6e Groupe de Chasseurs Cyclistes


Le bataillon cycliste aux grandes manœuvres de l'Est

Nous avons, à différentes reprises, parlé des soldats cyclistes du capitaine Gérard. Il y en eut d'abord une compagnie ; il y en a maintenant un bataillon, dont le commandant Gérard - car l'excellent officier a conquis son quatrième galon — conserve le commandement. Ce bataillon, fort de cinq à six cents fusils environ, vient de faire son vrai début cette semaine, aux grandes manoeuvres de l'Est, commencées lundi, dans la région avoisinant Vitry-le-François, et ce début a été extrêmement brillant.

Le bataillon du commandant Gérard fait partie du 6e corps d'armée, placé sous les ordres du général Dalstein. Dès lundi, il se distinguait en occupant, avec une rapidité étonnante, un point stratégique important vers lequel on l'avait lancé, puis en surprenant, dans les bois au milieu desquels il se cachait, le corps d'armée « provisoire » qui manœuvre dans cette première période contre le 6e corps, et en le forçant à une action prématurée.

Ceux qui virent les cyclistes du commandant Gérard s'élancera toute vitesse sur la grand'route, replier prestement leurs bicyclettes et les charger sur leur dos pour aborder la position, puis se mettre en bataille et ouvrir le feu ; enfin, l'action terminée, regagner le grand chemin, remonter leurs machines et repartir à force de pédales, ceux-là s'émerveillèrent de l'excellent entraînement de ces hommes, de leur entrain, de leur vivacité.
Mardi, le bataillon cycliste se distinguait par des exploits nouveaux, par une intervention plus décisive encore.
Dès le matin, avant le jour, le général Dalstein donnait l'ordre au commandant Gérard de se porter sur une ligne reliant Soulanges à Saint-Amand, afin de barrer au corps provisoire, toujours, la grande voie d'accès de Vitry-Châlons et de permettre au 6e corps de couper dans leur retraite les arrière-gardes de l'armée ennemie qui reculait.

En une heure, en pleine nuit, par des chemins abominables, détrempés par la pluie, le bataillon avait franchi 12 kilomètres et était à la place indiquée, qu'il occupait en attendant l'arrivée de la 6e brigade de cavalerie qui le suivait.

Un peu plus tard, deux détachements de cyclistes arrêtaient, en tête et en flanc, aidés par du canon, un régiment d'artillerie ennemie. Puis le bataillon au complet, lancé en avant, prenait contact avec quelques troupes de chasseurs à pied, à Pogny. Le général Dalstein rappela alors le bataillon dont il avait besoin et le plaça à son aile droite. Là, il joignit bientôt l'avant-garde d'une division adverse, forçant encore une fois le corps provisoire surpris à engager le combat, et enfin se groupa en réserve, à la disposition du commandant de corps d'armée, tandis que la 42e division tout entière prenait sa place au feu.

Ce sont là des résultats excellents et auxquels rendent unanimement hommage les arbitres des manœuvres comme les écrivains spéciaux.
Une polémique s'était engagée, ces temps derniers, entre M. Maurice Berteaux, ministre de la Guerre, et le général Langlois, le savant tacticien, au sujet des mérites des grosses formations cyclistes et des services qu'elles pouvaient rendre. Après ce seul début du bataillon Gérard aux manœuvres, après les belles opérations qu'il a accomplies, on peut d'ores et déjà considérer le procès comme jugé, et le général Langlois, qui s'était fait l'avocat chaleureux des cyclistes, voit triompher sa thèse. Le bataillon du commandant Gérard a fait ses preuves. Il a enchanté, par sa mobilité, par son activité efficace, ses défenseurs même les plus convaincus.

Photographies L. Guérin, Mourmelon-le-Grand.

article paru dans "L'Illustration" du 9 septembre 1905