Combats du Monte Tomba :
Le 340
e Régiment d'Infanterie a été constitué à la base avec les
réservistes du 140
e Régiment d'Infanterie cantonné avant la guerre dans l'ancien
séminaire de la Côte S
t André et aux casernes Vinoy et Bizanet de Grenoble.
En
février 1918, il fait partie de la 64
e Division d'Infanterie avec les 261
e et 339
e
Régiments d'Infanterie.
Le 28 octobre 1917, la 64
e Division d'Infanterie reçoit l'ordre de s'embarquer à destination de l'Italie
en passant par Lyon puis Vintimille pour faire partie de l'Armée Française d'Italie.
Ordre général n° 443 de la 64
e Division d'Infanterie.
« La 64e Division d'Infanterie après avoir affronté le Boche
pendant 3 ans et demi, va maintenant trouver devant elle l'Autrichien. Cela n'est ni pour l'étonner ni pour
l'émouvoir.
Le général commandant la 64e Division d'Infanterie est certain que ses vaillantes troupes
resteront sur le Tomba, ce qu'elles ont été devant Verdun et sauront, non seulement maintenir les avantages si
brillamment conquis par la 64e Division d'Infanterie, mais encore les consolider et les développer. »
Quartier général, le 7 janvier 1918.
Le
général commandant la 64
e Division d'Infanterie.
Signé : Colin
La Division doit être portée par étape dans la région de
Vicence en vue de mettre le secteur au nord de Vicence en état de défense. Les troupes sont sur place le 19 novembre. Le 2
décembre la Division quitte la région de Vicence pour se porter dans la région d'Asolo où elle arrive le 5
décembre.
Le 5 janvier, la Division est mise à la disposition du Général commandant le 31
e
Corps d'Armée pour effectuer la relève de la 47
e Division d'Infanterie sur le front Tomba – Monfenera.
La
relève des Bataillons de Chasseurs à Pied de la 47
e Division d'Infanterie commence dans la nuit du 6 au 7 janvier,
jusqu'au 12 janvier 1918.
Carte Possagno – Alano (éch. : 1/20000) issue du
JMO du 52e BCP du 28 novembre 1917 page 40.
A cette date, la Division occupe le secteur du Tomba de la façon suivante :
- Infanterie
- 2 régiments d'infanterie en ligne auxquels s'ajoute un 3e régiment appartenant à la
Division de droite (23e), ce régiment est mis à la disposition du Général commandant la 64e
Division pour l'occupation du secteur du Tomba.
- 1 régiment d'infanterie au repos.
- 1 peloton du 24e Dragons est également en ligne.
- 2 compagnies du 42e Régiment d'Infanterie Territoriale
- Artillerie de campagne
- 3 groupes de 75 (202e RAC)
- 3 groupes de 95 (219e RAC) dont 1 au repos
- Artillerie de montagne
- 3 groupes de montagnes (2e, 3e et 4e groupes d'artillerie de montagne)
- Artillerie longue portée
- 3 groupes de 155 CS (8e et 9e groupes du 113) dont 1 au repos
- 15 mortiers de 149 Italiens
- 1 batterie AT du 202e RAC
- 24e groupe d'AT (2 batteries de 58, 2 batteries de 240L)
- 2 batteries de 75 de T (28e groupe)
- Génie
- 2 compagnies de génie divisionnaire
Les relèves sont prévues tous les 18 jours, chaque régiment étant au repos en réserve de Division
d'Infanterie pour 9 jours.
Le secteur comprend 3 sous secteurs :
- 2 sous secteurs occupant la position Tomba – Monfenera :
- sous secteur Ouest avec 2 quartiers, 1 bataillon en réserve, PC à Canepora ;
- sous secteur Centre avec 2 quartiers, 1 bataillon en réserve, PC à La Costa.
- 1 sous secteur occupant la position Castella – Pederobba :
- sous secteur Est avec 2 quartiers, 1 bataillon en réserve (tenu par un régiment de la division de
droite), PC à Pederobba.
Le PC de l'infanterie divisionnaire est à Casa al Baschi.
Le PC de la division et l'état-major de l'artillerie divisionnaire est à Gasin (Costalunga).
Le 2
e échelon du QG (1
er bureau) est à Asolo avec
les services (génie, médecin divisionnaire, intendance).
La 64
e Division d'Infanterie ne restera dans le secteur du Tomba que jusqu'au 11 février, elle sera alors
relevée par la 46
e Division d'Infanterie.
La description du secteur tenu par les régiments d'infanterie de la 64
e DI (les 261
e, 339
e et 340
e
RI) est très bien détaillée dans le JMO du 339
e RI le 13 janvier 1918 :
Le secteur tenu par le 339e Régiment d'Infanterie, est un secteur de montagne. Les premières lignes sont à plus de 700 m
au-dessus du niveau de la mer et à environ 500 m au-dessus de la plaine qui s'étend au Sud. Ce secteur vu de
l'arrière présente l'aspect d'un glacis sillonné de nombreux ravins orientés dans la direction Nord-Ouest
– le Sud-Est ; ces ravins sont les lits de torrents dont la plupart sont presque complètement à sec pendant
plusieurs mois, sauf le cas d'orages.
Le massif Monte Tomba – Monfenera est le dernier sommet alpestre devant la plaine. Il
se rattache à l'Ouest au massif du Monte Grappa (environ 10 km à vol d'oiseau) auquel il est relié par le Monte
Pallone ; à l'Est, le secteur du régiment descend en pente douce jusqu'au Piave qui se faufile sur d'immenses
grèves de cailloux dont la largeur atteint à certains endroits 2 kilomètres. À la hauteur du secteur tenu par
le régiment, le Piave qui coulait suivant une direction Nord – Sud, se heurte à une série de crêtes
plissées qui l'oblige à prendre une direction Ouest – Est. À partir de ce moment, le Piave délimite les 2 fronts.
Les premières lignes sont situées sur la crête du Monfenera, la tranchée du
général Serret (première ligne) et celle du colonel Bel (ligne de soutien) étaient jusqu'au 30
décembre 1917, au pouvoir des Autrichiens et notre première ligne à cette époque était
constituée par les tranchées du lieutenant Ellen et celle des Garibaldi ; placées un peu à
contre-pente des lignes ennemies, l'attaque française du 30 décembre 1917, nous donnait la crête et les Autrichiens
abandonnaient les pentes Nord du Monte Tomba - Monfenera, pour se reporter en arrière à la vallée de l'Ornic.
A) Situation Tactique
Les tranchées occupées par le régiment sont continues, mais peu profondes pour les premières lignes en
raison de leur occupation récente ; leur aménagement est à faire dans un sol rocheux d'un
travail difficile ; pas d'abris ; les tranchées situées sur le Monfenera sont vues des observatoires ennemis ;
on doit par suite éviter le mouvement et la circulation pour éviter les bombardements.
Néanmoins, le
régiment travaille activement à l'organisation du secteur, en faisant le plus possible usage du camouflage des travaux,
camouflage que la neige facilite d'ailleurs.
En raison du recul des Autrichiens, des patrouilles de sécurité et des reconnaissances sont faites chaque nuit par les 2 bataillons de
premières lignes ; les patrouilleurs sont vêtus de vêtements blancs pour les rendre moins visibles en raison de la neige.
Situation des bataillons dans les 3 sous-secteurs en ligne ou au repos dans les zones de Pieve, Paveion et Castelcucco au fur et
à mesure des relèves de début janvier à mi-février 1918.
La répartition de l'artillerie ennemie battant la région Monte Tomba – Monfenera, comprend 4 nids d'artillerie.
- 1e groupe Alano di Piave – Quero :
Très peu actif ; à la suite des attaques, il est
à prévoir pour lui, un déplacement vers le Nord.
- 2e groupe à l'Ouest de la route Bigoleiro – Val Dobidenne :
Assez peu actif et paraît
réservé pour les barrages.
- 3e groupe à l'Est de la route précédente et à l'Ouest de la route San Giovanni – San Pietro :
C'est le groupement le plus actif ; tire principalement dans la vallée de la Curogna.
- 4e groupe à l'Est de la route ci-dessus et à l'Ouest de la route Vidor – Colbertaldo :
Assez actif, son action s'étend vers le Sud et à la suite du précédent.
En résumé, les tirs de l'artillerie ennemie ont plutôt le caractère de représailles aux tirs français.
Le tir le plus fréquemment employé par l'ennemi est le tir de harcèlement, principalement sur les
routes, voies de communication, cantonnements importants de l'arrière, en employant de préférence les moyens
calibres et parfois les obus spéciaux (obus à gaz).
Relations avec l'avant.
La liaison entre les premières lignes et le PC (poste de commandement) du lieutenant-colonel est assuré au moyen :
- 1° de courriers fixes.
Le premier courrier de chaque bataillon arrive au PC du régiment à 12h15 ; il en repart à 13h30.
- Le 2e courrier de chaque bataillon arrive au PC du régiment à 17h30.
En dehors des heures ci-dessus, des courriers spéciaux peuvent fonctionner en cas d'urgence.
Une chaîne de coureurs, avec des relais de distance en distance, assure la transmission des courriers.
B) Situation administrative
Malgré l'avantage résultant de l'occupation de la crête de Montfenera, nos
arrières sont vus de certains observatoires autrichiens placés soient au Nord-Ouest, soit au Nord-Est. La
conséquence en est de fréquents bombardements (tirs de harcèlement) nocturnes sur les routes, notamment la grande
route Passagno – Pederobba et sur tous les carrefours de Caniezza – Pederobba, Pieve ; le carrefour de Vettorazzi
est principalement battu. Les instructions sont données en conséquence pour éviter autant que possible ces routes
et ordre est donné de passer plus au Nord en utilisant le chemin chariotable qui longe les premières pentes.
Ravitaillements.
Les convois sont laissés à Castelcucco, le ravitaillement se fait par voiture jusqu'à
Virago où est stationnée une partie de la compagnie muletière ; là, déchargement et transport
à dos de mulets, transports difficiles en raison de l'obscurité, des chemins et souvent de la neige.
Alimentation.
Les bataillons installent leurs cuisines roulantes dans les ravins, le plus près possible de leurs unités,
de là, la nourriture est montée aux tranchées durant la nuit et à dos de mulest pris dans les relais de
bataillon. L'emplacement des cuisines est choisi aussi près que possible des points d'eau, assez rares d'ailleurs. Pendant son
séjour en secteur, le régiment étudie et commence l'installation de cuisines fixes, conformément
d'ailleurs aux ordres du Général Commandant l'Armée.
En attendant leur fonctionnement, le lieutenant-colonel recommande pour les unités en
premières lignes l'essai de la combinaison : alcool solidifié – bois calciné d'avance, l'emploi de
dispositif de tamisage de fumée (grands Cassius percés de nombreux petits trous) car faire du feu sans précaution est
déraisonnable et dangereux, mais avec toute la série de précautions nécessaires, il n'y a plus
d'inconvénients, reste seul, le grand avantage de pouvoir réchauffer les aliments, chose indispensable pendant les
séjours en montagnes.
Relations avec l'arrière.
Ces relations sont assurées au moyen de courriers arrivant de Castelcucco, au PC du colonel à 11h30 et
à 18h45 ; ils repartent à Castelcucco à 13h00 et à 19h30.
Un sous-officier vaguemestre par bataillon accompagne chaque soir le TR (train régimentaire)
aux cuisines et délivre le courrier postal à chaque caporal d'ordinaire ; il repart en emportant le courrier départ.
Situation des bataillons dans les 3 sous-secteurs en ligne ou au repos dans les zones de Pieve, Paveion et Castelcucco au fur et
à mesure des relèves de début janvier à mi-février 1918.
Au 1
er février, le 6
ème bataillon du 340
e
RI était donc dans le quartier de droite du sous-secteur centre du secteur Tomba – Monfenera en liaison avec
le 5
ème bataillon du 340
e RI à sa gauche et le 1
er
bataillon du 138
e RI à sa droite.
Ce quartier se situe le Monte Monfenera et le Monte la Casella, là où Joanny Alphonse DUMOULIN sera
tué le 1
er février 1918 à 11h00.
Les circonstances de son décès sont inconnues. La seule trace d'action dans les JMO se trouve dans celui de l'Infanterie
Divisionnaire de la 64
e DI : "Une embuscade tendue par le 340
e
RI est éventée par les chiens patroilleurs autrichiens.", mais aucun détail précis ni état des pertes humaines.