé en quelques semaines et que, lorsque le
régiment est relevé vers le 9 mai, il laisse aux
troupes qui le remplacent une solide position.
Relevé le 9 mai dans ce secteur, le 86
e passe en
réserve à Villers S
t Christophe et
Fluquières, puis le 25 mai, il se rend au sud est de
Guiscard à Quesmy, Haucourt et Buchoire. Cette
région est superbe en ce moment. L'ennemi semble l'avoir
épargnée. Au bout de 5 jours, nouveau
déplacement, le régiment stationne à
Bussy, Crisolles et Genvry, au nord de Noyon, pendant une dizaine de
jours.
Vers le 6 juin, le 86
e entre de nouveau en secteur, au nord de S
t
Quentin, en liaison avec les troupes anglaises, entre Pontruet et
Gricourt. C'est un secteur dénudé, où
de grandes coupes à pentes légères se
succèdent uniformément. Seule
l'étroite vallée de l'Omignon, forme dans cette
région une coupure agréablement
ombragée, où l'on aime se promener aux heures de
désoeuvrement, quand on est en réserve. Ce
secteur est d'ailleurs très calme, sauf à
Pontruet qui est bombardé fréquemment. C'est
cependant une région à patrouilles et
à coups de mains.
A la fin du mois de juin, le 86
e quitte le secteur et se rend
dans la région de Nesles, d'où il se sera
embarqué en chemin de fer pour être
transporté dans la Meuse, à 10 km au nord de
Bar-le-Duc (Louppy le Petit et Genicourt).
La
cote 304
Le 1
er juillet le régiment fait partie de la 2
e
armée, l'armée de Verdun, où il est en
réserve. Il stationne à Louppy le Petit et
Genicourt, jusqu'au 23 juillet. À cette date il se
porte pas étapes vers le nord pour gagner la
région de Jubecourt et des bois de Bethelainville,
à quelques kilomètres au sud de la fameuse cote
304.
On sait qu'une grande attaque est préparée afin
de rejeter l'ennemi vers le nord. La cote 304 est l'objectif
assigné à la division ; le 86
e doit y contribuer
pour une belle part.
Durant les dernières nuits de juillet, les bataillons
s'avancent vers la zone de bataille. Des éléments
des 2
e et 3
e bataillons occupent des emplacements au sud de la
côte 304, sur le plateau Favry, à
proximité de la route d'Esnes à Avocourt.
Le secteur est excessivement agité. L'aviation ennemie
montre une grande activité tandis que l'artillerie lourde
ennemie bat, sans interruption, les communications, les boyaux
d'accès vers la 1
ère ligne. Notre artillerie
riposte énergiquement.
À partir du 28 juillet au soir, on a l'impression que
l'ennemi prépare une attaque en vue de s'emparer de la
totalité de la position, but visé depuis de
longues semaines, de longs mois.
Le lieutenant-colonel commandant le régiment exerce le
commandement de ce secteur. Il a sous ses ordres 2 bataillons d'un
autre régiment en 1
ère ligne, ainsi que tout le
86
e maintenu en soutien ou en réserve.
Le temps est pluvieux. Aux dégâts
énormes que nous cause le bombardement ennemi, il faut
ajouter les éboulements qui se produisent incessamment sous
l'action d'une pluie persistante, dans un terrain
complètement bouleversé.
Le 31 juillet, dans l'après-midi, il n'y a plus de doute sur
les projets de l'ennemi et l'imminence de son attaque. Les
tranchées, les boyaux sont bombardés violemment
par obus de gros calibre, tandis que des tirs de barrage intenses sont
exécutés plus en arrière, à
l'aide de nombreux obus à gaz toxiques. C'est ce
jour-là que, pour la 1
ère fois, le
régiment est soumis à des bombardements par
ypérite.
L'attaque attendue est déclenchée le 1
er
août au matin. Le tir ennemi s'est intensifié de 1
heure à 3 heures, tandis que des minens de gros calibre
détruisent complètement nos tranchées
de 1
ère ligne.
Vers 4 heures, les Allemands se sont rués à
l'assaut. Les 2 bataillons du 328
e qui tiennent les premières
lignes opposent une défense opiniâtre ; mais ils
sont partiellement culbutés, et rejeté de la
ligne avancée. Les éléments du 86
e se
portent alors en avant et interviennent résolument dans le
combat.
Vers la droite, c'est une fraction de la 9
e compagnie qui
exécute une contre-attaque vigoureuse à la
grenade, arrête l'ennemi, le rejette d'un
élément de tranchée qu'il venait
d'occuper et organise définitivement la position.
À gauche, c'est le capitaine Gomot, commandant la 5
e compagnie
qui,
croyant saisir un flottement dans la ligne ennemie, sous
l'action
de l'artillerie, s'est résolument porté en avant,
entraînant derrière lui les fractions voisines, et
qui est tombé glorieusement à
proximité de la tranchée allemande dans laquelle
il allait sauter après avoir déchargé
son revolver.
Vers le soir, l'ennemi est nettement et définitivement
fixé. Son succès a été et
très
restreint et ne correspond pas aux moyens mis en oeuvre et aux pertes
qu'il a subies.
Le 2 août au matin, les 2
e et 3
e bataillons du 86
e sont en
1
ère ligne, prêts au départ pour une
contre-attaque
destinée à reprendre le terrain perdu la veille.
Notre artillerie de tout calibre donne avec fureur et à 6 h
30, nos soldats se lancent bravement à l'attaque.
Vers la droite, nos compagnies arrivent rapidement à
proximité de la 1
ère tranchée ennemie
très
fortement occupée. Des corps à corps
féroces
s'engagent. Le soldat Radiguet de la 11
e compagnie fait preuve d'une
superbe bravoure et tombe mortellement atteint par une balle en plein
front.
Le sous-lieutenant Marinier, d'un calme et d'une bravoure
extraordinaires, enlève sa section magnifiquement et tombe
en
pleine action.
Le sous-lieutenant Creissels est tué glorieusement au cours
du
combat, en donnant un superbe exemple de résolution et de
mépris du danger.
Mais les tranchées attaquées sont très
fortement
tenues et défendues par l'ennemi. La contre-attaque
prononcée ne donne pas les résultats que l'on
pouvait
attendre de tant d'efforts et de sacrifices. Néanmoins
l'ennemi
est définitivement fixé.
Après cette journée de terrible lutte, le
régiment se met au travail pour organiser la position.
L'artillerie ennemie continue à nous bombarder, le plus
souvent
avec une grande violence. Nos ravitaillements sont
extrêmement
pénibles et difficiles. Le "Ravin de la Mort", laisse un
souvenir horrible d'enfer et de mort, que les plus résolus
et
les plus courageux hésitent à traverser. En
1
ère
ligne, la lutte à la grenade est incessante ; chaque jour
voit
s'allonger la liste de nos pertes.
Il pleut quotidiennement. Les trous d'obus sont à
moitié
pleins d'eau. Les boyaux sont aux 3 quarts pleins de boue.
Le 1
er bataillon est monté en ligne dès le 7
août au soir.
Les hommes vivent dans cet enfer de feu et de boue. Ils y travaillaient
et s'y battent. Leurs pieds excoriés leur causent de
cuisantes
et perpétuelles douleurs.
Et, malgré le manque de nourriture (puisque les aliments ne
peuvent parvenir que rarement), malgré la lutte constante,
malgré la boue, malgré tout, les braves soldats
du 86
e
tiennent ; ils arrêtent l'ennemi pendant 20 jours et
réorganisent le secteur bouleversé.
Le régiment devait attaquer. L'ennemi a devancé
nos
projets ; le 86
e l'a arrêté. Mais en raison des
lourdes
pertes qu'il a subies, en raison de son épuisement profond,
il
doit quitter ce champ de bataille pour le laisser d'autres troupes qui
s'élanceront à l'assaut de 304. Après
avoir tenu
la position et préparé l'attaque jusqu'au dernier
moment,
il est retiré et placé en réserve.
Sa tâche n'est pas finie pourtant. Pendant l'attaque du 20 au
24
août, les hommes du régiment vont tirer le canon
pour
remplacer les artilleurs intoxiqués, ils vont pousser en
avant matériaux et munitions et aider à
consolider
les positions conquises.
La gloire escomptée pour enlever 304 ne revient pas au 86
e.
Il a
eu la mission de l'anonyme et pénible sacrifice. Mais nos
bons
troupiers, fidèles à la plus pure tradition
d'héroïsme firent sans compter leur obscure et
coûteuse besogne pour assurer le succès commun.
Le
secteur de St Mihiel
Enlevé en camions automobiles à partir du 25
août,
le 86
e est transporté dans la région de Salmagne
et Gery,
à 10 km au nord de Ligny en Barois.
Mais le séjour en cette délicieuse
région ne se
prolonge que pendant quelques jours et le régiment est
transporté vers le nord-est, vers S
t Mihiel où il
va dans
un secteur de tout repos. Le 86
e traverse la Meuse à Woimbey
et
entrent en ligne au nord de cette ville, dans le secteur de Rouvrois,
sous les ordres du général commandant la 34
e
division.
Le secteur est solidement organisé et bien
aménagé.
La région est très calme. Des
premières lignes, on
peut examiné à la jumelle la petite ville de S
t
Mihiel ;
on y voit circuler les habitants presque dans le calme. - On se rend
au fort de Troyon, tandis que l'ennemi domine toute la
région du
haut du fort des Romains. C'est l'automne, le temps est devenu
clément. Le régiment passe là un des
séjours les meilleurs qu'il ait accomplis en secteur au cours
de
la campagne.
Du 25 au 28 septembre, le 86
e quitte de la région de
Rouvrois,
cantonne à Lérouville, traverse la Meuse au sud
de S
t
Mihiel, à Pont sur Meuse et entre de nouveau en ligne, sous
les
ordres du général commandant la 33
e division.
Le nouveau secteur qu'occupe le régiment a figuré
bien
fréquemment dans nos communiqués officiels,
durant
l'hiver 1914 - 1915 ; c'est le secteur de la forêt d'Apremont
et du
bois d'Ailly au sud est de S
t Mihiel.
Des cimetières nombreux et immenses près de
Mecrin et de
Marbotté attestent de l'intensité des combats qui
se sont
déroulés à cette époque
dans cette
région actuellement si paisible. Le terrain couvert. Vers la
Meuse, les lignes françaises sont très
éloignées des lignes ennemies, et nos patrouilles
montrent une grande activité. - En 1
ère ligne,
quelques
luttes à la grenade sont les seuls
événements
notables de cette époque.
Après un séjour rapide, le régiment
est de nouveau
retirer de ce secteur dit de la Croix Saint-Jean, du 16 au 18 octobre.
Et, par camions automobiles, il est transporté dans la
région déjà connue de Ligny en
Barrois, à
Tronville (6 km nord-ouest de Ligny).
Le 86
e ne reste dans cette localité que quelques jours. Il
va bientôt retrouver la Meuse et Verdun.
Verdun
: Beaumont
Le 26 octobre, nouvel embarquement en camions. Le
régiment
sait qu'il est transporté à Verdun où
il doit
entrer en secteur "pour un court séjour" vers Beaumont,
entre la
cote 344 et le bois le Chaume.
Arrivé le 26 dans les faubourgs nord est de Verdun
(faubourgs
Pavé), le 86
e s'achemine, dès le 27 au soir, dans
la
région Louvemont, carrières d'Haudromont. Le
paysage est
sinistre. En vain, les yeux cherchent là une apparence de
végétation. On ne trouve que quelques petits
troncs de
pins noircis, calcinés, morts, voisinant avec de nombreuses
petites croix brisées, renversées, jalonnant
encore les
emplacements des tombes éventrées. Les ravins des
Vignes,
de la Dame, beaucoup d'autres, sont de véritables paysages
lunaires. Les carrières d'Haudromont sont le point de mire
des
obus ennemis de très gros calibres. On se rappelle avec
effroi
ce que fut le bombardement de cette région durant les
après-midi des 31 octobre et 1
er novembre.
Le 7 novembre, le 2
e bataillon du 86
e entre en 1
ère ligne
devant
Beaumont, et le 1
er bataillon passe à Louvemont tandis que
le 3
e
se rend aux carrières d'Haudromont. Le secteur est
excessivement
actif. L'artillerie ne connaît point de repos.
L'ennemi bombarde furieusement et en permanence nos positions par obus
de gros calibres, en même temps qu'il inonde de gaz toxiques
les
ravins, les voies d'accès. Dans ces conditions, tout
déplacement dans ce secteur est extrêmement
dangereux. Les
ravitaillements ne peuvent avoir lieu qu'au prix des plus lourdes
difficultés. La dépense d'énergie et
de courage
des ravitailleurs est considérable.
Le 12 novembre, le 3
e bataillon, s'approche de la 1
ère ligne
et
occupe, derrière le 2
e bataillon, des emplacements de
soutien.
Le lendemain il passe en 1
ère ligne.
Jusque vers le 20 novembre, l'activité de l'artillerie se
maintient très grande. Les boyaux de communication, les
tranchées, les pistes, les emplacements des
réserves, les
postes de commandement, les ravins, sont violemment pris à
partie et bombardés par obus explosifs et surtout
par obus
toxiques.
A partir du 20 novembre, le régiment à 2
bataillons
en 1
ère ligne. Le tir ennemi, qui est allé
croissant en
violence durant les journées des 20 au 24 novembre fait
présager un coup de main ennemi. En effet, le soir de ce
jour,
un fort parti allemand tente d'aborder nos lignes. Mais nos hommes font
bonne garde ; le furieux bombardement qui a
précédé cette tentative ne les a pas
émotionnés. L'ennemi est reçu
à courte
distance par un barrage à la grenade et par des rafales de
fusils mitrailleurs ; il est obligé de rentrer
précipitamment dans ses lignes.
Le 8 décembre, l'ennemi renouvelle une tentative de coup de
main
sur des fractions du 3
e bataillon. Il ne fut pas encore très
heureux cette fois.
Un tir de grenades combiné avec des feux de
fusils-mitrailleurs
arrêta net les Allemands qui laissèrent entre nos
mains
des prisonniers et une mitrailleuse. Là encore, le
sang-froid et
la ténacité des hommes avait triomphé
de l'ardeur
de l'ennemi.
À partir du 10 décembre, le 86
e est enfin
relevé
dans le secteur de Beaumont. Les pertes ont été
grandes,
le nombre des intoxiqués a été
considérable.
Le régiment quitte alors le secteur de Verdun.
Embarqué
en chemin de fer à Dugny, il est
débarqué à
Laheycourt et stationne jusqu'au 20 décembre à
Louppy le
Château et Villotte devant Louppy (à 16 km
nord-ouest de
Laheycourt).
Vauquois
Le 21 décembre le 86
e s'achemine par étapes vers
le nord. Il arrive le 22 à Clermont en Argonne. Le 23 au soir, le
régiment est en 1
ère ligne, sur la rive droite de
l'Aire,
à Vauquois, la butte célèbre au nom
prestigieux,
évocateur des luttes épiques et sanglantes de
1915.
La butte est au centre du secteur, flanquée à
l'ouest par
la croupe du bois Noir, à l'est par le Mamelon Blanc avec la
Cigalerie. Au sud, un autre mamelon, la Maize. Plus au sud, des
côtes boisées de Forimont, la vue
s'étend sur une
immense plaine jusque vers Clermont en Argonne accroché aux
flancs d'un éperon couronné de hauts sapins.
La Buanthe, rivière étroite qui coule dans une
profonde
coupure sépare nos lignes des positions ennemies du bois
Cheppy.
Toute la partie est et sud du secteur est couverte par les
avancées de la forêt de Hesse. À
l'ouest, c'est la
vallée de l'Aisne avec Boureuilles. Plus loin, de l'autre
côté de la rivière, c'est la grande
forêt
d'Argonne.
Le calme actuel du secteur contraste singulièrement avec
l'opinion que l'on se faisait de ce terrible champ de bataille lors de
la 1
ère année de campagne. Les
tranchées sont bien
aménagées, les boyaux offrent une circulation
facile ;
les abris permettent un séjour presque agréable :
les
"cagnas" de Forimont, du Mamelon Blanc et du mont des Allieux sont des
modèles du genre.
On visite avec curiosité et beaucoup
d'intérêt les
gigantesques travaux souterrains nécessités par
la
terrible et hypocrite guerre des mines. Des sapeurs du génie
se
souviennent encore de la fameuse mine qui engloutit les derniers
vestiges du village. Du haut de la butte, de la rue des juifs, on
explore des yeux la profondeur des immenses cratères qui
crevassent le sommet de la butte. On se montre le trou, profond de 20
mètres, qui occupe l'emplacement de l'église du
village.
Ce secteur se prête à
l'exécution des
patrouilles et des coups de main. Il ne se passe pas une semaine sans
que de notre côté, ou du côté
ennemi, un coup
de main ne soit exécuté.
La région des Allieux, de la Hardonnerie au poste Barberon,
est
le coin de prédilection des tentatives ennemies,
précédées
généralement par un
bombardement intense. Les Allemands n'obtiennent d'ailleurs que peu de
succès, le 22 janvier au matin, une grosse reconnaissance
est
mise en fuite par un tir précis de fusils-mitrailleurs
devant la
fonderie. Deux jours après, le 24 au soir, l'ennemi tente un
violent coup de main sur le poste Barbon après avoir
écrasé ce point sous un violent bombardement de
mines ;
là encore il est accueilli par des feux de mousquetrie et
rejoint en hâte ses tranchées du bois de
Cheppy en
laissant un blessé entre nos mains. À la
même heure
une tentative ennemie faite par un groupe de 20 hommes,
échoue
dans les mêmes conditions sur la Hardonnerie.
En toutes ces circonstances, les hommes du 86
e continuent à
montrer leur exceptionnelle qualité de sang-froid, de
résolution, de ténacité.
Nous répondons d'ailleurs à toutes les tentatives
ennemies. Le 19 février, une audacieuse embuscade,
dirigée par l'aspirant Plo de la 9
e compagnie ouvre
résolument la lutte contre une grosse patrouille ennemie et
réussit à en capturer le chef.
Dans la nuit du 4 au 5 avril, les Allemands tentent d'enlever un de nos
postes, à la Hardonnerie, avec un gros
détachement de 80
hommes. Notre poste ne comprend que 5 hommes, le caporal Rivet et le
sergent Monget. Mais dès qu'il aperçoit l'ennemi
il
entame la lutte avec ardeur et sans hésitation. Le caporal
Rivet
lance à lui seul plus de 100 grenades faisant ainsi un
barrage
infranchissable. Le sergent Monget exécute un tir d'obus VB,
tout en dirigeant le feu de ses hommes, brillamment
exécuté, en particulier par le
fusilier-mitrailleur
Borgetto. L'attaque ennemie est arrêtée net, elle
est
brisée, disloquée. Les Allemands fuient vers
leurs lignes
laissant entre nos mains, 5 cadavres, un prisonnier ; 32 caisses
d'explosifs et un nombre considérable d'armes (fusils,
poignards, revolvers).
Le 9 avril, l'ennemi exécute une nouvelle tentative sur la
région du poste Barberon. Il fait usage de flammenwerfers
mais
il est encore repoussé en nous laissant un prisonnier.
Le 15 avril, un groupe d'élite fourni par la 5
e
compagnie
tente avec une belle audace d'enlever un poste ennemi devant ce
même point. Mais, malgré la vaillance et l'entrain
superbe
des exécutants, sous la direction du lieutenant Mercadier,
les
efforts faits ne donnent pas le résultat que l'on pouvait
attendre de tant d'audace.
La lutte d'artillerie est parfois assez vive. L'ennemi fait un large
emploi d'obus à gaz toxiques : le carrefour de Bertrame est
fréquemment bombardé de cette façon.
Enfin après un séjour de près de 5
mois, le
régiment est remplacé à Vauquois par
un
régiment de la 3
e division italienne. Le 86
e quitte
Vauquois, le
Mamelon Blanc, les Allieux.
Enlevé en camions automobiles, le régiment est
transporté dans la région de Givry en Argonne,
Remicourt
et Epense.
Bataille
de la Marne
Anthenay,
Olizy-Violaine, bois de Rarrey
Le 29 mai au matin, le 86
e quitte, en camions automobiles, les
cantonnements de la région de Givry en Argonne où
il
était au repos et à l'instruction depuis le 16
mai.
Le 29 au soir, après un parcours de 100 km, le
régiment
débarque à 5 km au nord de la Marne et
stationne dans
la région : Anthenay, Olizy-Violaine, à 5 km au
nord de
Châtillon sur Marne.
L'ennemi a attaqué violemment nos positions du Chemin des
Dames
depuis le 25 mai ; il en a bousculé les
défenseurs ; il a
traversé successivement l'Aisne,la Vesle, l'Ardre et
s'avance
victorieusement et à bonne allure, vers le Sud, vers la
Marne.
Dès le 29 au soir, 2 des bataillons installent une ligne
d'avant-postes au nord de la grand-route de Dormans à Reims,
face au nord-ouest ; à gauche, le 2
e fortement
appuyé sur
Anthenay ; à droite, le 3
e appuyé sur
Olizy-Violaine. Le
1
er bataillon est maintenu en réserve à Violaine
et la
Maquerelle. Le régiment tient ainsi un front de 6 km et se
trouve
encadré par les 2 autres régiments de la division
: le
38
e à droite, le 408
e à gauche. La ligne de nos
avant-postes est jalonnée par une crête
parallèle
à la grand-route Dormans - Reims. En avant se trouve le
village
de Villers Agron, dans une coupure profonde où coule la
Semoigne, et le petit hameau de Berthenay. Plus loin des croupes
dénudées avec les fermes de Forzy, Aiguizy, le
village
d'Aougny.
En arrière, en grands plateaux au nord du bois de Rarrey.
À droite le plateau de Jonquery fermé au nord par
un
bois. Des ravineaux conduisant vers Cuisles, le ravin de Montligny.
Plus au sud, c'est la Marne. La mission est nette : arrêter
l'ennemi.
La nuit du 29 au 30 se passe sans incidents. Mais dès le 30
à 4 heures du matin, l'ennemi a refoulé les
éléments de la 13
e division devant le front du
86
e. Le village d'Aougny est occupé.
Dès 7 heures du matin, le général
commandant cette division fait connaître verbalement la
situation critique de ses fractions qui se retirent derrière
le régiment. En effet, les éléments
refoulés de la 13
e division se replient en
arrière de notre ligne d'avant-postes qui est d'ailleurs
immédiatement renforcée. À ce moment
l'ennemi occupe sensiblement la ligne Sainte-Gemme, Villers-Agron, nord
de Romigny.
À partir de 9 heures, l'ennemi essaie de pousser partout ses
éléments au contact de nos lignes. Son artillerie
débouche du village d'Aougny et se met en batterie au sud de
cette localité. Aussitôt les mitrailleuses du 3
e
bataillon entre en action, cherchant à gêner les
opérations de ces batteries.
Dès 9 h 30, de nombreux groupes ennemis se dirigent vers le
ravin où se trouve Aiguizy et se rassemblent en se point.
Malgré un tir de 75 exécuté
dès ce moment, le mouvement de rassemblement ennemi se
continue et s'amplifie toute la matinée. À midi,
des contingents ennemis importants sont massés dans les
ravins à 1200 mètres de notre ligne
d'avant-postes, en particulier dans le petit ravineau qui aboutit au
hameau de Berthenay. Dès 13 heures, ce point est d'ailleurs
occupé par l'ennemi.
À partir de ce moment, l'artillerie allemande est
entrée en action et bombarde de façon intense nos
positions. Il est certain qu'une attaque ennemie est en
préparation ; elle est imminente.
Peu après 15 heures, cette attaque se déclenche
en effet. Le combat s'engage presque aussitôt, violent.
L'infanterie allemande se porte à l'attaque,
précédée de barrages roulants
d'artillerie, en débouchant de Berthenay et en direction sud
et sud-est. Le tir d'artillerie est très intense et nous
cause de lourdes pertes ; mais notre ligne ne bouge pas.
Les 2 compagnies de droite du 2
e bataillon ont
été attaquées avec violence et ont
subi des pertes graves ; elles ont résisté
cependant avec bravoure ; l'assaillant a essuyé lui aussi
des pertes sanglantes.
La 11
e compagnie, la compagnie de gauche du bataillon d'Olizy (3
e) a
beaucoup souffert du feu de l'artillerie et on craint un
fléchissement sur le front de cette unité. Le 1
er
bataillon maintenu en réserve jusqu'alors, dirige une
compagnie sur ce point, tandis qu'un peloton est envoyé
d'urgence à Anthenay, en renfort, à la
disposition du 2
e bataillon.
Sur tout le front, le régiment s'oppose vaillamment
à l'avance ennemie ; mais, malgré tous nos
efforts, l'ennemi réussi à atteindre
dès 16 h 15, la route Passy - Grigny à Romigny
qu'il traverse.
La pression ennemie s'accentue sans cesse entre Anthenay et Olizy et un
peloton du 1
er bataillon est envoyé sur ce point, afin
d'interdire à l'ennemi l'accès des ravineaux
situés au sud de cette route, ravineaux propices
à des mouvements d'infiltration qui seraient très
dangereux.
À partir de 16 heures 45, de nombreuses petites colonnes
d'infanterie ennemie progressent pour arriver au contact de notre ligne
devant Olizy. La 11
e compagnie a alors subi de très lourdes
pertes. Elle résiste cependant avec la plus grande
ténacité ; mais, sous le nombre, elle est
obligée de se replier, ce qu'elle fait en menant un combat
superbe. Ce mouvement entraîne un repli de la droite du 2
e
bataillon. Tous les efforts sont alors dirigés vers la
liaison à établir entre les 2 bataillons.
À 17 heures, la poussée ennemie s'accentue sur
Olizy.
Sur tout le front, l'ennemi progresse en s'infiltrant partout, des
isolés ou des petits groupes s'avancent au contact de nos
lignes.
Vers le soir, malgré tous nos efforts, l'ennemi occupe une
ligne au sud de la grand-route. Ses éléments
groupés entre Olizy et Anthenay constituent une menace grave
dont on sent le danger. En effet, vers 22 heures, il réussit
à s'infiltrer plus en avant entre les 2 villages.
En prenant Anthenay par le sud-est, il l'attaque en même
temps par le Nord au moyen d'une puissante poussée, il s'en
empare malgré une belle défense de nos troupes au
cours de laquelle nous subissons des pertes graves (capitaine Talore,
lieutenant Plo, etc., etc.). À ce moment le reste du 1
er
bataillon est lancé contre le 2
e bataillon face à
Anthenay et le 3
e face à Olizy.
Le 31 au matin, Anthenay est aux mains de l'ennemi. Des
éléments du 38
e mis à disposition du
régiment sont disposés face à ce
village pour en interdire le débouché vers le
sud. Dès 5 heures du matin, l'ennemi est prêt
à se porter à l'attaque. De nombreuses colonnes,
débouchant de Romigny se portent sur Olizy. Le tir de notre
artillerie est alors dirigé sur ces
éléments dont la progression continue
néanmoins, presque sans interruption.
Le combat d'infanterie s'engage. Il sera extrêmement violent.
Nos fractions opposent une défense acharnée. Nos
pertes sont très lourdes ; mais celles de l'ennemi sont
énormes. Malgré nos héroïques
efforts, l'ennemi arrive aux lisières nord d'Olizy. Un
combat violent s'engage dans les rues du village. Nos compagnies
reculent pied à pied et l'ennemi finit par occuper Olizy.
Mais, établis à 300 mètres au sud de
la lisière, nous empêchont les Allemands d'en
déboucher malgré des tentatives
répétées ; chaque fois, ils sont
repoussés avec des pertes sanglantes.
Des fractions du 38
e mises à la disposition du 86
e sont
alors poussées à la Maquerelle et vers Olizy.
Enfin, vers midi, malgré ses efforts les plus puissants
l'ennemi est arrêté ; il ne peut continuer de
progresser.
Durant tout l'après-midi, il cherche à
déboucher du village d'Anthenay, mais en vain. Il continue
néanmoins à masser ses troupes vers sa
1
ère ligne, tandis que son artillerie, très
active, bombarde sans arrêt nos positions. Une grosse attaque
ennemie est en préparation ; on s'y attend pour le lendemain
1
er juin.
Le 1
er juin au matin, Olizy et Anthenay sont aux mains de l'ennemi qui,
dès 4 heures, déclenche un bombardement
très violent surtout le front du régiment.
Quelques instants après son infanterie se porte à
l'attaque, précédée de barrages
roulants. Notre tir de barrage, déclenché
rapidement, ne réussit point à arrêter
la progression ennemie.
La défense opposée par la 86
e est remarquable,
acharnée, et les Allemands subissent des pertes
énormes malgré lesquelles ils avancent quand
même, en raison de leur poussée massive. L'attaque
parvient à franchir la route de Châtillon
à Olizy ; elle atteint le hameau de Violaine,
après s'être heurtée à une
défense superbe. Mais elle paye chèrement sa
progression. Attaquant en masses, l'ennemi jonche le sol de ses
cadavres. Il se porte à l'assaut de la Maquerelle,
défendue âprement par nos troupes qui ne se
replient qu'en combattant avec la plus belle énergie. Nos
pertes sont lourdes.
C'est là que l'ennemi se heurte à des
mitrailleurs du 1
er bataillon. Le mitrailleur Rouchy Henri, tireur,
s'offre comme volontaire pour arrêter l'ennemi, pendant que
le reste de sa section va se replier un peu en
arrière. Le chargeur qui reste avec lui est tué.
Mais seul, Rouchy assure avec un sang-froid extraordinaire le service
de sa pièce et cause de véritables pertes
à l'ennemi, et retarde considérablement son
avance. Mais bientôt, soumis à des feux violents
des mitrailleurs adverses, il reçoit une balle au-dessus du
coeur et tombe. L'ennemi avance et arrive à la
pièce de Rouchy qui ne remue pas, il n'est cependant que
blessé.
L'assaillant le croit mort et emporte la pièce. Mais Rouchy
n'a pas perdu son sang-froid. Bien que gravement atteint, il observe
les mouvements ennemis, et profitant d'un instant propice, il se
lève, il part, s'échappe, rejoint notre ligne ;
il reçoit la médaille militaire. Ce
jour-là, les actes de bravoure ont été
innombrables ; il serait vain de chercher à les citer tous.
Vers la droite du régiment, par suite du repli sur le
plateau de Jonquery, l'ennemi s'infiltre et sa menace oblige notre
droite à se retirer légèrement. C'est
vers ce point qu'une liaison précaire nécessite
des reconnaissances audacieuses et périlleuses, mais
exécutées avec la plus grande bravoure.
Malgré son puissant effort, l'ennemi est nettement
arrêté dès 8 h 30 par la
défense tenace que le régiment lui a
opposée. À partir de midi, toute notre ligne est
d'ailleurs parfaitement soudée.
Au cours de l'après-midi, le 3
e bataillon, qui a
été très éprouvé
au cours de sanglants combats qu'il a menés à
Olizy et à Violaine, est retiré de la
1
ère ligne. Il se rend à Villers sous
Châtillon pour se réorganiser.
Jusqu'au soir, l'ennemi continue à se masser au sud
d'Anthenay. Ses intentions sont très nettes ; il va nous
attaquer prochainement, sans doute le lendemain matin.
Le 8 juin au matin, le régiment est dispersé sur
une ligne un peu en avant des lisières nord du bois de
Rarrey.
Dès 4 h 15, l'ennemi engage la lutte par une vigoureuse
action d'artillerie. Les lisières du bois sont
bombardées avec violence par obus, mines et grenades. Tout
le bois de Rarrey est fouillé par des obus de gros calibre.
À 6 h 10, l'infanterie ennemie se porte à
l'attaque sur tout le front à l'ouest de la route de
Châtillon à Olizy. Le 86
e oppose alors la
défense la plus opiniâtre, la plus magnifique
qu'il est possible pour des troupes qui combattent depuis 3 jours et 3
nuits.
L'ennemi doit arriver à la Marne coûte que
coûte. Il ne compte plus ses pertes. Mais le 86
e
l'empêche de réaliser ses projets.
Ce jour là encore, de superbes actes de bravoure sont
réalisés. Le caporal Durand, gravement
contusionné reste sur le terrain
évanoui, et reste pendant une demi-heure sans connaissance.
Lorsqu'il revient à lui, ses camarades se sont
retirés à 200 mètres en
arrière environ, il se met à leur recherche.
Soudain, il aperçoit une mitrailleuse française
avec tous ses servants tués. Durand charge
péniblement la pièce sur ses épaules.
Cible vivante offerte à des feux violents de l'infanterie
ennemie, il se dirige vers nos lignes au prix de mille peines et
de mille dangers ; il arrive enfin au milieu de ses camarades
avec sa mitrailleuse. Il reçoit la médaille
militaire.
Malgré ses efforts les plus considérables,
malgré sa préparation intense d'artillerie,
l'ennemi ne réussit pas à progresser ; son
attaque est finalement brisée. Notre ligne est maintenue
intégralement, grâce à la superbe
ténacité de nos braves soldats du 86
e qui ne
veulent plus que l'ennemi passe.
En résumé, après 4 jours et 3 nuits de
combats très durs au cours desquels l'ennemi a mis en oeuvre
des moyens puissants, en artillerie et en effectifs, le 86
e
déployé sur un front de 6 km, a tenu, a
résisté avec la plus belle énergie, la
plus grande ténacité.
Ses pertes ont été lourdes ; mais celles de
l'ennemi l'ont été bien davantage.
Les hommes ont été admirables. Partout, ils ont
montré leur résolution d'arrêter
l'ennemi et ont fait preuve du plus grand mépris de la mort
et du plus complet esprit d'abnégation et de sacrifice.
Le régiment a cité à l'ordre du jour
de la 5
e armée.
Jeté dans une violente bataille en travers d'un
ennemi
très supérieur en nombre, a, sous la vigoureuse
impulsion du lieutenant-colonel Sautel, réussi
après 3 jours de combats ininterrompus, avec une
rivière à dos, grâce à sa
bravoure, à sa ténacité et
à son esprit de sacrifice, à arrêter
les forces allemandes et à les fixer en leur infligeant des
pertes très élevées
.
Après un rapide repos de quelques jours à Villers
sous Châtillon, les bataillons remontent successivement en
ligne dans la région du bois de Rarrey et du bois de Trotte.
Puis tout le régiment entre en secteur au nord de la Marne,
à l'ouest de Vandières. Là, il se met
à l'ouvrage avec ardeur pour organiser solidement les
positions qui lui sont confiées. Le secteur est
très calme. Seules, quelques patrouilles donnent de
l'activité.
Le 28 juin au soir, l'ennemi, qui a tenté un coup de main
sur un de nos postes du bois de Trotte, est repoussé
énergiquement sous un feu précis de
fusils-mitrailleurs et de grenades. La région est maintenant
superbe ; c'est le début de l'été. Le
séjour dans le secteur de Vandières est
agréable. Il se prolonge ainsi jusqu'au début de
juillet. Le 3 de ce mois, le 86
e est remplacé par un
régiment de la 8
e division est passe en réserve
d'armée dans la région sud d'Épernay,
à Grauves, Moslins et Mancy.
Mais le repos escompté dans cette région sera
très bref.
L'offensive
allemande du 15 juillet : Pourcy
Le 86
e est au repos dans la région de Grauves depuis 3 jours
lorsqu'il est alerté le 6 juillet. Dès le 6 au
soir il franchit à nouveau la Marne à
Épernay et à Cumières et vient
stationner dans la région de Hautvillers Saint-Imonge
Roméry.
La journée du 7 est employée aux reconnaissances
du secteur 15 km au sud-ouest de Reims, région de Pourcy,
Marfaux, dans la vallée de l'Ardre, dans les
avancées nord-ouest de la forêt de Reims.
Le 8 juillet dans la matinée, on apprend que l'ennemi
prépare une imminente et formidable attaque de grand style,
attendue pour la nuit du 8 au 9, au plus tard pour celle du 9 au 10.
Dès le 8 au soir, le régiment va occuper une
position de soutien, au nord de Pourcy, derrière la 3
e
division italienne. À gauche le 86
e est en liaison sur
l'Ardre, avec le 408
e à droite avec le 75
e
régiment italien dans le bois d'Ecueil.
Le 1
er bataillon est aux ordres directs de la division italienne et
stationne dans la région de Courmas.
La majeure partie de la position est couverte par les bois de Pourcy et
d'Ecueil. La vallée de l'Ardre permet seule des vues sur
Marfaux, Chaumuzy, la montagne de Bligny où le corps italien
a livré récemment de durs combats.
L'attaque annoncée pour la nuit du 8 au 9 ne se produit pas,
et, du 9 au 13 juillet, les bataillons travaillent à leur
installation et à l'amélioration des
organisations défensives.
Le 13 juillet, nouvelle alerte : l'attaque est prévue pour
la nuit prochaine. Cette fois encore, l'attente est vaine et la
journée du 14 se passe dans le calme.
Le 15 juillet à minuit, lorsque, brutalement, l'ennemi
déclenche son bombardement, chacun est prêt et
attend l'attaque.
Dès le début, Pourcy reçoit de
nombreux obus toxiques et explosifs, tandis que ses abords nord-ouest
sont soumis à des tirs d'obus de gros calibre visant
à la destruction de nombreuses batteries qui y sont
installées. Le bombardement est vraiment intense, infernal,
un des plus terribles qui se soient vus au cours de la guerre.
Jusque vers 5 heures, le régiment qui est toujours sur ses
emplacements de soutien, n'a pas de renseignements précis
sur la situation de la 1
ère position. Il apparaît
cependant que l'ennemi a attaqué avec violence sur tout le
front des troupes italiennes qui tiennent la rive gauche de l'Ardre et
que son attaque s'étend vers la gauche. Vers 6 heures 45, on
apprend que l'ennemi s'infiltre dans le bois de Courton
après avoir bousculé les troupes du bois des
Eclisses, à 4 km à l'ouest de Marfaux.
Dès 8 heures, des éléments allemands
sont en progression sur ce village. Durant toute la matinée,
le bombardement ennemi se maintient très violent.
Devant la menace que crée l'infiltration adverse dans le
bois de Courton et sur Marfaux, la défense de Pourcy est
sérieusement renforcée, et assure ainsi une
liaison solide entre le régiment et le 408
e. Mais l'ennemi a
traversé l'Ardre à Bligny, à Chaumuzy
et se porte résolument à l'attaque du bois de
Reims qui, bombardé avec une extrême
intensité, est abandonné. L'ennemi occupe
rapidement cette position.
Durant tout le jour, malgré l'action de notre artillerie qui
prend immédiatement à partie les nombreuses
petites colonnes ennemies qui lui sont signalées, le
mouvement d'infiltration adverse se poursuit sans arrêt
devant le front du régiment. Le bombardement allemand nous a
causé, dès ce premier jour, des pertes sensibles,
particulièrement au 2
e bataillon dont la compagnie de
mitrailleuses est très éprouvée.
La nuit du 15 au 16 juillet est relativement calme ; l'ennemi continue
à bombarder de façon intermittente nos positions
et nos communications.
Le 16, dès 6 heures, le mouvement ennemi reprend. De Sarcy,
de Bligny, des colonnes importantes marchent vers le sud, et la
vallée de l'Ardre. Notre artillerie agit vivement mais ne
peut empêcher la progression des
éléments allemands qui, partant du bois de Reims,
se dirigent vers les ravins au nord-est de Marfaux, devant le front du
régiment.
À partir de midi, le bombardement ennemi est
continué, tandis que des fractions d'infanterie progressent,
s'infiltrent en avant de Marfaux, à Cuitron et se massent
dans le ravin du Clos de Cuitron. Ce bombardement, ce mouvement ne
laisse bientôt plus de doute sur l'intention de l'ennemi. Une
attaque est en préparation pour être
déclenchée durant la nuit prochaine ou le
lendemain. Les points de rassemblement ennemis sont
bombardés avec vigueur. Le soir, chacun est averti et
prêt à recevoir l'attaque.
Sur la rive gauche de l'Ardre, l'ennemi a réussi
à créer une brèche dans le bois de
Courton et s'y est infiltré. La situation en ce point
devient critique. Un bataillon du 38
e tenu jusqu'alors en
réserve aux abords de la ferme Ecueil, est dirigé
sur sa brèche. Vers le soir, la situation s'étant améliorée, et la menace de l'attaque ennemie sur
le front du régiment devenant plus nette, ce bataillon
reprend ses positions de réserve vers Ecueil, prêt
à agir sur le front du 86
e et plus
particulièrement à droite à la soudure
avec les éléments italiens.
Le 1
er bataillon du 86
e est toujours sous les ordres du
général commandant la 3
e division italienne et
subit des bombardements excessivement violents dans la
région de Courmas.
Cependant, le 16 juillet au soir, les Allemands ont poussé
hardiment à travers le bois de Courton et leurs patrouilles
arrivent jusqu'à Nanteuil la Fosse, à 3 km au sud
de Pourcy. La menace est grande, mais il faut tenir. Le 86
e se
cramponne au terrain à Pourcy, et reste sur ses emplacements
prenant toutes dispositions pour parer à ce danger venant du
sud.
Les pèrtes du régiment ont
été lourdes pendant la journée du 16.
Pendant toute la matinée du 17 juillet, le bombardement
ennemi se maintient très vif sur notre position.
Dès le matin, le mouvement d'infiltration de l'infanterie
ennemie est repris et de nombreux éléments
poussent jusqu'au contact de nos lignes. Les ravins du Clos de Cuitron
et le ravin au sud-est de Courmas sont utilisés pour ces
cheminements et constituent des centres de rassemblement importants.
Notre artillerie exécute sur ce point des tirs
énergiques de contre préparation, tandis que nos
mitrailleuses dirigent des feux intenses sur la lisière du
bois de Reims, d'où partent les fractions ennemies.
Malgré tous nos tirs, les Allemands continuent leur
mouvement et augmentent sans cesse leur densité devant notre
ligne, en particulier devant le front tenu par le 2
e bataillon. La
menace est sérieuse ; l'attaque est imminente.
À partir de 13 heures, l'ennemi redouble la violence de son
bombardement sur cette position, et le maintient ainsi jusque vers 13 h
30.
À ce moment, l'infanterie adverse se porte à
l'attaque. Mais elle est attendue ; elle est reçue
immédiatement par des feux précis de
fusils-mitrailleurs, de mitrailleuses et de grenades. Les hommes font
preuve, en cette circonstance, de leurs belles qualités de
calme et de sang-froid. L'ennemi laisse de nombreux cadavres dans nos
réseaux qu'il ne peut réussir à
traverser. Il se retire bientôt.
Au cours de cette attaque, les exemples de sang-froid extraordinaire
ont été nombreux. Le sergent Grenier
n'hésite pas à se porter en avant à
découvert avec une de ses mitrailleuses afin
d'exécuter un tir plus précis et terriblement
meurtrier. La veille, c'était le soldat Hardy qui, de sa
propre initiative, s'était porté à la
rencontre d'un groupe pour l'identifier, et qui s'est heurté
ainsi à l'ennemi et a rejoint nos lignes sous un feu nourri
de mousqueterie.
Mais l'ennemi ne s'en tient pas à son échec. Après
quelques instants de répit, il reprend son attaque ; et
dès 16 heures, il se lance de nouveau à l'assaut
de nos lignes. Sur tout le front du régiment, la ligne ne
cède pas ; mais elle fléchit devant les
éléments italiens placés à
notre droite. La brèche ainsi créée
est rapidement exploitée. L'ennemi s'y engouffre et
bientôt il occupe la partie nord du bois d'Ecueil et
s'infiltre plus au sud. Toute la droite du régiment est
ainsi gravement menacée.
C'est alors que le sang-froid et la ténacité de
nos troupes vont se montrer. Le sergent Rigaud déploie
sa
demi-section sous un feu violent de mitrailleuses et par
l'intensité et par la précision de son tir
oblige l'assaillant à refluer en désordre. Le
soldat Boissat, agent de liaison, réussit à
ramener à 50 mètres de l'ennemi un renfort qui va
contribuer à rétablir la situation. La droite du
2
e bataillon forme alors un crochet défensif face au Nord et
pas un pouce de terrain n'est cédé par
nos troupes.
D'ailleurs, la rupture ne subsiste pas. Étayés
par des éléments du 2
e bataillon,
ralliés par leurs gradés, les Italiens qui ont
fléchi se ressaisissent. Ils mènent une
vigoureuse contre-attaque qui rétablit bientôt la
situation.
À 18 heures, l'ennemi, qui s'est heurté
à la ténacité du 86
e a subi un
échec complet. Le front du régiment n'a pas
été entamé ; la situation est
parfaitement rétablie.
Au cours de cette journée, nos pertes ont
été très lourdes,
particulièrement au 2
e bataillon.
Jusqu'au 18, à 2 heures du matin, le front reste calme mais
à partir de cette heure c'est le bombardement ennemi : obus
toxiques et obus explosifs tombent nombreux sont nos lignes.
Durant toute la journée du 18 juillet, l'ennemi ne prononce
aucune attaque d'infanterie, mais il canonne nos positions avec
violence.
Le 1
er bataillon du régiment, qui est toujours
resté aux ordres du général commandant
la 3
e division italienne, est mis à la disposition de la 2
e
division d'infanterie coloniale qui est en ligne au nord du 86
e.
Pendant tous les jours qui suivront, des éléments
de ces divisions vont exécuter une série de
contre-attaques dans la région de Courmas, Bouilly,
Sainte-Euphraise. Le 1
er bataillon subira, de ce fait, des tirs
violents de réaction de l'artillerie ennemie, qui
lui causeront de grosses pertes.
À partir de 2 h 30, l'ennemi reprend, le 19 juillet, le
bombardement de notre position, battant surtout le front
occupé par le 2
e bataillon. À partir de ce
moment, l'ennemi ne réagit plus que par son artillerie et il
le fait avec une grande violence ; mais son infanterie n'attaque plus :
elle reste passive et doit subir nos attaques.
Le 20, au matin, 3 bataillons de la 62
e division britannique sont en
position à proximité de nos lignes et se portent
à l'attaque à 8 heures. Les réactions
de l'artillerie ennemie nous causent de lourdes pertes ; et cette
situation se prolonge jusqu'au 25 juillet.
À cette date, le 86
e est remplacé
définitivement par des éléments
britanniques ; il se retire de la bataille.
Après un séjour de 24 heures, dans le bois,
à proximité de Saint-Imonges, le
régiment est enlevé en autos, traverse la Marne
à Épernay et vient stationner dans la
région de Saint-Amand sur Fion (sud-est de
Châlons-sur-Marne) où il reste en
réserve.
Ainsi, 2 fois, le 86
e a été appelé
à s'opposer à l'avance ennemie, 2 fois il a
réussi. Mais ces pertes ont été
grandes. Sur le champ de bataille d'Anthenay et Olizy, il a perdu 825
hommes et 17 officiers ; devant Pourcy, il a perdu 575 hommes et 5
officiers.
Le
Mort-Homme - l'Argonne
Après un séjour de quelques jours dans la
région de Saint-Amand sur Fion, le 86
e est transporté, le 3 août, par camions automobiles
dans la zone de Jubécourt Blecourt (sud-ouest de Verdun)
où il séjourne jusqu'au 8 août.
A cette date, il entre en secteur dans la région
célèbre du Mort-Homme et de la cote de l'Oie.
Le secteur ne ressemble pas, certes, à ce qu'il
était en août 1917 lorsque nos troupes l'ont
reconquis. - C'est le calme - c'est un secteur de repos. Le bois des
Corbeaux et de Cumières ne présentent toujours
qu'une série de petits troncs noircis. Le Mort-Homme
reçoit de nombreuses visites ; on y vient voir les fameux
tunnels qui le traversent. À l'ouest, la cote 304
apparaît toute blanche et parfaitement calme. À
l'est, le secteur est limité par la Meuse dans la
vallée de laquelle on cherche en vain ce que furent jadis
les paisibles villages de Cumières et Chattancourt.
Le secteur se prête à de nombreuses patrouilles et
embuscades dans la région du ruisseau de Gorges.
Le régiment reste un mois environ dans cette
région, où il est relevé à
partir du 8 septembre, par un régiment américain.
Du 8 au 12 septembre, par étapes, le 86
e s'approche de la
grande forêt d'Argonne où il relève un
régiment italien dans le secteur de Courte - Chausse.
Mais le séjour dans ce nouveau secteur ne se prolonge pas ;
et dès le 19, le régiment est remplacé
par un régiment américain.
Il se rend alors en réserve dans la région
à quelques kilomètres au sud
de Sainte-Menehould (Ante, Villers - Daucourt). Il est
à la disposition du général commandant
la 4
e armée qui va très prochainement participer
à une offensive de grande envergure. - Le 86
e va prendre
encore une belle et glorieuse part dans l'offensive de la 4
e
armée.
L'offensive
française
I.
Vouziers
Le 26 septembre au matin, l'attaque française est
déclenchée sur tout le front de la 4
e
armée, sous
les ordres du général Gouraud. La division est
à
la disposition du général commandant le 9
e corps
d'armée.
Dès le 27 au soir, le 86
e se met en marche vers le
nord-ouest et
va stationner à 3 km nord-ouest de Courtemont où
il reste
jusqu'au 29 au matin.
Notre offensive a réussi à enlever les
formidables
positions ennemies de la Main de Massiges et de la butte de Mesnil,
zone dans laquelle le 86
e est appelé à
opérer
derrière la 2
e division marocaine.
Le 29 au matin, le régiment se met de nouveau en marche et,
après avoir marqué un temps d'arrêt,
près de
la ferme Beauséjour, il se rend jusqu'à la
vallée
de la Dormoise, près de Ripont. Le terrain
traversé est
celui des anciennes premières lignes ; il est
complètement bouleversé,
défoncé. Les
quelques pistes qui traversent le terrain sont elles-mêmes
boueuses, pleines de trous d'obus, encombrées de
réseaux,
de matériaux de toutes sortes. Ce fut une étape
excessivement difficile, par un temps pluvieux et très froid.
Le 30, au matin, le 86
e fait un nouveau bond vers le nord et stationne
à proximité de Grateuil. Les villages de la
région
sont complètement anéantis : Ripont n'existe
plus,
Grateuil a disparu.
Dans la nuit du 29 au 30, la 120
e division a relevé la 2
e
division marocaine avec 2 régiments et mène le
combat. Le
86
e est maintenu en réserve.
Les éléments de tête de la division
sont au sud de
la crète célèbre : Croix des Soudans,
cote 195,
qui constitue une véritable barrière, s'oppose
à
notre progression.
Dès le 30, une attaque vise à la
conquête de cet
objectif. Le 1
er bataillon du 86
e se porte vers le nord aux abords du
village de Vieux. Les objectifs fixés ne sont pas atteints.
L'artillerie ennemie, très active, a
déjà
causé des pertes au 1
er bataillon qui est alors
retiré
vers le ruisseau Alin afin de le soustraire le plus possible aux tirs
ennemis.
Une attaque méthodique est alors montée pour
enlever les
objectifs fixés. Cette attaque est
exécutée le 2
octobre. Tout le 86
e s'est porté en avant ; toujours en
réserve, mais prêt à intervenir dans la
bataille.
Après une préparation d'artillerie intense,
l'attaque est
déclenchée à 11 h 50. Nos
éléments
progressent vers la gauche et atteignent le pylône de la
Croix
des Soudans. À droite, ils s'accrochent aux pentes sud de la
cote 195 dont ils bordent le chemin de crête. Mais
malgré
les plus beaux efforts, la progression s'arrête
là.
L'ennemi tient solidement le reste de ces positions qu'il
défend
avec énergie.
L'ennemi attend la reprise de notre attaque pour le lendemain ; aussi,
durant toute la nuit, il exécute des tirs violents de contre
préparation. Après une matinée
relativement calme,
les Allemands mènent une contre-attaque pour chasser nos
éléments du sud de la cote 195. Le 1
er bataillon
du 86
e
est poussé en avant et entre en ligne, aux abords du
"Spitzberg"
dans la nuit suivante, relevant un bataillon du 408
e ; relève
excessivement pénible par suite du feu violent de
l'artillerie
et des mitrailleuses adverses.
Les 2 autres bataillons du régiment sont alors en position
d'attente entre Vieux et Marvaux.
La situation du 1
er bataillon, au bord du plateau 195, est
très
délicate. Les hommes terrés dans des trous
individuels ne
peuvent remuer sans être pris immédiatement
à
partie par les mitrailleuses ennemies, très vigilantes et
d'une
activité incessante.
Le 2
e bataillon entre en ligne, à son tour, à
gauche du
1er, près du pylône de la Croix des Soudans et le
5 au
matin, 2 bataillons du 86
e mènent le combat en
1
ère ligne.
Le 5 octobre, à 6 h 30, l'ennemi déclenche un
violent tir de préparation sur nos positions. Le 3
e
bataillon en réserve est immédiatement
alerté. Peu après, l'infanterie ennemie se porte
à l'attaque, particulièrement vive devant le
front tenu par le 1
er bataillon à la cote 195. Mais l'effort
de l'adversaire est brisé par la belle défense
que lui opposa ce bataillon ; l'ennemi est refoulé dans ses
lignes ; toutes les positions tenues par les 2 bataillons du 86
e sont
intégralement maintenues ; bien que nos pertes aient
été dures.
Le reste de la journée du 6 est relativement calme ; les
positions occupées sont améliorées. Le
feu de l'artillerie adverse se maintient cependant violent et augmente
d'intensité durant la nuit du 6 au 7 octobre.
Les journées suivantes, 7 et 8 octobre sont
employées à l'amélioration des
tranchées très rudimentaires que nous
occupons.
Le 9 octobre, l'artillerie allemande manifeste une extraordinaire
activité (obus toxiques et explosifs) et bat
particulièrement les emplacements occupés par le
3
e bataillon en réserve. Ce bombardement par obus toxiques,
nous cause des pertes sérieuses par intoxication.
Dans la nuit du 9 au 10 octobre, un renseignement
téléphoné fait connaître que
les indices de repli de l'ennemi s'accumulent. Des reconnaissances sont
alors poussées en avant, dès le 10, de 2
à 5 heures ; elles ne peuvent progresser et sont accueillies
par des feux de mitrailleuses. Vers 6 heures 45 le commandant du 2
e
bataillon (commandant Compain) s'aperçoit que la droite de
son bataillon n'est plus battue. Il se risque sur le parapet de la
tranchée, puis pousse en avant. Il arrive ainsi au bord nord
de la coupe ; le vide partout. Il pousse aussitôt une de ces
compagnies en avant. Cette unité dévale les
pentes nord du plateau des Soudans. Le reste du bataillon suit de
près et atteint bientôt la route Liry - Monthois.
L'artillerie ennemie couvre le repli de l'infanterie et bat violemment
les pentes nord du plateau : Croix des Soudans et cote 195.
Bientôt, le 1
er bataillon, qui a suivi le mouvement en avant,
déborde Monthois par l'Ouest. Malgré les grosses
difficultés que présente le terrain
marécageux coupé de 2 ruisseaux,
malgré le barrage de l'artillerie adverse, le ruisseau de
Liry, les lisières de Corbon et la voie ferrée
sud de Saint-Morel sont atteints par les 1
er et 2
e bataillons.
Aux lisières sud de Corbon et de Saint-Morel, l'ennemi
résiste par des feux intenses de mitrailleuses et
d'artillerie, nos pertes sont sérieuses ; mais nos hommes
sont admirables d'entrain et passent une nuit très
pénible au ruisseau de Liry et à la voie
ferrée sud de Saint-Morel. Au cours de cette
journée, un butin considérable est
tombé entre nos mains (mitrailleuses, mitraillettes, stock
de fourrage au sud-ouest de Monthois, dépôts de
munitions, outils, etc.).
Dès le 11 octobre au matin, le mouvement en avant est repris
en direction nord est. L'artillerie adverse, très active,
nous gêne considérablement ; mais les 2 bataillons
de têtes du régiment vont de l'avant. Corbon est
enlevé ; Saint-Morel est bientôt
débordé par l'Ouest ; ses défenseurs
sont tués sur place ; les cadavres retrouvés dans
le village attestent de l'opiniâtreté de la
défense de ce point d'appui dominant la région.
Des Allemands de Saint-Morel ont cependant fui vers l'Aisne et tombent
entre les mains du 76
e régiment d'infanterie qui
opère à notre droite.
Le 1
er bataillon déborde Saint-Morel par l'est, progresse et
pousse les éléments d'arrière-garde
ennemie. Il atteint les hameaux dominants Savigny et pousse
immédiatement dans ce village où il trouve un
important matériel, entre autres un
dépôt comportant plus de 400 000 projectiles de
tous calibres (une quantité équivalente avait
déjà sauté).
Dès qu'il a encerclé et traversé
Saint-Morel, le 2
e bataillon progresse résolument et
arrive à hauteur du 1
er dès la fin de
l'après-midi.
Au cours de la journée du 11, un matériel
important est resté entre nos mains. À
Saint-Morel, une trentaine des mitrailleuses lourdes et
légères sont trouvées ; un gros
dépôt de munitions d'artillerie (200 000 obus de
105 ou de 210). Des dépôts d'outils et de
matériel de chemin de fer tombe en notre possession.
Dans la nuit du 11 au 12, le régiment, qui faisait face au
nord-est, prend un dispositif face au nord. Ce changement de direction
est particulièrement pénible en raison de la
très grosse fatigue des troupes et de l'obscurité
de la nuit, à travers un terrain ne fournissant aucun point
de repère. Mais il faut être en place pour
marcher, dès l'aube, sur Vouziers ; chacun le sait et veut
aboutir.
Le 12, à 6 heures, le régiment est face au nord
et reprend vivement sa progression.
L'artillerie ennemie, tirant des hauteurs est de l'Aisne et prenant les
bataillons de flanc, se montre très active. Le 2
e bataillon
souffre particulièrement en traversant le ruisseau des
Daims, en débouchant de la ferme La Chambre aux Loups et en
abordant le plateau sud de Vouziers.
Le 3
e bataillon mène la marche, en 1
ère ligne, et
parvient rapidement aux lisières sud de Vouziers.
Dès 9 h 30, le premier élément
français aborde la ville ; la 9
e compagnie
traverse Vouziers. - Le reste du 3
e bataillon se porte au nord et
s'établit solidement à hauteur des casernes,
tandis que le 2
e bataillon, orienté sur la
lisière est, va chercher à franchir l'Aisne.
Mais les ponts sont coupés et la vallée
inondée. Cependant sur les débris du pont,
quelques éléments réussissent
à s'infiltrer sur la rive droite. Cette infiltration est
exécutée en rampant, dans l'eau, sous un feu
violent de mitrailleuses partant de la ferme Misset, de la Providence
et des cotes de Chestres. Mais la route est coupée
à 1500 mètres du pont détruit ; une
mitrailleuse ennemie installée au-delà de cette
coupure, tire sans arrêt.
L'artillerie ennemie crible Vouziers de projectiles. Il faut organiser
le passage.
La légère tête de pont qu'a pu
organiser le régiment demeure ainsi sous le feu constant des
mitrailleuses, et, pour la suite des opérations, il faut
assurer la conservation du terrain conquis.
Plusieurs tentatives sont exécutées en vue de
déboucher sur la rive droite de l'Aisne ; mais en vain. Une
fraction de la 9
e compagnie, sous la conduite du sous-lieutenant
Carles, tente de s'infiltrer par la voie étroite se
dirigeant vers le nord-est. Elle réussit à
progresser de 300 mètres environ ; mais est
bientôt obligée de s'arrêter sous un feu
extrêmement violent de mitrailleuses partant de la ferme
Misset. Elle ne peut alors ni avancer ni reculer ; sa situation est
très critique. Pour la dégager, un barrage
d'artillerie est exécuté. Sa tentative,
menée par 15 hommes et 4 brancardiers, a
coûté 12 pertes.
Le lendemain matin, 13 octobre, de nouveaux essais de progression sont
tentés. Mais, malgré la résolution et
les efforts de tous, il est impossible de franchir l'Aisne.
Le 14 au soir, le régiment est relevé sur ses
emplacements par le 65
e régiment d'infanterie.
Pendant cette période de combats, il a perdu 500
hommes et 10 officiers, mais il a enlevé à
l'ennemi plusieurs centaines de milliers d'obus de tous calibres,
plusieurs dizaines de mitrailleuses, une quantité
considérable de munitions d'infanterie, plusieurs centaines
de quintaux de fourrage, plusieurs canons, un important
matériel de voie ferrée, des caissons, un
dépôt de plus de 50 000 outils, un
dépôt de vivres considérables
à Vouziers, un dépôt de 100 machines
agricoles, etc., etc.. La rapidité des opérations
n'a pas permis au régiment de dénombrer
exactement le matériel capturé.
Les résultats acquis donnent au régiment la
satisfaction du devoir parfaitement accompli. Les très
grosses fatigues supportées avec bonne humeur ; l'entrain
endiablé à talonner sans répit
l'ennemi ; la bravoure spontanée dans toutes les
circonstances du combat, sont les raisons de sa légitime
fierté.
Le 86
e est alors cité à l'ordre du jour de la 4
e
armée et obtient la fourragère.
Régiment d'une solidité à
toute
épreuve. Malgré les pertes et les fatigues
endurées au cours des 2 marches d'approche, est
rentré dans la bataille sous le commandement du
lieutenant-colonel Sautel, avec un entrain admirable. Après
avoir repoussé les contre-attaques de l'ennemi est
passé à l'offensive, chassant devant lui les
arrière-gardes allemandes, capturant un matériel
considérable. Est entré le 1er à
Vouziers, le 12 octobre 1918 et a immédiatement
jeté une tête de pont sur la rive droite de
l'Aisne en dépit des obstacles et sous un feu meurtrier,
gardant après 15 jours de bataille, un moral et un esprit
offensif remarquable.
Relever le 14 octobre, le régiment se rassemble au camp
d'Orfeuil ; puis, par étapes, se rend au camp de
Châlons où il stationne à Mourmelon le
Grand.
II.
Vandy
Le 86
e stationne à Mourmelon le Grand du 19 au 26 octobre.
La division est en réserve de la 4
e armée et
remise à la disposition du 9
e Corps d'Armée le 27
octobre.
À cette date le régiment fait mouvement par voie
de terre et remonte vers le nord, par Saint-Soupplet,
Saint-Étienne à Arnes, il arrive dans la
région de Tourcelles - Chaumont à 10 km
à l'ouest de Vouziers.
Dans la nuit du 30 au 31 octobre, le 86
e relève le 319
e
dans la région de Vandy sur l'Aisne. Cette relève
est excessivement pénible. Pour se porter de Vrizy (rive
gauche) a Vandy (rive droite) il n'existe, en effet, qu'une seule voie
d'accès de 1600 mètres de long, large de 6
mètres, au milieu de la vallée
inondée. De plus l'ennemi est averti de cette
relève. Un document allemand, retrouvé le 2
novembre, faisait connaître que l'ennemi avait des
indications absolument précises sur ce point. Par suite,
notre unique voie d'accès est battue avec une violence
extrême par l'artillerie ennemie. La traversée de
l'Aisne nous coûta ainsi des pertes
sévères.
Néanmoins, dès minuit, le 86
e occupe les
emplacements fixés, avec 2 bataillons en 1
ère
ligne sur la rive droite et 1 bataillon maintenu en réserve
sur la rive gauche.
Une attaque générale est en
préparation. L'ennemi s'y attend, et durant toute la
journée du 31 octobre, son artillerie est très
active, ainsi que pendant la nuit du 31 octobre au 1
er novembre.
Le 1
er novembre, à 4 heures, le régiment est en
place pour se porter à l'attaque avec 2 bataillons en
1
ère ligne et 1 bataillon qui a traversé l'Aisne,
en réserve sur la rive droite ; le 3
e bataillon
opère à gauche, le 2
e à droite.
Dès 5 heures, notre artillerie commence les tirs de
préparation. L'ennemi déclenche alors des tirs de
contre préparation très violents sur tout notre
front.
À 5 heures 45, notre infanterie débouche. Le
barrage ennemi est alors très intense. Malgré ce
tir et celui de nombreuses mitrailleuses qui se
révèlent, nos bataillons se portent bravement
à l'attaque.
Le 3
e bataillon subit des pertes très lourdes ; la 10
e
compagnie perd successivement tous ses officiers et est
réduite, en quelques minutes, à un effectif de 22
combattants. Sa progression est arrêtée ; mais
momentanément, car l'adjudant Vendioux va la rallier et
l'entraîner vigoureusement en avant.
Le 2
e bataillon progresse malgré de grosses
difficultés et atteint le ruisseau de Malva vers 7 h 30 ;
mais, pris violemment à partie par les mitrailleuses
ennemies installées aux lisières sud du bois de
Montdingon, il stationne quelques instants.
Cependant, grâce à la résolution et au
courage des hommes il reprend bientôt son mouvement en avant,
devant les exemples magnifiques donnés par le lieutenant
Fabre, les sergents Marmoiton, Vaisse, Thévenon, les soldats
Gourdon, Philiphe, Négrie, Forestier, Charruel et tant
d'autres, qui font des prisonniers et capturent des mitrailleuses.
La droite du 3
e bataillon réussi à progresser,
grâce à une débauche
d'héroïsme, et atteint les pentes sud de la cote
157. Tous les hommes sont admirables ; on ne peut les citer tous :
c'est le capitaine Broegg, le lieutenant Chifflot, les sergents
Plantin, Ravoux, Tichet, les soldats Vigouroux, Rolle... et beaucoup
d'autres.
Dès 10 h 15 le 2
e bataillon peut reprendre sa progression
par infiltration et pénètre dans les bois de
Montdingon, après avoir capturé un grand nombre
de mitrailleuses.
Le 3
e bataillon réussi à occuper
entièrement la cote 157 vers 12 h 30, malgré les
feux rapides des mitrailleuses ennemies installées au nord
est, vers la cote 203.
Cette cote 203 est un point excessivement dangereux, important nid de
mitrailleuses qui gêne énormément notre
progression. On en prépare l'attaque par un feu
très intense d'artillerie. Le 1
er bataillon est
entré en ligne, une de ses compagnies a
été portée vers la droite pour
établir la liaison entre le régiment et le 161
e
qui se heurte à une résistance
acharnée. Deux autres compagnies sont parties en avant
à gauche du 3
e bataillon, vers le soir.
Cette première journée de combat a
été rude et nos pertes
sévères. Néanmoins le cran dont la
troupe a fait preuve a été admirable.
Malgré des difficultés énormes elle a
progressé, s'emparant d'un grand nombre de mitrailleuses et
de prisonniers.
La nuit du 1
er au 2 novembre est employée à
préparer la reprise de l'attaque et à
réaliser le nouveau dispositif de départ : 2
bataillons en 1
ère ligne (2
e à droite, 3
e
à gauche) 1 bataillon en 2
e ligne (1
er).
Ce dispositif est pris pour le 2 novembre à 7 heures.
À 7 h 15, notre artillerie entame la préparation
; l'artillerie ennemie riposte aussitôt et dirige une
énergique contre préparation sur le 3
e bataillon.
Le 2
e bataillon opère sous bois.
À 8 heures, le régiment attaque. Les
mitrailleuses ennemies de la cote 203 et du nord-ouest de cette cote
ouvrent un feu intense ; on progresse quand même.
À 9 heures, la gauche du 3
e bataillon a atteint la cote 203
; mais y est arrêté par des mitrailleuses.
À droite la 2
e compagnie a progressé sous bois de
800 mètres environ.
La marche du 2
e bataillon s'effectue par infiltration en manoeuvrant
les mitrailleuses adverses.
Cependant, sur tout le front, les bataillons se heurtent à
chaque instant à des mitrailleuses qui ralentissent
énormément notre mouvement en avant et nous
causent de lourdes pertes. L'artillerie ennemie réagit avec
vigueur avec obus explosifs et obus toxiques.
Vers le soir, la 7
e compagnie a poussé une pointe hardie en
s'infiltrant sous bois et se trouve tout près de la route
Quatre-Vents, Quatre-Champs.
Cette seconde journée d'attaque a été
particulièrement rude et nos pertes graves.
Malgré l'action de notre artillerie, les mitrailleuses
ennemies sont restées très actives.
Au cours de ces 2 jours, les hommes ont fait preuve de la plus grande
bravoure et d'un entrain magnifique ; leur moral est resté
très élevé malgré les
pertes subies et les fatigues supportées sous la pluie.
Dans la nuit du 2 au 3 novembre, le 86
e est relevé sur ses
emplacements et passe en réserve.
Dès le 3 au matin, les rudes coups portés par le
régiment portent leurs fruits. L'ennemi,
épuisé, ayant, lui aussi, subi des pertes
considérables, a abandonné la lutte et se retire.
Les éléments de tête de la division se
portent alors en avant sans trouver de résistance.
Durant les journées suivantes, la progression continue.
L'ennemi est poussé vigoureusement. Le 86
e reste en
réserve et stationne successivement à Ballay,
Maison-Rouge, le Chêne-Populeux, Vandresse. Le 1
er bataillon,
mis aux ordres du 408
e mène le combat en 1
ère
ligne et après avoir enlevé brillamment la ferme
de la Chatterie, traverse la Bar, et arrive à la Meuse
à l'ouest de Donchéry, le 8 novembre au matin.
Le 9 au soir, tout le 86
e est au bord de la Bar, ses
éléments de tête à la Meuse.
Cette période du 31 octobre au 10 novembre a
été très pénible ; les
combats acharnés des 1
er et 2 novembre ont chassé
l'ennemi de la rive droite de l'Aisne, grâce à
l'entrain et à la volonté de tous.
Ni les pertes subies, ni la pluie et la boue, ni les nuits
très froides n'ont pu atteindre le moral des hommes du 86
e
qui savaient pouvoir dominer l'adversaire. Le régiment a
perdu 350 hommes et 7 officiers. Mais l'ennemi a subi des pertes encore
plus sévères, les cadavres restés sur
le champ de bataille le prouvent. De plus, l'ennemi nous a
laissé plus d'une centaine de prisonniers et au moins 40
mitrailleuses.
Le régiment est cité à l'ordre du jour
du 9
e corps d'armée.
Le 1er et 2 novembre 1918, le 86e régiment, sous
les ordres
du lieutenant colonel Sautel, a bravement attaqué sur la
rive droite de l'Aisne de puissantes organisations allemandes, en a
provoqué la rupture au prix de pertes
sévères et a contribué ensuite
à la poursuite de l'ennemi jusqu'à la Meuse
faisant des prisonniers et capturant des mitrailleuses.
Le 11 novembre 1918, le 86
e est en secteur sur la Meuse,
dont il
prépare le franchissement. Mais l'ennemi s'avoue vaincu et
demande grâce.
Conclusion
Du 14 août 1914, date inoubliable à laquelle il
reçut le baptême du feu, jusqu'au 11 novembre
1918, les
soldats du 86
e ont montré la bravoure ancestrale des
chasseurs
des Ardennes. Au cours de la sanglante épopée,
ils ont
combattu dans toutes les grandes batailles. Dans cette lutte
gigantesque, ils ont apporté leurs remarquables
qualités
de montagnards : la résistance, le sang-froid, le calme et
la
ténacité. Partout, en toutes circonstances,
l'ennemi a
trouvé en eux des adversaires redoutables.
Du 14 août 1914 au 27 août 1914, c'est la campagne
de
Lorraine. Avec une fougue et un enthousiasme indescriptibles le 86
e
bouscule l'ennemi, pénètre en terre
annexée et
arrive le 20 août à quelques kilomètres
de
Sarrebourg. Il se heurte alors à des forces
supérieures,
et écrasé par une artillerie formidable, il est
obligé d'abandonner le terrain conquis, qu'il
défend pied
à pied.
En septembre 1914, le régiment se jette
résolument la
poursuite de l'ennemi battu à la Marne et l'oblige
à
abandonner les bois de Thiescourt. Mais l'ennemi se cramponne au
terrain, il construit à la hâte des
tranchées
bétonnées, des abris blindés, contre
lesquels
notre artillerie reste impuissante. Nos braves montagnards se font
très rapidement à cette guerre de taupes ; ils
comprennent la nécessité de s'enterrer et avec
une
activité inlassable ils creusent le sol. Pendant de longs
jours,
des mois interminables ils attendent en vain l'issue de ce drame.
Septembre 1915 apporte un rayon d'espoir. La nouvelle de nos
succès exalte nos braves auvergnats. Si calmes de nature,
ils
discutent, ils parlent de la percée du front, de la
défaite de l'Allemagne et ne demandent qu'à
participer
à l'attaque, qu'à bondir sur l'ennemi. Ce n'est
pas leur
tour ; ils continuent à assurer la garde de la
vallée de
l'Oise, la route de Paris.
Fin février 1916, c'est la ruée allemande sur
Verdun ;
l'ennemi à concentrer devant cette place une
armée
considérable et accumulé une artillerie
"kolossale" ; il
veut à tout prix une victoire. Certains de
succès, le
Kronprinz lance ses bataillons à l'assaut. Les braves du 86
e
font partie de l'armée qui a l'insigne honneur de
défendre la forteresse. Pendant 12 jours, du 29
février
au 13 mars, ils luttent héroïquement ; ils vivent
dans un
véritable enfer sous un déluge de mitraille ; ils
souffrent, ils meurent ; mais l'ennemi ne passe pas et la citadelle
meurtrie mais inviolée reste debout comme un défi
jeté à la face du Kronprinz a jamais maudit.
Et cette armée de braves, que l'Allemagne comptait
anéantir, se dresse plus forte que jamais, passe
à son
tour à l'attaque sur le front de la Somme.
Appuyée par une puissante artillerie et par une aviation
nombreuse et audacieuse, elle inflige une sanglante défaite
à l'ennemi.
Les soldats du 86
e écrivent alors une belle page de leur
histoire ; pendant 40 jours, ils se battent avec acharnement ; ils enlêvent brillamment Vermandovillers et s'élancent
résolument à l'attaque d'Ablaincourt.
En 1917, le régiment conquiert de nouveaux lauriers.
Après avoir participé avec une belle
activité aux
préparatifs d'attaque, durant les mois
particulièrement
froids de janvier et de février, il se jette à la
poursuite
de l'ennemi.
En août 1917, le 86
e est à la cote 304
où la
violence des combats dépasse alors tout ce que l'on peut
imaginer.
En novembre et décembre, il revient pour la 3
e fois
à
Verdun, devant le secteur de Louvemont, où il est
inondé
de gaz toxiques.
Enfin, pendant l'année 1918, l'année des
angoisses,
l'année des surprises et de la victoire, le 86
e continue sa
tâche glorieuse. En mai et juin, il fait partie des troupes
qui
arrêtent l'offensive ennemie sur la Marne. Pendant 6 jours,
il
combat vaillamment dans Olizy, Anthenay, Violaine, contre un ennemi
très supérieur en nombre et grisé par
le
succès. Une citation à l'ordre de
l'armée est la
juste récompense des exploits accomplis.
Du 15 au 20 juillet, les braves de 86
e luttent avec la plus
héroïque ténacité sur la
montagne de Reims et
empêchent encore une fois l'ennemi de réaliser son
audacieux projet.
Dès lors, l'aube de la victoire apparaît
à
l'horizon. Le maréchal Foch déclenche
à son tour
une formidable offensive ; l'ennemi, attaqué sur presque
tout le
front, est battu. Avec quel enthousiasme le 86
e prend part à
la
poursuite en Champagne. Il rentre le premier dans Vouziers le 12 octobre
1918. Une 2
e citation à l'ordre de la 4
e armée
récompense ses glorieux efforts.
Enfin, dans un nouvel et dernier élan, au début
de
novembre, le 86
e bouscule l'ennemi accroché sur
la rive
droite de l'Aisne. La signature de l'armistice le trouve à
quelques kilomètres à l'ouest de Sedan.
Une 3
e citation à l'ordre du 9
e corps d'armée
vient
couronner la magnifique campagne de ce régiment de braves.
Toute cette belle épopée se termine par la remise
de la
fourragère au drapeau. Le 10 janvier 1919 à
Nancy, sur le
cours Léopold, en présence d'une foule nombreuse
et
enthousiaste, le général de Mitry, commandant la
7
e
armée accroche la fourragère au drapeau du
régiment décoré de la
médaille d'Italie et
de la Croix de Guerre ornée de 2 palmes et d'une
étoile
d'or.
Tel fut le rôle glorieux du 86
e régiment
d'infanterie
durant la Grande Guerre, rôle dont il doit être
fier. Mais
que de sacrifices consentis ! Le 86
e a très largement
versé son sang pour la victoire, le chiffre de ses morts
l'atteste.
La liste de ses héros morts au champ d'honneur est
particulièrement éloquente.
Sans compter, ce beau régiment a donné ses
enfants pour
assurer le triomphe du droit et de la justice sur la barbarie.
Gloire aux vaillants soldats du 86
e !!
Gloire à ses héros morts pour la Patrie.
Gloire à vous, ô nos morts, qui dormez tout au
long de cette "voie sacrée" de la Lorraine à la
Somme.
Votre sacrifice sublime est inscrit pour toujours sur les tables de
l'Histoire, votre souvenir restera éternel.
Juin 1919
Capitaine A. Bonnet
Officiers
du 86e régiment d'infanterie
morts au champ d'honneur
colonel
Couturaud tué le 25 août 1914 Saint-Blaise
lieutenant-colonel
Barral tué le 24 août 1914 Baccarat
chefs
de bataillon
Oligschlager tué le 25 août 1914 Baccarat
Peyre tué le 17 septembre 1916 Vermandovillers
Fenestre mort en captivité
capitaines
Pichon tué le 20 août 1914 Sarrebourg
Degoutin tué le 20 août 1914 Sarrebourg
Souques tué le 23 août 1914 Baccarat
Tondeur tué le 25 août 1914 Baccarat
Girardet tués le 18 septembre 1914 Machemont
Caillet tué le 17 septembre 1916 Vermandovillers
Guiguet tué le 17 septembre 1916 Vermandovillers
Sayn tué le 17 septembre 1916 Vermandovillers
Groscolas tués le 18 septembre 1916 Vermandovillers
Gomot tué le 1
er août 1917 cote 304
Talobre tué le 30 mai 1918 Anthenay
Broegg tué le 1
er novembre 1918 Vandy
lieutenants
Chailler tué le 20 août 1914 Sarrebourg
Cornut tué le 20 août 1914 Sarrebourg
Basset tué le 25 août 1914 Saint-Blaise
Magnin tué le 25 août 1914 Baccarat
Camisole tué le 27 août 1914 Roville aux
Chênes
Serre tué le 3 mars 1916 Damloup
Soulet tué le 12 mars 1916 fort de Vaux
Gros tué le 17 septembre 1916 Vermandovillers
Aurière tué le 10 octobre 1916 Vermandovillers
Lambert tué le 4 avril 1918 Vauquois
Coulazou tué le 30 mai 1918 Olizy
Aubignat tué le 31 mai 1918 Anthenay
Foure tué le 17 juillet 1918 Courmas
Savy tué le 11 octobre 1918 Croix des Soudans
Chifflot tué le 1
er novembre 1918 Vandy
sous-lieutenants
Clairet tué le 10 septembre 1916 Vermandovillers
Riocreux tué le 12 septembre 1916 Vermandovillers
Amilcar tué le 17 septembre 1916 Vermandovillers
Boudon tué le 17 septembre 1916 Vermandovillers
Bohaud tué le 10 octobre 1916 Vermandovillers
Clauzet tué le 10 octobre 1916 Vermandovillers
Vacher tué le 10 octobre 1916 Vermandovillers
Voyer tué le 15 octobre 1916 Vermandovillers
Creissel tué le 2 juillet 1917 cote 304
Marinier tué le 2 août 1917 cote 304
Allaire tué le 30 mai 1918 Anthenay
Croffat tué le 31 mai 1918 Anthenay
Plo tué le 31 mai 1918 Olizy - Violaine
Denis tué en octobre 1918 Marvaux
Bonnet tué le 11 octobre 1918 Croix des Soudans
Faucher tué le 11 octobre 1918 Monthois
Chancel tué le 1
er novembre 1918 Vandy
médecin
major de 1ère classe
Canel tué le 24 août 1914 Baccarat
Sous-officiers,
caporaux et soldats
morts au champ d'honneur
sous-officiers 125
caporaux 128
soldats 1508
total 1761